Protéger le savoir et le savoir-faire par des brevets ne vous dit peut-être rien mais ailleurs, c’est plus que l’or. Le professeur Brice Sinsin, Annual Guest Lecture de l’année 2020 du Civic Academy for Africa’s Futur (CiAAF), a regretté le fait qu’en Afrique francophone, les créations ne sont pas brevetées en l’illustrant par deux savoir-faire Béninois : le wagachi et le gari.
« Vous allez breveter votre création, breveter tel processus, telle manière de faire. Malheureusement en Afrique, surtout en Afrique francophone, nous avons pas cette culture. Le brevet, vous fait beaucoup de bonnes choses, des déductions de juriste, des calculs d’économiste, de l’art de littéraire. Mais pour nous, c’est banal. Or, ça coûte de l’or ailleurs », a fait constater Brice Sinsin, ancien recteur de l’Université d’Abomey-Calavi, devant des enseignants chercheurs de CiAAF, en début du mois de septembre.
Pour convaincre son auditoire, l’invité de CiAAF choisit deux produits béninois connus de tous : « C’est au Bénin qu’on a appris à faire le Wagachi, le fromage que vous mangez. Et les français disent, qu’on va vous payer: vous les bonnes femmes, allez apprendre ça aux Burkinabés (…) On a pris des femmes ici pour aller montrer aux Nigériennes, comment on fait le gari.»
Pourtant, ailleurs, hors du continent africain, les gens connaissent l’importance de la protection des connaissances. « Vous avez jamais vu des Français se déplacer et aller montrer leurs techniques de fromage aux Belges, aux Anglais ? C’est ça l’Afrique, tout le monde joue sur notre terrain. A savoir que nous ne savons pas protéger les connaissances », a regretté le professeur.
Les Béninois devraient plutôt produire et vendre les produits, les services : « Pourquoi ne pas dire, c’est bien, produisez bien et vous allez commercialiser ça chez les burkinabés qui ont aussi envie de consommer. On dit non: venez, on vous prend et vous irez leurs montrer cela.»
Pour le professeur Brice Sinsin, il faut radicalement changer de paradigme. « C’est un grand défi parce que, dès que vous livrez la moindre petite information, on met un brevet là-dessus. Et ça ne vous appartient plus », a-t-il conclu.