Voilà trois ans qu’étudiant en informatique, Christophe Sossoukpoué a troqué les tournevis et fil conducteur électrique des salles de cours contre les champs de manioc pour en sortir du gari. Retourné dans sa ville natale, Lokossa, avec seulement 5000 FCFA, il produit du gari amélioré: “Gari Tchigan”. Commercialisé à Cotonou et environs, il s’en sort aujourd’hui avec un chiffre d’affaires de plus d’un million de francs CFA. Découvrez ce jeune entrepreneur et son parcours.
Rien ne destinait Christophe Sossoukpoué à travailler dans la filière de la transformation du manioc en gari. Avec un baccalauréat série D, il s’est inscrit en génie électrique industriel et informatisé dans une université privée de Cotonou, avec de maigres ressources de ses parents pour soutenir ses études. « J’étais le seul à amener un vélo à l’université. Les gens se moquaient de moi. Et pour me désigner, on dit “le gars qui amène un vélo” », sourit-il.
En troisième année d’université, il arrête ses études par faute de moyens financiers pour payer les frais de scolarité qui s’élèvent à 400 mille francs CFA. Résultat, Christophe décide d’aller chercher de l’argent à travers “des jobs occasionnels ”. Quelques mois plus tard, le voici agent contrôleur au pont péage de Grand-Popo. Après un contrat de travail de trois mois non renouvelable, il est appelé au Centre national hospitalier et universitaire Hubert Koutoukou Maga de Cotonou pour assister le corps soignant en tant qu’agent occasionnel. « Là-bas, j’ai compris que Dieu voulait me donner des leçons. Moi, informaticien, on m’envoie en salle d’accouchement pour voir comment un être vient sur terre et comment il repart. J’ai vu des mamans venir donner la vie et mourir sur la table d’accouchement. Toute cette situation m’a donné des leçons et de là j’ai compris la vie autrement.», raconte-t-il.
Après six mois dans ce centre hospitalier, il est embauché comme graphiste dans une structure musicale. Mais dans cette structure, tout ne se passe pas bien. Trois mois de travail sans salaire. C’est le calvaire pour ce jeune qui doit se nourrir, payer les frais de la chambre qu’il loue. Il démissionne. « Sur les trois mois de salaire impayés, mon patron me tend 10 mille francs CFA. “C’est tout ce que je peux faire pour toi ”, m-a-t-il lancé au visage », se souvient Christophe.
Le retour de l’enfant “envoûté” au village
Christophe Sossoukpoué prend la décision radicale de repartir dans son village natal dans le but de s’investir dans la production du gari. Il a 5000 francs CFA pour financer son affaire. La décision est mal accueillie dans la famille. À ses débuts, personne n’y croyait. Des supputations allaient bon train, même son père avait du mal à le comprendre et à accepter son idée de business de gari:
« Mon papa n’a pas du tout aimé l’idée. Il est allé dire à ma maman qu’il a l’impression que son fils là, on l’a envoûté. Et que lui, il l’a envoyé à l’université, il est allé en ville, il a fini et revient dire que c’est gari il veut vendre. Que comment lui, il va dépenser son argent, son économie dans quelqu’un qui revient pour dire que c’est ce que les bonnes dames du village font qu’il veut faire ? »
Malgré tout, rien n’arrête le jeune entrepreneur très actif, du matin au soir sur les champs de manioc. Pour lui, seul le résultat obligera ses parents à le croire.
Une production du gari avec de la valeur ajoutée
S’il garde ses formules secrètes, il livre les ingrédients utilisés faisant de lui aujourd’hui le producteur du gari amélioré dénommé gari Tchigan : « le Gari Tchigan est composé de manioc, de noix de coco, de clou de girofle, de citronnelle, de poivre de selim et du sucre ou sans sucre.»
Pour le promoteur de Gari Tchigan, les ingrédients ajoutés au gari traditionnel consommé au Bénin et au-delà des frontières sont une valeur ajoutée.
Pour sa commercialisation, le jeune entrepreneur et son équipe mettent le produit dans des emballages sur lesquels ils collent les étiquettes. Lesdits emballages sont de un (01) kilogramme, 500 et 200 grammes voire moins, vendus dans des supermarchés, sur commande et à la criée dans des écoles.
Un parcours récompensé
Pour sa détermination et la qualité de son produit, Christophe Sossoukpoué a reçu le prix du “Meilleur produit de l’année 2022“ à la mairie d’Abomey-Calavi. Toujours en 2022, il a également eu un trophée «pour avoir donné une autre valeur à un produit béninois, apprécié à l’extérieur. »
Pour cette année 2023, il a eu un appui du gouvernement pour l’installation d’un atelier de production.
Il reste pourtant très humble et ouvert : « Le chemin reste encore loin parce que l’objectif n’est pas encore atteint. Nous voulons faire connaître ce produit béninois dans tous les pays d’Afrique. Mais seul, on ne peut rien. Nous sommes prêts pour qu’on nous aide à aller loin .»