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Chronique

On reprendra aux Noirs leur âme

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Que les choses soient claires. L’Europe n’a pas tenté d’exterminer les Noirs comme elle a osé de le faire avec les Juifs. Les Noirs ne la menacent pas, au contraire des Juifs qu’elle perçoit comme un grave danger. Partout et toujours les Juifs se distinguent, unis par le Livre Un et Unique, la Torah, et par Yahvé-Dieu qu’ils ont fait également Un et Unique pour éviter la dispersion entre livres et dieux multiples. Doté d’une âme divine à l’instar des Européens et mêlé à eux, ce peuple, très soudé, apparaît capable de grande concurrence. L’Europe a décidé de l’exterminer en laissant aller sur lui la meute nazie. Face aux Juifs, voici les Noirs. Décrétés sans âme divine. Car ils n’ont aucun livre et sont manipulables. Dispersés entre langues et dieux multiples, ils apparaissent incapables de toute concurrence. L’Europe a décidé, en régime d’esclavage ou de colonisation, de faire travailler pour son compte ces Cro-Magnon inférieurs, de les traiter comme il convient à des animaux à forme humaine.
Une éloquente illustration du Noir-sans-âme est la présence d’aumôniers, surtout catholiques, sur les bateaux négriers. Ces pasteurs d’âme avaient la charge exclusive du salut de l’âme des Blancs négriers. Jamais ils ne déplaisaient à Dieu en conférant le saint baptême à l’un quelconque des Noirs-animaux gisant et gémissant au fond des cales. Dans son ouvrage La Mission catholique en République du Bénin (1999), Mgr Jean Bonfils rapporte que « en 1728, le père Court, aumônier du fort [français] le 30 juin 1775, se livrait avec d’autres collègues à la traite de l’or et des esclaves » (p. 24). Enchaînés sur mer ou sans chaîne au sol, les Noirs-sans-âme avaient statut de serfs pour les Blancs de tout acabit, prêtres compris.
Mais il se produisit un couac à cause des abolitions de l’esclavage en mode va-et-vient. La dernière abolition française sans rétropédalage date de 1848. La toute dernière dans toute l’Europe chrétienne est la hollandaise, qui date de 1860. Le 8 avril 1861 débarqua au Bénin, alors Dahomey, le prêtre catholique Francesco Borghero, de la Société des Missions Africaines. Contrairement à ses ci-devant collègues sur les bateaux négriers ou dans les forts pour esclaves en transit à Ouidah, il se mit à catéchiser et à baptiser les Dahoméens comme s’il pouvait y avoir une âme divine dans leur corps noir. Un retournement inexpliqué.
Au vu du face à face 1860-1861 et de la volte-face soudaine, les Chinois cultivés demandent s’il est une encyclique, un édit, avouant que : 1- l’Occident a menti en décrétant les Noirs sans âme, 2- les Noirs ont toujours eu, comme tous les êtres humains, une âme divine, 3- l’Occident demande pardon pour les chaînes et la mort imposées aux Noirs sur la base d’un mensonge délibéré. S’il n’est point de texte confessant le mensonge, quel est le but du catéchisme enseigné aux Noirs ? S’il n’y a pas eu clair aveu de la faute, l’attelage catéchisme-baptême n’a-t-il pas le même objectif que l’attelage esclavage-colonisation, soit la soumission des Noirs à la volonté et aux intérêts des Européens ? Last but not least, les Noirs sont-ils sérieux quand ils acceptent d’être dits chrétiens, voire catholiques ?
Or, l’Occident se moque des Chinois cultivés. Il maintient en douce le statu quo ante. Car en Occident, on continue d’agresser Juifs et Noirs, d’en abattre un de temps en temps sans sommation, parce que c’est un Juif, parce que c’est un Noir. Et puis, en ces temps où l’intelligence artificielle triomphe en Occident, il existe la probabilité que les Noirs en restent à l’intelligence tout court. L’Occident sera alors justifié à leur reprendre l’âme qui leur a été concédée dans une totale confusion. On béatifiera Mgr Bartolomé de Las Casas à l’origine en 1542 de l’enfer des Noirs. Les choses reprendront leur cours d’avant. L’histoire bégaiera beaucoup. Sans invoquer l’éternel retour du bon philosophe Nietzsche, la nouvelle descente se fera accélérée vers des fonds jamais explorés. Nouveau retournement. Plausible. Hélas.

Roger Gbégnonvi


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