lamétéo.info
Chronique

Schismes béninois pour aller quelque part ? [Chronique Roger Gbégnonvi]

Partager

Sur l’aire Aja-Tado du Bénin, au niveau des collectivités familiales et de la religion, on observe des tendances qu’on pourrait assimiler à déchirure et repli sur soi. Sauf, peut-être, à y regarder de plus près, à les regarder sous un angle non pas rétréci mais élargi.
Naguère, les grandes collectivités familiales n’avaient, chacune à sa tête, qu’un leader désigné à vie par l’Oracle sans acception de personne ou de fortune. Derrière l’élu des ancêtres, tous se rangeaient avec vénération. De cette soumission collective dépendaient l’honneur et la respectabilité de la collectivité. Mais aujourd’hui, bof ! Ils sont plusieurs à convoiter ouvertement la fonction. Pour s’en emparer, ils font gri-gri et distribution d’argent à tout-va. Riches, ils veulent s’acheter un nom qui les valorise. Deux finissent par s’imposer à force de magouille, se font introniser par leurs partisans respectifs dans une pagaille assumée, l’un au palais, l’autre dans une dépendance du palais. Alerté et saisi, le pouvoir politique interdit l’accès du palais à tous pour éviter affrontements et rixes dans la cité. Les « élus » s’en battent l’œil, ils sont chefs et ils le restent. Et voici la collectivité divisée en trois, car se tiennent en embuscade les non-alignés pour qui la procédure est nulle et non avenue. Ils ont d’ailleurs dans leur manche le troisième chef, l’authentique. Et l’Oracle dans tout ça ?
Si l’Oracle ne fait désormais plus le poids dans la désignation des chefs de collectivité, c’est peut-être que, au niveau du Vodun et des voduns dont il est le porte-parole attitré étant lui-même vodun, il n’est plus très écouté. C’est ce que l’on peut penser désormais au regard de l’existence de deux chefs suprêmes du culte Vodun. Certes chaque prêtre Vodun (vodúnòn) est le chef absolu de son culte particulier. Mais à certaines occasions, et parce que le Vodun se veut un, les absolus se réunissent autour de l’unique suprême. Or les voici à présent deux suprêmes. On observe entre les deux une certaine entente. Comme entre les Patriarches des Eglises Orthodoxes. Mais l’Oracle divin dirait-il une vérité multiple ?
A propos d’Eglise, il faut admettre que chez les catholiques du Bénin, le mouvement Mêwihwendò dit Sillon Noir (traditions africaines), qui prône l’inculturation des valeurs endogènes, rappelle l’habile politique Constantin au IVème siècle. Après des rêves interprétés à dessein, d’autorité, il christianisa les us et coutumes païennes de Rome pour l’unification de son empire. Le Mêwihwendò, bien évidemment, affiche une ambition plus modeste. Il s’intéresse pour l’instant aux obsèques qui autorisent une inculturation facile parce que chez les catholiques comme chez les Aja-Tado, le corps, qui abrita la vie, fait l’objet de grandes attentions au seuil du tombeau. Problématique, par contre, l’inculturation souhaitée côté baptême des jumeaux que l’Eglise ne considère pas comme des êtres particuliers, des voduns, dignes d’un rituel spécifique, puisque « chaque homme est un miracle de Dieu ».
A priori, les acteurs ci-dessus feraient du divisionnisme. Scandale ! A fortiori, ils conduisent l’homme vers où il va toujours déjà à tâtons, en quête de la vérité « parmi le monde entier des choses » (Saint-John Perse). Or chaque vérité découverte fait bégayer la précédente. D’où nécessité constante de démystifier le système des absolus et des suprêmes. « Notre vérité est de pénombre », a écrit hardiment mais avec juste raison René-Christian Llamo. La vérité n’est pas étriquée, univoque, elle reflète à la fois tout l’arc-en-ciel, plus que l’arc-en-ciel et au-delà de l’arc-en-ciel. La vérité est incommensurable. Aussi, à leur insu, les schismes béninois ci-dessus conduisent-ils l’homme quelque part : à plus de vérité et de lumière. A la compassion. Et, au final, à l’acceptation de l’autre différent de soi, dans l’humilité la plus grande. Tolérer, oui ! Mais accepter est mieux. Les différences ensemble font d’abord cacophonie – on n’a pas l’habitude – puis, au final, une belle symphonie.

Roger GBÉGNONVI

Partager

Articles similaires

Pourquoi l’Afrique doit refonder son école [Chronique Roger Gbégnonvi]

Venance TONONGBE

Enseignement de la littérature au Bénin: assassinat de la jeunesse et de la culture ?

Venance TONONGBE

Religion: Que faire des dieux d’Afrique ?

Venance TONONGBE

Laissez un commentaire

You cannot copy content of this page