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Journée Internationale des Personnes Handicapées: Au-delà des discours, quid de la participation effective des enfants ?

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Guidés par le thème « Promouvoir la participation et le rôle des Personnes Handicapées : Faire progresser le programme de développement durable à l’horizon 2030 », les Etats (politiques, institutions et Associations diverses confondus) ont commémoré en chœur la Journée Internationale des Personnes Handicapées (JIPH IDPD) édition 2019. Mais entre profession de foi et discours, entre actions concrètes et hypocrisie politique… et la foi créatrice de certains acteurs de terrain, quid de la participation effective des enfants à la vie familiale et à la société? Récit de vies, ça et là.

Yvan, au tableau à Bujumbura

A Bujumbura ce mardi 1er octobre 2019, il était un peu plus de 14h. Un soupçon de pluie et donc un peu de fraicheur ambiante. Au centre Akamuri dans la capitale burundaise, Yvan attend. Comme beaucoup de ses camarades, le bus de transport public devrait passer le ramener à la maison.
A l’appel de Marcelline, la responsable de l’éducation spécialisée du centre, Yvan s‘est dirigé vers nous, un grand sourire traversant le visage. Salvator aussi était présent, le coordonnateur du Programme d’autonomie des enfants (PAE) de l’Union des Personnes Handicapées du Burundi (UPHB), un programme soutenu par la Fondation Liliane.
La douzaine, Yvan souffre d’une infirmité motrice d’origine cérébrale assez sévère comme beaucoup d’autres enfants qui fréquentent ce centre de jour ou suivi en communauté à travers un système de clinique mobile, de postes collinaires et d’acteurs communautaires.
Selon ses encadreurs, le petit garçon serait arrivé au centre de réadaptation dans une situation désespérante, il y a plus de 8 ans. Aujourd’hui l’autonomie et la qualité de vie acquises d’années en années par l’enfant effacent aisément dans la mémoire de ses parents et accompagnateurs la longueur du chemin parcouru jusque-là et les inestimables sacrifices consentis.
Yvan participe depuis deux ans à un programme d’éducation préparatoire à la classe de 1ère année du cycle primaire. Un accompagnement scolaire spécifique mise en place par le centre Akamuri. Pour apprécier, j’ai insisté pour le voir en situation de classe, même si les activités pédagogiques du jour aient déjà pris fin. Le programme fonctionne suivant un système de journées continues.
Lui tenant la main au départ, je le lâche. Je me retire légèrement en arrière. Je l’observe. Yvan claudique, titube même un peu. Mais très sûr de lui, il avance, toujours un sourire lui labourant le visage. Dans la salle, il me montre sa place habituelle et s’assit. Encore à ma demande, il se saisi d’un morceau de craie et avance vers le tableau vert. Il bave un peu, mais se ressaisit très vite en fermant la bouche. Il prend son temps, mais me reproduit parfaitement la lettre « a » et ainsi que d’autres signes de l’alphabet, sous les encouragements de son accompagnateur pédagogique. L’approche d’accompagnement utilisée ici est multidimensionnelle mais focalisée sur l’acquisition de capacités et surtout sur l’autonomie générale. L’enseignant explique qu’elle combine l’enseignement du programme officiel, des exercices d’orientation spatiale et d’identification de différents lieux, des exercices de psychomotricité, de communication, etc. Par exemple, explique l’éducateur, « pour amener l’enfant à prendre conscience du fait qu’il bave et lui apprendre à contrôler la salive, nous le mettons devant un miroir ». Pour les difficultés de langage, des exercices de vocalisation et de syllabation (prononciation et articulation) aident l’enfant. Et il précise : « nous prenons un peu plus de temps que dans les écoles ordinaires en ce qui concerne l’enseignement du programme officiel. Car nous tenons compte des capacités de l’enfant et de son rythme d’acquisition ». Et les progrès du jeune garçon sont appréciés par l’enseignant qui fonde beaucoup d’espoir en lui.
Mais avant d’amorcer le circuit pédagogique, Yvan a d’abord passé du temps à la kinésithérapie. Des exercices constants qui lui auraient permis de récupérer certains mouvements et de la coordination. Aujourd’hui encore, le petit garçon continu les soins en kiné, mais les séances sont plus espacées. « Pour décider de quelles activités faire avec l’enfant, nous tenons des séances participatives. Tous les éducateurs s’asseyent et chacun fait des analyses et propositions en fonction de ses observations et constats sur l’enfant ». Ceci permet, selon Marcelline, que le plan d’accompagnement soit le plus complet possible.
Et elle ajoute par ailleurs : « nous observons beaucoup de conflits dans les couples, et les femmes sont généralement accusée d’être responsables de la déficience de l’enfant ». Une remarque presque générale qui n’est pas exclusivement caractéristique du contexte burundais. Mais ici, dans un contexte culturellement enraciné, économiquement resserré, et marqué par des conflits sociopolitiques divers, cela se ressent particulièrement. Ainsi, Marcelline et ses collègues du centre Akamuri – une organisation confessionnelle diocésaine administrée par une Congrégation religieuse – sont obligés de faire de la médiation, de l’accompagnement familiale, l’intérêt supérieur de l’enfant étant en jeu.

Clinique mobile du centre Akamuri

A Bafoussam, Pierre et d’autres enfants ont aussi gagné en autonomie

Comme Yvan, Pierre s’accroche aussi à la vie, dans la région ouest du Cameroun. Je l’ai visité en juin 2019 – en compagnie de trois de mes collègues camerounais acteurs RBC, à l’occasion d’une session de formation sur l’accompagnement des enfants IMC et leur parents, que la Fondation Liliane m’a permis de suivre dans le pays de Paul Biya, dans le cadre de projet STEP – Support Tools Enabling Parents.
Pour information, STEP en termes simples est une Action-Recherche dont la finalité est d’outiller suffisamment les parents d’enfants IMC afin que ceux-ci s’occupent convenablement de leurs enfants au quotidien, mais à travers le renforcement des capacités des agents RBC accompagnateurs de ces familles. Une manière de faire autrement le travail d’accompagnement en se focalisant sur l’essentiel que sont les compétences vitales, sans jargons et d’actes physio thérapeutiques (kiné) inutiles. A vrai dire, le projet STEP nous a appris à travailler non seulement sur les incapacités ou limitations engendrées par la déficience (IMC) mais aussi sur les facteurs conditionnant l’épanouissement et la qualité de vie des parents (soignants) et de l’enfant. Je ne pourrai pas aller dans les détails, les résultats de l’évaluation du projet n’étant pas encore publiés. Mais je puis expliquer qu’après une phase d’étude (collecte et analyse de données), le Projet STEP a initié une série de formations au profit des acteurs RBC de terrain en Ouganda, Tanzanie, Kénya et Cameroun, les quatre pays pilotes. Le projet a également élaboré au profit des acteurs un certain nombre d’outils tels que, entre autres : un livret de bord de suivi de l’enfant en famille, une application Android constituant un système mnémotechnique à l’usage directe par les acteurs, un groupe whatsapp favorisant les échanges de conseils et d’expériences entre agent depuis le terrain… Il façon aussi d’amener le service de réhabilitation vers la famille, l’enfant et non le contraire dans des conditions d’accessibilité géographique indescriptible. Pour ma part, c’était la deuxième formation que je suivais, la première s’étant déroulée en 2018 à Baffut au nord de Bamenda dans la région nord-ouest du pays en proie depuis un moment à un conflit armé.
Sans perdre du temps dans une salle de rééducation, Peter a considérablement amélioré la qualité de sa vie avec l’accompagnement dévoué de mes collègues du Cameroun qui s’est entre autres focalisé sur l’hygiène, un fauteuil adapté pour IMC avec tablette devant, apprentissage très lent mais progressif d’activités scolaires… à domicile. Pierre n’est pas seul à bénéficier de cette approche d’intervention. A Bafoussam et régions, j’ai pu aller à la rencontre d’une dizaine d’autres enfants qui, avec leurs parents, commencent par croire en la possibilité d’une meilleure vie.

Dans le Grand-ouest burkinabè au Bénin, acteurs et parents sont au charbon

Retour au Burkina-Faso, on est en avril 2019. Pour moi qui suis voisin de la mer, j’ai expérimenté une géographie et un climat pas très amicaux. Mais des collègues m’ont dit que j’étais chanceux.
Ce dont j’avais surtout eu la chance, c’est de rencontrer et d’expérimenter la vie de communautés extraordinaires mais qui portent comme dans la plupart des pays que je sillonne depuis deux ans, les stigmates liés à la difficile cohabitation des règles sociétales avec les différences engendrées par les situations diverses de handicap. Mais dans ce Grand-ouest burkinabè, les Personnes handicapées (dont de nombreux enfants) et leurs parents refusent d’abandonner. Les leaders d’Organisation de Personnes Handicapées et acteurs de la réadaptation sont au charbon… Intégration difficile, inclusion incertaine, dans un contexte où tous les services de proximité semblent si lointains pour les enfants et jeunes, les acteurs de la réadaptation à base communautaire (RBC) et leurs partenaires locaux se retrouvent malgré eux au-devant d’un combat pas toujours évident, sous l’impulsion de l’Organisation Dupont pour le Développement Social (ODDS).

Au Bénin, la situation des enfants IMC n’est pas forcément meilleure. Entre services de kinésithérapie, inégalement répartis sur le territoire national et les recherches de solutions occultes ou les séances de prières dans les églises pour Dieu miséricordieux rende la motricité à l’enfant, les parents se cherchent encore et toujours. Pour les plus chanceux, certains expliquent que les services de kiné sont exigeants en termes d’argent et d’énergie, et donnent des résultats souvent, d’autres fois pas du tout.
En somme, le combat de la recherche de solutions à l’amélioration de la qualité de vie des enfants IMC demeure presque entier. Et d’ailleurs il ne s’agit pas que des enfants IMC mais des enfants vivant avec une déficience généralement lourde, sévère (IMC, autisme, trouble de l’attention, hyperactivité et autre trouble de comportement, les déficiences associées ou polyhandicaps etc.), qui n’attirent pas souvent l’attention des intervenants sinon que sur le plan de la charité, de l’aumône et non sur le plan de la réflexion scientifique, constructive et pratique. La raison est simple mais multifacette : méconnaissance de ces situations sur le plan scientifique, manque d’opportunité et de technologies, l’obtention de résultats est très lente et prend énormément du temps…
Vous comprenez que les médias du monde et ceux du Bénin ne vont relayer à cette occasion du 3 décembre que les discours, les questions politiques et de politique, les distributions de cannes et de fauteuils roulants, les distributions de machines à coudre et d’équipement de tissage, etc. Ces actions loin d’être inutiles, ne visent pas toujours des objectifs structurés et ne sont qu’une infime partie de la grande problématique de l’autonomisation des personnes handicapées en vue de leur participation effective à la société et au développement.
Alors ce mardi 3 décembre 2019, c’est à vous j’ai pensé. J’ai pensé à vous qui, victime silencieuse de la mal compréhension des adultes enfermés dans un monde un peu trop normal. J’ai pensé à toi Yvan et tes autres camarades dont les destins se sont croisés au centre Akamuri à Bujumbura et bien d’autres du Burundi que je n’ai pu rencontrer. J’ai pensé à toi, Pierre, Alain, Karine… qui à Bafoussam, Foumban, Foumbot au Cameroun m’avez offert ce que vous aviez le plus cher : votre sourire. J’ai pensé à toi Rafiatou, Amina, Alimatou respectivement à Banfora, Nouna, Dédougou au Burkina Faso et à tous ces enfants dont je n’ai pu citer les noms. Retenons que ces noms, pour des raisons de protection de l’identité des enfants ont été changés dans ce récit. J’ai pensé à vous parents qui souffrez dans vos têtes et dans votre peau…du regard des autres, du diktat des règles sociétales ; vous qui souffrez d’avoir mis au monde des enfants un peu trop différents que vous ne comprenez toujours pas et que votre entourage ne comprend pas. J’ai pensé aussi aux encadreurs et accompagnateurs, des engagés sincères qui croient en leur travail et en les potentialités de ces enfants, et qui avec patience et dévouement pratiquent des solutions de proximité, sans jargons inutiles, pour améliorer la qualité de vie des enfants en leur donnant les compétences vitales pour une relative autonomie générale. Puissiez-vous trouver une place effective, sans protocole, dans la mise en oeuvre de cet agenda 2030. C’est mon espérance.

Bernard HOUEHOUNDE, facilitateur RBC (Collaboration)

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