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Reportage : Clarks, Versace… Gucci à l’épreuve des prouesses de la cordonnerie béninoise

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Importée du Ghana voisin, il y a quelques années, la fabrication des chaussures et bottes en cuir s’est propagée dans les grandes villes béninoises. A Abomey-Calavi, où étudiants et jeunes se lancent beaucoup plus dans l’auto-entreprenariat, les travaux du cuir semblent être un domaine prometteur.

Il sonnait 8 heures dans la matinée de ce jeudi 06 octobre 2022 quand les portes de l’atelier de Claude s’ouvrent, offrant aux passants, la vue sur des chefs d’œuvres du cordonnier-bottier, des chaussures typiquement en cuir. Le jeune patron, la trentaine déjà consommée, s’apprête à nourrir de nouveau sa passion, née depuis l’enfance. « Mon premier contact avec la cordonnerie, c’est avec des Ghanéens qui se promenaient dans les rues pour coudre des chaussures. L’un d’entre eux l’a fait merveilleusement bien devant moi, une petite réparation qui a été bien faite et que j’ai beaucoup appréciée. J’ai aimé et j’ai commencé à m’exercer tout seul à la maison. J’ai voulu répéter ce qu’il a fait et j’ai pris plaisir. C’est comme ça que m’est venu l’amour pour la cordonnerie ». Claude a embrassé le métier de cordonnier en 2003. Ce résidant de Zogbadjè fait partie des 224 cordonniers recensés officiellement au Bénin selon la nomenclature des métiers de l’artisanat publiée le 27 août 2021. Un chiffre loin de l’engouement actuel pour cette profession notamment dans les grandes villes du Bénin comme Abomey-Calavi.

La cordonnerie, une question d’époque

Des boutiques de vente de ces chaussures ‘’made in Benin’’ se multiplient aux abords des rues et ruelles. Dans la cité dortoir de Calavi, où se situe la plus grande université du Bénin, les jeunes prennent désormais la place des anciens “shoe maker.”
L’amour du cuir a commencé tôt pour Claude. Mais à l’époque, on apprenait sur le tas car les centres de formation à la cordonnerie étaient quasi-inexistants. La professionnalisation est venue plus tard. « Je me suis professionnalisé pendant un an et demi dans un centre de formation pour avoir plus de bases. Ensuite, je me suis perfectionné en travaillant avec d’autres personnes un peu plus compétentes que moi. J’ai aussi fait mes propres recherches ».
Contrairement à lui, Pierre, 22 ans, résidant dans un quartier voisin, a étudié dans un centre de formation professionnelle. Du haut de ses 1mètre 80, la gabarie au point, Pierre tient un petit local qui lui fait office d’atelier après avoir obtenu son diplôme de cordonnier graveur sur cuir il y a moins de 2 ans. Mais avant d’en arriver là, il a d’abord « travaillé comme ouvrier durant pas mal de temps » et s’est « associé avec d’autres cordonniers ».

Une combinaison des mains et des machines

Des presses BL2 avec pompe à pédale aux presses modernes, des formes en bois aux formes en résine, des pistolets cloueurs, des machines à coudre, les machines de travail du cuir se sont perfectionnées avec le temps. Mais faute de moyens financiers, les mains sont beaucoup plus sollicitées que les machines.
« La majorité de mon travail se fait à la main, les finitions surtout. Je n’ai que deux machines, une machine à coudre et une machine à fraise (machine à limer) », explique Claude. « Le bottier travaille plus à la main. C’est ça le métier d’un bottier », affirme quant à lui Pierre.

Des chaussures made in Bénin

Le marché des matières premières

Le cuir est la matière indispensable pour la fabrication des chaussures et autres accessoires connexes. Mais en raison de la flambée des prix des matières premières, les difficultés d’approvisionnement sont légion. « Pour avoir les matières premières pour travailler, c’est un peu compliqué », affirme ce cordonnier ambulant que nous avons rencontré dans une ruelle de Calavi Kpota. Mais la source d’approvisionnement reste les marchés de Dantokpa et de Saint Michel, à Cotonou, où des commerçants importent les matériaux depuis le Nigéria.
Parfois, Claude se passe de ces points d’approvisionnement et préfère aller directement à la source. « Il y a certains produits que je commande depuis l’extérieur. Parfois, je vais à Lomé pour me procurer ces matières premières qui manquent ici ou qui sont trop chères et qui ne sont pas de bonne qualité ».

Un travail de qualité

Pour attirer la clientèle, il faut miser sur la qualité du produit et les liens d’amitié. Chez Claude, il a un minimum de production requise par jour. « En deux jours, je fais une chaussure fermée de très bonne qualité ». « Je fais deux tapettes haut de gamme, bien faites, au maximum par jour. Ça dépend de quelle qualité nous cherchons et quel style de chaussures ». Pierre, lui, peut faire jusqu’à trois tapettes en une journée.
Les prix de vente varient aussi selon chaque fabricant de chaussures. Chez Pierre, la chaussure la moins chère coûte 10 000 fcfa, la plus chère avoisine les 50 000 Fcfa. Les chaussures fermées peuvent coûter entre 25 000 fcfa et 150 000 fcfa voire 300 000 fcfa en fonction de leur qualité.
En revanche, dans les boutiques de Jean, un autre cordonnier de la place, une chaussure fermée bien faite, peut aller jusqu’à 350 000 fcfa. Les travailleurs de chaussures en caoutchouc n’ont donc rien à envier aux italiens.

un jeune cordonnier dans atelier

Dans les ateliers comme dans les coins de rue, les journées de travail sont presque les mêmes. Au moment où les autres prennent à l’assaut des trottoirs, les portes des ateliers s’ouvrent aussi. A Zogbadjè, Claude ouvre ses portes à 8 heures. Sa journée se déroule en fonction des commandes qu’il reçoit.
« Si je prends une commande cette semaine, je donne une semaine à la personne pour la livraison et j’organise ma journée pour pouvoir livrer les autres commandes ». Chez Pierre par contre, il n’y a pas d’heure fixe. Des produits finis sont déjà disponibles. C’est à ses clients de se satisfaire. « Parfois, je commence à 5 heures, d’autres 6 heures. Je peux fermer à 23 h comme à 18h. Ça dépend de la commande et de l’inspiration. Plus la passion vient, plus je travaille jusqu’à ce que je me sente vraiment épuisé », explique Pierre qui n’a pas encore d’apprenti.

Philippe G. LOKONON

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