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Adresse aux Béninois à venir

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L’an prochain, l’an 2020, date symbolique dans l’histoire du Bénin. 60 ans d’indépendance, 30 ans de Renouveau démocratique. Le symbole réside surtout cependant en ce que les Dahoméens qui avaient 10 ans en 1960 au matin de l’indépendance auront 70 ans et seront, pour les survivants, les derniers vaincus d’une épopée qui n’aura pas eu lieu.
A leur naissance en 1950, le Dahomey comptait moins d’un million d’habitants. Le meilleur était alors possible sur 112.600 km². Chacun mangeait à sa faim. La scolarisation des enfants ne ruinait pas les ménages. L’Etat colonial veillait sur la santé de ses sujets pour la bonne santé de l’économie en France. A l’indépendance, il a suffi aux Dahoméens, pour vivre, de laper les plats abandonnés par l’Etat colonial. Ils lapèrent sans état d’âme. L’Etat dit indépendant avait besoin de cadres. Pour peu donc qu’on sût lire et écrire le français, on avait dix possibilités de carrière pépère à vie. Les Dahoméens, puis les Béninois, n’ont donc rien créé, ne se sont pas surpassés, se sont avachis dans les platitudes. Celle, par exemple, des 8/20ème pour payer un bon salaire à ceux qui, ayant échoué aux épreuves orales, avaient échoué au BEPC. Prime à l’échec. C’est ainsi que le Dahomey-Bénin s’est recouvert de fonctionnaires médiocres, serviteurs très peu serviables, plus occupés à attendre la fin du mois qu’à travailler. Pas de création, pas d’invention. Les Dahoméens, suivis des Béninois, se sont interdit les ‘‘avenues de l’avenir’’. A ce régime, certains se firent pourtant célèbres, voire admirables, pris pour modèles par les jeunes désireux de réussir. Or ce sont de faux modèles. A les suivre, le Bénin ne va nulle part. A les imiter, le Bénin stagne et recule.
Avec le premier Programme d’Ajustement structurel (trois au total), retentit en 1989 la sonnette d’alarme. Bien avant, un régime militaro-marxiste avait déifié l’Etat-providence, donné du camarade à tous, bégayé la dictature du prolétariat, élevé dockers et 8/20ème au rang de cadres supérieurs roulant pimpante carrosse. Faillite et coma. Appelés à sauver le pays agonisant, Banque mondiale et FMI sifflèrent la fin de la récréation : fermeture des entreprises creuses fomentées pour flatter le ‘‘prolétariat’’, privatisation illico de celles qui ont l’air viable, compression drastique des ‘‘larges masses’’ fonctionnaires. Etat haletant. Pays suffocant. Rues d’errance et de regards hagards, sur fond de la nuisance étale léguée par les aïeux. Car lorsque le Béninois dit que ‘‘nous aussi avons des choses’’, il s’agit toujours de choses pour arrêter l’ascension de l’autre, et même pour le trucider afin de dégager pour soi le chemin, quitte à y cheminer tout seul vers l’échec assuré. Menacés de zombification, les Béninois ont initié la Conférence des Forces vives de la Nation. Advint le Renouveau démocratique sans rupture avec le non-sens : l’argent mais pas le travail qui le génère. D’où 250 partis politiques pour 11 millions d’habitants répartis sur 77 communes. On s’amuse.
En 2019, Odile a 22 ans, élève seule ses trois enfants, rassemble des brindilles qu’elle vend comme bois de chauffe. ‘‘Pépé, il faut m’aider à aller en France.’’- ‘‘Toi en France ?’’- ‘‘Oui, je vais faire là-bas bonne. Il n’y a pas la vie au Bénin.’’ Il y aura la vie au Bénin si les Béninois à venir décident de : 1- renoncer à la tradition des ancêtres porteuse de méfiance et de haine, 2- renoncer à la coutume paresseuse du ‘‘c’est comme ça que ça s’est toujours fait’’, 3- entrer en laboratoire avec les mille et une plantes médicinales du Bénin contenues dans l’encyclopédique corpus élaboré en 1989 sous l’égide de l’ACCT, 4- transfigurer la sorcellerie pour que ses pouvoirs ne tuent plus mais fassent vivre, 5- faire de l’écriture la seconde nature du Béninois, 6- faire de la ponctualité une autre nature du Béninois.
Il y aura au Bénin le beurre et l’argent du beurre si les Béninois à venir se mettent à l’école de Thomas Sankara pour enfin ‘‘oser inventer l’avenir’’.

Roger Gbégnonvi


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1 Commentaire

Sacca avril 20, 2019 at 4:56 pm

Professeur, je ne fais pas partie de vos premiers admirateurs. Mais j’avoue être de plus en plus impressionné par vos analyses. Peut-être pourriez-vous être de ces modèles dont la jeunesse béninoise a tant besoin, mais qui lui font malheureusement si tant défaut. Mais professeur, je pense qu’il y aura aussi la vie au Bénin, si le béninois apprend à reconnaître le mérite de l’autre, et à l’en féliciter. Oui, les béninois ont inventé la conférence vive des forces de la nation. Mais vous avez oublié de rappeler qu’un homme essentiellement, a permis qu’elle réussisse: le Général Mathieu Kerekou. Tout comme nous oublions tous les jours, quand il nous prend l’envie de traîner d’anciens Présidents de la République dans la boue pour tout ce qu’ils ont fait ou font de mal, de penser à tout ce qu’ils ont fait de bien aussi. Jusqu’à les gazer sans état d’âme, comme s’il s’agissait de “vils individus”. Tout comme nous oublions, lorsque nous tirons à boulets rouges sur la gouvernance du Président Talon pour tout ce qu’elle fait de “mal”, de rappeler avant toute chose tout ce qu’elle génère par ailleurs d’inédit, de formidable, de porteur d’espoir pour l’avenir.
Oui Professeur. Il y aurait la vie au Bénin, si nous apprenions à oublier un peu notre ego, pour laisser un peu de place à celui des autres. Et là, je vous rejoins parfaitement.

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