Au Bénin, la pratique funéraire de la crémation demeure peu connue et entourée de tabous. Pour beaucoup, elle est perçue comme une malédiction réservée à ceux qui y ont recours à la fin de leur vie. Pourtant, cette méthode, encore très marginale, commence à susciter l’intérêt et soulève de nombreuses questions sociologiques.
Dans le dernier numéro de son dossier consacré à la crémation, Lameteo explore la portée sociologique de cette pratique au Bénin en s’entretenant avec le professeur Coovi Raymond Assogba, socio-anthropologue et maître de conférences des universités du CAMES. Cet enseignant-chercheur à l’université d’Abomey-Calavi apporte un éclairage sur les perceptions et les résistances que cette pratique suscite au sein de la société béninoise.
LIRE AUSSI : Incinération au Bénin, une pratique funéraire qui divise : “ Prendre mon corps entier et le calciner ? ” (1/6)
La société béninoise reste fortement attachée à l’inhumation, une pratique funéraire dominante dans la plupart des régions du pays, renforcée par l’influence des confessions religieuses. La crémation, quant à elle, est perçue comme un “emprunt” ou une “aliénation” à une culture étrangère, ce qui contribue à son rejet par une majorité de la population.
« Enterrer fait partie de notre logique »
Interrogé par Lameteo, le professeur Raymond Assogba explique que la crémation est profondément ancrée dans l’histoire des peuples qui l’ont adoptée, leur permettant ainsi de développer une adaptation, une explication et une rationalisation de cette pratique. « Tout comme chez nous [au Bénin], enterrer fait partie de notre logique », souligne-t-il. Toutefois, l’universitaire note que l’adoption de la crémation ne concerne qu’une minorité de personnes, alors que la majorité continue de pratiquer l’inhumation des dépouilles mortelles.
Crémation et mort par le feu : une distinction importante
Le professeur Assogba apporte une clarification essentielle : la crémation ne doit pas être confondue avec la mort d’un individu par le feu ou par accident. Selon lui, la différence réside dans le fait que la crémation concerne une personne déjà décédée, dont la dépouille est incinérée au crématorium, contrairement à une personne qui meurt dans un incendie ou un accident. « On suppose que l’âme n’est plus dans le corps, l’âme a abandonné le corps, et donc ce qu’on brûle, c’est un matériau, comme du bois. Cela n’imprègne pas la conscience », explique-t-il.

L’avenir de la crémation au Bénin
Pour que la crémation s’intègre pleinement dans les mœurs béninoises, elle devra encore surmonter de nombreux obstacles, notamment dans les zones rurales où les pratiques traditionnelles sont profondément ancrées. Le professeur Assogba estime que les transformations socio-culturelles en cours au Bénin pourraient influencer l’évolution de cette pratique dans les années à venir. Toutefois, seule une acceptation sociale plus large permettra à la crémation de trouver sa place dans le paysage funéraire béninois.
LIRE AUSSI : L’Église catholique romaine et la crémation au Bénin : Une pratique désormais acceptée sous conditions (5/6)