Au Bénin, Ganvié, surnommée la « Venise d’Afrique », attire de nombreux touristes, surtout pendant les congés scolaires. Sur le lac Nokoué, à bord d’une barque motorisée, un adolescent de 16 ans, Roger, assure le transport des passagers entre Abomey-Calavi et la cité lacustre. Rencontre avec ce jeune « capitaine » déjà aguerri au cœur de la cité flottante.
Le soleil s’élève doucement au-dessus de l’embarcadère d’Abomey-Calavi, caressant les eaux calmes du lac Nokoué. C’est le point de départ pour rejoindre Ganvié, la mythique « Venise d’Afrique », destination prisée en cette période de congé de détente scolaire. Lieu de transit, de commerce et d’animation, l’embarcadère bruisse des pas des touristes, des cris des vendeurs et du ronronnement intermittent des moteurs de barque.
Parmi les dizaines de conducteurs d’embarcations qui se disputent les clients, un visage encore juvénile attire l’attention : celui de Roger, 16 ans. Originaire de Ganvié, il dirige sa barque avec assurance et professionnalisme. « C’est mon père qui m’a appris. Il m’a formé pendant deux ans et depuis ma troisième année, je suis autonome », confie-t-il à Lameteo avec une fierté mêlée de modestie.
Un ado capitaine sur les eaux du lac Nokoué
Avec sa barque en bois de 9 mètres, propulsée par un moteur hors-bord, Roger assure quotidiennement la liaison entre Abomey-Calavi et Ganvié, une traversée de 8 kilomètres au tarif de 300 FCFA par passager. « Quand je fais trois voyages pleins, je peux récolter environ 24 300 FCFA », explique-t-il. Une somme précieuse pour contribuer aux charges familiales.
Mais le plus lucratif reste le transport privé. « Pour une location à la journée vers des villages plus éloignés comme Sô-Ava, Ahomey-Lokpo ou Vêky, c’est 30 000 FCFA », indique-t-il, prouvant une parfaite maîtrise des réalités économiques de son secteur.
Un savoir-faire forgé sur le terrain
Naviguer entre les « acadjas », des enclos de branchages servant à la pêche et les maisons sur pilotis nécessite une connaissance pointue du terrain. Roger l’a acquise dès son plus jeune âge. « Je connais chaque recoin de Ganvié, c’est comme un labyrinthe que j’ai appris par cœur », raconte-t-il.

Toutefois, le métier n’est pas sans risques. Les jeunes conducteurs redoutent les intempéries. « Ce n’est pas la fatigue qui nous inquiète, mais les tempêtes et les fortes pluies qui peuvent faire chavirer les barques », confie Roger, le regard sérieux.
Pêcheur quand le tourisme s’absente
En dehors des périodes de forte affluence touristique, l’embarcation familiale sert également à la pêche artisanale. Roger et son père y capturent carpes, silures, tilapias ou crevettes. Une activité complémentaire mais essentielle à leur survie économique, notamment lors des saisons creuses.
Une vie sans école, mais pas sans espoir
Si Roger maîtrise les voies lacustres comme peu d’adultes, il n’a jamais connu celles de l’école. « Je n’ai pas eu la chance d’aller à l’école. Aujourd’hui, peut-être qu’il est déjà trop tard », dit-il avec résignation. Mais il garde une lueur d’espoir : « J’aimerais apprendre un métier plus tard, comme les autres jeunes ici », murmure-t-il.
Roger est l’un des nombreux enfants de Ganvié à s’investir très tôt dans les métiers de la lagune. En attendant de concrétiser ses rêves, il continue de naviguer, fidèle à son « Tokpa-Tokpa » flottant, reliant quotidiennement deux mondes : la terre ferme d’Abomey-Calavi et les maisons sur pilotis de Ganvié.