Au Bénin, la vie quotidienne ne se limite pas aux lois formelles : des totems et des interdits traditionnels façonnent aussi les comportements, un héritage que des Béninois continuent de respecter avec ferveur. Parmi ces croyances, la culture du manioc suscite une attention particulière, notamment pour ses implications spirituelles et son impact sur les terrains à vocation immobilière.
Connu pour sa richesse en glucides et en amidon, le manioc joue un rôle central dans l’alimentation béninoise, où il est transformé en gari, tapioca, et en divers plats. Cependant, son cycle de culture épuise les nutriments essentiels du sol, causant un appauvrissement progressif des terres où il est planté de façon répétée. Pour certains Béninois, le manioc n’est pas qu’une simple plante nutritive, il possède également des vertus spirituelles mystérieuses, perçues comme bénéfiques ou néfastes selon les contextes.
Un totem qui freine les projets immobiliers
Pour Saturnin Ahogbémè, traditionaliste d’Abomey-Calavi, la bouture de manioc possède des propriétés mystiques. Elle serait même utilisée comme protection contre des accidents d’origine non naturelle. Cependant, elle représente une menace pour les projets immobiliers, d’après le sage local. « Il n’est pas conseillé de cultiver le manioc sur des terrains destinés à des chantiers, car cela détourne l’attention du propriétaire du projet immobilier, a expliqué M. Ahogbémè. Ce n’est qu’au moment de la récolte que l’intérêt pour le chantier revient. » Il ajoute qu’il est préférable, pour ceux qui envisagent une construction, de cultiver des plantes comme le maïs ou le haricot, mais pas le manioc.
Vendre une parcelle : un rituel strict
L’interdit du manioc s’accompagne d’une autre règle traditionnelle concernant les transactions foncières. Selon M. Ahogbémè, la négociation du prix d’une parcelle ne doit jamais avoir lieu sur cette dernière. « Discuter du prix sur le terrain à vendre risque de compromettre la transaction, explique-t-il. Ce totem, transmis par nos aïeux, témoigne de leur conviction que la terre ne s’achète pas vraiment, elle est prêtée. »
Un héritage ancré dans les générations
Ces totems et interdits se transmettent de génération en génération, souvent sans explication, et sont observés avec une grande rigueur par les Béninois. Ces pratiques puisent leurs racines dans la philosophie spirituelle des peuples d’Adja-Tado et sont perçues comme des vérités indiscutables, respectées au même titre que les lois. Si leur signification profonde demeure inaccessible aux non-initiés, leur influence sur la vie quotidienne au Bénin est indéniable.