Pour le monde entier en décembre 2019, le problème s’appelle changement ou réchauffement climatique, pollution à outrance de la terre et des mers. En plus de ce problème planétaire, le Bénin traîne un problème particulier qui s’appelle croissance démographique, irrationnelle et incontrôlée. Voilà l’impasse dont nous devons sortir.
Les Béninois septuagénaires en décembre 2019 sont nés dans un Dahomey qui ne comptait pas un million d’habitants, qui en comptait environ deux millions le 1er août 1960. Un Dahomey qui ignorait jusqu’au mot de chômage, où tout le monde mangeait à sa faim, où les parents, qui le souhaitaient, inscrivaient leurs enfants dans l’école de leur choix, où la rue n’avait pas sa part d’enfants, où la méchanceté humaine n’allait pas très au-delà de quelques empoisonnements mortels mis sur le compte de la sorcellerie inconnue du code pénal, et pas au-delà de quelques chapardages de volaille mis sur le compte du désir d’avoir plus de viande que de poisson dans la sauce et dont les auteurs, démasqués, n’étaient pas lynchés mais conduits à la police. En somme, un Dahomey du meilleur des mondes humains.
Le jour où un institut spécialisé fera les études et enquêtes nécessaires, il nous dira combien il a fallu abattre d’arbres, détruire de forêts, assécher de marais, pour caser en 70 ans dix millions de Dahoméens-Béninois survenus. Il nous dira que d’avoir été contraint de civiliser de grands espaces sauvages pour caser dix millions de nouveau-venus sur un territoire à l’économie essentiellement fiscale a causé un terrible déséquilibre alimentaire : on a les cases, mais à l’intérieur des cases on mange mal ou l’on est carrément affamé. L’institut nous rappellera que plus l’espèce est nombreuse et plus vite elle se multiplie et que, donc, le Bénin n’aura pas besoin de 70 ans pour grimper de -1 à +10, qu’à l’horizon de 2030, dans 10 ans donc, le Bénin aura bondi vers les 20 millions d’habitants, soit, à peu près, le double de la population en 2019. Cette foule, dans dix ans, risquera de manquer de tout.
Mais restons en 2019 et constatons les premiers effets de la montée en flèche de notre démographie. Fixons la loupe sur le registre religieux parce qu’il est dit que les civilisations prennent racine sur le limon de quelque religion de grande vision. A sa tête désormais le culte vaudou compte au moins deux chefs suprêmes au lieu d’un seul comme le veut la raison. En décembre 2019, un revenant, un mort revenu ponctuellement, un vaudou donc, a été pris en flagrant délit de vol, paré de tous ses atouts d’au-delà. Prêtres et pasteurs chrétiens se plaignent de plus en plus ouvertement du manque de générosité de leurs ouailles, ce qui les amène à tarifer exorcismes, onctions et impositions des mains, quitte à ne sauver du mal que les plus offrants. Quel Bénin révélons-nous ? Déplaçons à présent la loupe vers le registre des cérémonies de tout genre. Nous observons que le bon Sodabi national, à base de vin de palme, est de moins en moins disponible pour égayer les cœurs et instaurer la fête ; il est de plus en plus remplacé par un breuvage à base d’eau, d’une dragée introuvable, et de formol. Breuvage davantage coupe-gorge que tord-boyau. Quel Bénin révélons-nous ?
Interpellé par le Bénin à venir que la loupe a révélé, vous dites aux Béninois de prendre grand soin des enfants en faisant beaucoup moins d’enfants. Au lieu de se laisser émouvoir par la profonde logique de l’idée, ils rient de l’apparent paradoxe et poursuivent leur route, sereins. Car « on mangeait et on buvait, on prenait femme et mari…, et les gens ne se doutèrent de rien jusqu’à l’arrivée du déluge, qui les emporta tous » (Matthieu 24/37-40). N’était-ce la diachronie, quand il proclamait, ému, la supériorité de l’homme pensant sur la matière qui l’écrase, Blaise Pascal aurait pu donner en exemple les Béninois de ce mois de décembre 2019 : ils vont droit dans le mur en sifflotant. Après tout, pourquoi pas ?