lamétéo.info
Société

Crémation au Bénin : une pratique funéraire entourée de tabous et en quête d’acceptation selon le Pr Raymond Assogba, socio-anthropologue (6/6)

Partager

Au Bénin, la pratique funéraire de la crémation demeure peu connue et entourée de tabous. Pour beaucoup, elle est perçue comme une malédiction réservée à ceux qui y ont recours à la fin de leur vie. Pourtant, cette méthode, encore très marginale, commence à susciter l’intérêt et soulève de nombreuses questions sociologiques.

Dans le dernier numéro de son dossier consacré à la crémation, Lameteo explore la portée sociologique de cette pratique au Bénin en s’entretenant avec le professeur Coovi Raymond Assogba, socio-anthropologue et maître de conférences des universités du CAMES. Cet enseignant-chercheur à l’université d’Abomey-Calavi apporte un éclairage sur les perceptions et les résistances que cette pratique suscite au sein de la société béninoise.

LIRE AUSSI : Incinération au Bénin, une pratique funéraire qui divise : “ Prendre mon corps entier et le calciner ? ” (1/6)

La société béninoise reste fortement attachée à l’inhumation, une pratique funéraire dominante dans la plupart des régions du pays, renforcée par l’influence des confessions religieuses. La crémation, quant à elle, est perçue comme un “emprunt” ou une “aliénation” à une culture étrangère, ce qui contribue à son rejet par une majorité de la population.

LIRE AUSSI : Pratique de l’incinération des corps au Bénin : “Le sort réservé à celui qui fait recours à cette pratique est le châtiment…” Imam Pio Mohamed (2/6)

« Enterrer fait partie de notre logique »

Interrogé par Lameteo, le professeur Raymond Assogba explique que la crémation est profondément ancrée dans l’histoire des peuples qui l’ont adoptée, leur permettant ainsi de développer une adaptation, une explication et une rationalisation de cette pratique. « Tout comme chez nous [au Bénin], enterrer fait partie de notre logique », souligne-t-il. Toutefois, l’universitaire note que l’adoption de la crémation ne concerne qu’une minorité de personnes, alors que la majorité continue de pratiquer l’inhumation des dépouilles mortelles.

LIRE AUSSI : « Si le corps est incinéré, on ne pourra plus l’invoquer, on ne pourra plus l’appeler pour… » : Les risques liés à la crémation pour un fidèle du Vodun, selon un dignitaire (3/6)

Crémation et mort par le feu : une distinction importante

Le professeur Assogba apporte une clarification essentielle : la crémation ne doit pas être confondue avec la mort d’un individu par le feu ou par accident. Selon lui, la différence réside dans le fait que la crémation concerne une personne déjà décédée, dont la dépouille est incinérée au crématorium, contrairement à une personne qui meurt dans un incendie ou un accident. « On suppose que l’âme n’est plus dans le corps, l’âme a abandonné le corps, et donc ce qu’on brûle, c’est un matériau, comme du bois. Cela n’imprègne pas la conscience », explique-t-il.

LIRE AUSSI : Chez les Eckistes au Bénin, la crémation est un choix personnel : « Le corps n’intéresse pas l’Eckiste, nous sommes âmes » (4/6)

Professeur Coovi Raymond Assogba, Socio-anthropologue

L’avenir de la crémation au Bénin

Pour que la crémation s’intègre pleinement dans les mœurs béninoises, elle devra encore surmonter de nombreux obstacles, notamment dans les zones rurales où les pratiques traditionnelles sont profondément ancrées. Le professeur Assogba estime que les transformations socio-culturelles en cours au Bénin pourraient influencer l’évolution de cette pratique dans les années à venir. Toutefois, seule une acceptation sociale plus large permettra à la crémation de trouver sa place dans le paysage funéraire béninois.

LIRE AUSSI : L’Église catholique romaine et la crémation au Bénin : Une pratique désormais acceptée sous conditions (5/6)

Philippe G. LOKONON


Partager

Articles similaires

Camp mondial IYF de la Jeunesse 2020: Ça y est! Rendez-vous en ligne à partir du 30 juillet

Venance TONONGBE

Malanville : une veuve de 50 ans charcutée à mort par son fils

Venance TONONGBE

Relecture de la PONADEC : Des experts au contact des acteurs des communes de Nikki, N’Dali, Parakou et Dassa

Venance TONONGBE

Laissez un commentaire

You cannot copy content of this page