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Mission de l’Afrique envers l’Eglise catholique romaine [Chronique Roger Gbégnonvi]

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Le triduum pascal – c’était la semaine dernière – offre aux chrétiens de commémorer trois mystères de la foi : l’institution de l’Eucharistie, la mort de Christ, et sa résurrection triomphale qui a inauguré la rédemption. Mais il se trouve que le 4 avril dernier, comme il est de règle, à l’instant où les fidèles proclamaient « Alléluia, Christ est ressuscité ! », Christ était montré aux catholiques, mort, écartelé sur la croix. Cette exposition patibulaire permanente fait partie de l’ADN de l’Eglise catholique romaine. Alentour ou à l’intérieur de ses églises, la tragédie se renforce parfois de La Pietà, « la majestueuse reine des douleurs [qui] tient sur ses genoux le corps de son enfant mort ». Et chaque vendredi, l’exercice du chemin de croix renvoie le pénitent plutôt à la mort de Christ qu’à sa résurrection. Il aura fallu Jean-Paul II pour ajouter la station évoquant la résurrection, sans le chant de l’alléluia.
Le chemin de croix s’autorise des évangiles. La Pietà, imaginée par la piété populaire, est sculptée pour la première fois par Michel-Ange en 1499. Adossées donc à Christ mort sur la croix, la théologie et la doctrine catholiques ne sont pas marquées au sceau d’une vie exubérante, mais d’une mort rampante, comme si l’on tournait sans arrêt les pages du livre « La Terreur et la Pitié », avec de furtifs passages d’espoir très vite effacés. Alors que c’aurait pu et dû être tout le contraire, une théologie et une doctrine comme si l’on chantait un hymne incessant à la joie. Hymne se justifiant de Paul (1 Cor 15/17) : « Et si Christ n’est pas ressuscité, vaine est notre foi. » Hymne se justifiant de Luc (24/5) : « Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? » Or, emmenés par la théologie et la doctrine catholiques, les chrétiens catholiques cherchent encore et toujours « le Vivant parmi les morts ». A chaque messe, ils contemplent Christ mort. Le vendredi saint, une fois l’an, ils vénèrent intensément le saint cadavre. Tant et si bien que Blaise Pascal, janséniste, a pu écrire, en accord avec sa foi catholique romaine : « Jésus sera en agonie jusqu’à la fin du monde. » (cf. Le Mystère de Jésus). Négation de la résurrection. Pérennisation du chemin de croix et de La Pietà.

Et c’est ici et maintenant le cœur de la mission de l’Afrique envers l’Eglise catholique romaine. Si l’on prend le cas du Dahomey-Bénin, et que l’on fait remonter les premiers instants de son catholicisme romain à l’arrivée du père Francesco Borghero à Ouidah le 18 avril 1861, on peut considérer que 160 ans ont rendu adultes les nouveau-venus béninois au catholicisme romain. Au début, ils ont reçu le message évangélique tel que transmis par les vaillants missionnaires. Mais à présent, par eux-mêmes et grâce à leurs fréquentations diverses et variées, œcuméniques et intellectuelles, ils savent, comme dirait le père Teilhard de Chardin, que « nous sommes, nous disciples du Christ, les plus fortunés des Hommes » (cf. Le Milieu Divin). Et non les plus tristes. Et non les plus pleurnichards. Et non les plus revanchards. Le temps n’est donc pas au folklore du noircissement ou du bronzage des icônes dans les églises catholiques romaines pour « faire africain » et universel – voire –, le temps est venu pour les catholiques romains d’Afrique de ramener tous les catholiques romains au dynamisme christique, loin infiniment du ranci, de la peur et de la violence, qui sont le socle des religions. Or donc, Christ ne s’est pas arrêté le vendredi de sa mort, Christ a continué le dimanche de sa résurrection, et n’est jamais retourné voir ce que sont devenus sa croix et son tombeau tant aimés des chrétiens. Christ avance, par monts et par vaux, avec tous hommes et femmes. Christ n’est pas preneur des soupirs sempiternels du chemin de croix. Christ est aurore, élan vers la vie et le bonheur « en croissance sur toutes pistes de ce monde », dirait Saint-John Perse. Christ est vivant. Alors, fidélité joyeuse à Lui qui répète sans cesse (Jn 10/10) : « Moi, je suis venu pour qu’on ait la vie et qu’on l’ait surabondante. »

Roger GBÉGNONVI

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