La chercheuse Yaodia Sénou-Dumartin a reçu, le 15 octobre 2024, une mention spéciale du jury du Prix de thèse interdisciplinaire de la Maison des Sciences de l’Homme (MSH) Bordeaux. Son travail explore les constitutions comme un facteur potentiel de conflit armé, remettant en question leur rôle traditionnel de pacificateur des rapports sociaux.
Yaodia Sénou-Dumartin, docteure en droit public de l’Université de Bordeaux et chercheuse à l’Institut de Recherche Stratégique de l’École Militaire (IRSEM), a marqué les esprits avec sa thèse qui analyse les conditions dans lesquelles une constitution peut devenir un facteur de conflit armé. « Dans le cadre d’un État caractérisé par une diversité identitaire ou un pluralisme, qu’il soit religieux ou ethnique, l’absence de prise en compte de l’ensemble des composantes du peuple au moment de l’élaboration de la constitution pourrait être conflictuelle », explique-t-elle.
La thèse de Yaodia Sénou-Dumartin s’appuie sur une approche interdisciplinaire mêlant droit, sociologie et économie. Cette combinaison lui a permis de développer une analyse approfondie des modes d’écriture des constitutions et de leurs effets sur l’émergence des conflits. Elle a notamment créé une base de données et des modèles économétriques pour tester la relation entre des variables constitutionnelles – telles que la rigidité des textes – et les conflits armés.
Une méthodologie en trois étapes
La thèse de Yaodia Sénou-Dumartin s’appuie sur une méthodologie en trois étapes. Dans un premier temps, elle a identifié les éléments constitutionnels pouvant conduire à des conflits armés, en se basant sur une approche théorique et sociologique. Ensuite, elle a constitué une base de données quantitative pour analyser empiriquement la relation entre certaines variables constitutionnelles – comme la rigidité des constitutions – et l’émergence de conflits. À l’aide de modèles économétriques développés en collaboration avec des chercheurs en économie, elle a démontré l’impact de ces variables sur l’apparition de tensions violentes.
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Enfin, elle a formulé une théorie des déterminants constitutionnels des conflits armés, à partir de la littérature existante en droit et en économie. Son approche interdisciplinaire, qu’elle qualifie d’”asymétrique“, intègre également la sociologie du droit pour éclairer les dimensions sociales et politiques de la règle de droit. « À travers l’économétrie, j’ai essayé d’analyser et de remettre en question certaines idées reçues que j’entendais souvent dans la littérature juridique, par exemple que la démocratie est porteuse de paix. J’ai donc essayé de tester ces idées reçues », précise-t-elle.
Un apport pour la recherche
La mention spéciale décernée par la MSH Bordeaux souligne l’importance des travaux de Yaodia Sénou-Dumartin dans le champ des études interdisciplinaires. Ses recherches ouvrent de nouvelles perspectives sur le rôle des constitutions dans les dynamiques conflictuelles et posent des bases pour des réflexions futures sur les processus d’élaboration des textes fondamentaux.