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Arrêter le vent mauvais des sectes sur le Bénin [Chronique Roger Gbégnonvi]

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Policiers abattus dans l’exercice de leurs fonctions de protection des citoyens et de leurs biens : République en danger. Abattus par des membres d’une secte plaçant sans doute leur croyance religieuse au-dessus de la République : laïcité en danger. C’était le 29 janvier 2022 à Monkpa dans la commune de Savalou, du fait de la secte Azzaël Awouignan. Naguère à Abomey-Bohicon, violentes échauffourées entre factions de croyants. Naguère, suivant la consigne d’un dieu, croyants morts pendant un rite de purification en pleine nuit, portes et fenêtres closes. Comment renforcer au Bénin le vivre ensemble et le s’aimer différents mais complémentaires, à la lumière de la laïcité qui réunit les citoyens de tout bord religieux ?
Au temps du « cujus regio, ejus religio » (telle la religion du prince, telle celle du pays) – le temps aussi de l’absolutisme de l’Etat – hommes et femmes, sujets du prince, n’avaient pas le problème de choix d’une religion, puisque tous pratiquaient celle du roi. Ainsi, dans la France monarchique et « Fille aînée de l’Eglise », ceux qui se laissèrent attirer par la Réforme de Luther durent s’exiler pour avoir la vie sauve. Les autres la perdirent. Il en va autrement aujourd’hui dans la plupart des pays où le citoyen est gouverné par un Etat de droit, laïque de surcroît, c’est-à-dire sans coloration religieuse, pour assurer à tous la liberté de religion. C’est le cas au Bénin. Or le Dahomey-Bénin aurait pu ne pas inscrire la laïcité dans sa constitution parce que la sphère Vodun et les sphères semblables admettent naturellement l’existence et la cohabitation pacifiques de tous les dieux et de tous les cultes religieux. Mais, ouvrant ses portes à tous les dieux y compris à ceux qui ont vocation hégémonique, le Bénin se devait de faire formellement loi la tolérance religieuse qui, pour lui, va de soi, afin que nul ne doute que la coexistence pacifique sied à tous les dieux au Bénin, et que la vie en bonne intelligence sied à tous les cultes religieux au Bénin. A Monkpa, Azzaël a ignoré la laïcité, et ce fut la tragédie de l’affrontement violent : neuf morts dont deux policiers. Inacceptable !
L’Etat républicain aura-t-il manqué de vigilance au moment où il autorisait ce dieu et son servant à s’installer et à faire du prosélytisme ? Dans leurs écoles supérieures, les grandes religions établies préparent les dieux et leurs servants à l’humanisme de la tolérance et de la vie en bonne intelligence. Or l’on ne sait rien de l’individu qui surgit et prétend que l’esprit d’un dieu lui a parlé et l’a fait son prophète. Drapé d’assurance et d’arrogance, il s’adonne à l’enfumage des pauvres et des humbles qui le suivent. De la simple quête pour l’entretien des lieux du culte il fait colossal racket pour son beurre, sa toilette et sa 4X4 sortie d’usine. Car, dit-il, « dieu est riche ». Or dieu est réputé créateur et non racketeur. L’individu peut aller jusqu’á se proclamer l’incarnation de tel dieu. Et être cru par la foule !
Parce que hommes et femmes développent des angoisses métaphysiques, dont la grande angoisse de l’au-delà de la mort, des individus, intelligents et habiles, se lèvent pour leur apporter solution et consolation. L’Etat n’est pas en charge de la métaphysique. Mais il est de son devoir de protéger les citoyens contre abus, dérives et délires. L’Etat laïque exigera donc de l’individu qu’un esprit a fait son prophète de démontrer qu’il sait lire et écrire, qu’il sait ce qu’est la laïcité et y adhère, qu’il a un métier décent dont il vit ou peut vivre. Quant à l’individu se disant incarnation d’un dieu, l’Etat l’arrêtera net dans son élan et l’enverra en psychiatrie pour l’aider à retrouver une santé mentale convenable. L’Etat de droit n’outrepasse pas ses droits en rappelant fermement que les dieux évoluent, heureux, dans le vaste panthéon de l’Olympe en ayant sur terre des représentants autoproclamés.
Les Béninois aspirent à ce que l’Etat béninois, dans et pour le respect des libertés individuelles, s’engage à arrêter le vent mauvais des sectes sur le Bénin.

Roger GBÉGNONVI

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