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« On demande juste des coups de pouce pour nous aider à nous intégrer dans la société »: le cri de cœur du directeur de l’école des sourds d’Agla

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William Loko-Roka est sourd. Enseignant autodidacte, il dirige le Centre pour la promotion des initiatives des sourds du Bénin (CPISB) qui dispose d’une école primaire. Sauf que depuis quelques années, cette école où des enfants malentendants se construisent un avenir est confrontée à des difficultés de plusieurs ordres.
Le premier responsable de cet établissement peint ici un tableau de la situation de l’école créée en 2005. Nous sommes à Agla, 13è arrondissement de Cotonou. Entretien !

Entretien audio à suivre ici

Vous êtes directeur d’une école alors merci de vous présenter et parler nous de votre école.

William Loko-Roka, je suis une personne sourde. Je suis devenu sourd à l’âge de 7ans. Je me présente comme étant un entrepreneur autodidacte. Ce sont mes amis et moi qui avions créé le centre. Le centre a été créé en 2005. C’est le centre pour la promotion des initiatives des sourds du Bénin. C’est la préfecture qui m’a donné le terrain, à notre demande.
L’ambassade de France a financé la construction. Le fonds canadien, l’agence de la francophonie, ont chacun apporté quelque chose pour l’équipement du centre. Le centre était prévu pour être une base d’appui aux artisans sourds parce que ce sont des artisans sourds qui ont créé le centre.

Donc à la base vous étiez artisan…

C’était constitué et équipé pour être un centre artisanal. Lorsque nous avons inauguré le centre, c’était la brousse par ici.

Il n’y a pas de classe maternelle? L’école commence au CI jusqu’au CM2 ?

Normalement on devrait avoir la maternelle. Mais déjà, du CI au CM, c’est difficile à gérer: problèmes de moyens. Comme on n’a pas assez de moyen pour ces classes, je ne peux pas penser à la maternelle. Au temps où c’était de la brousse les populations environnantes ont crû que c’était une école. Elles ont commencé à amener leurs enfants. Nous, on ne pouvait pas refuser d’accueillir. Progressivement l’école a pris le dessus de toutes les autres activités du centre. C’est ainsi que chaque année du CI au CM2, nous avons jusqu’à 80 enfants certaines années, voire plus. Ici c’est ce qu’on appelle une école spécialisée, parce qu’école pour une personne handicapée. Mais depuis trois quatre ans, nous avons des enfants entendant dans certaines classes du centre. C’est devenu une école intégrée.

Donc de l’école spécialisée c’est devenu maintenant école intégrée ?

C’est une école spécialisée pour ne pas dire école inclusive. C’est une école intégrée parce qu’il a des personnes entendant pour le moment. Pour aller à l’inclusion, c’est le chemin à suivre. Le centre accueille des enfants en majorité de parents n’ayant pas le minimum nécessaire pour le bien-être des enfants; ce qui nous oblige à chercher de l’aide un peu partout. Par exemple, dans une classe, s’il y a 15 enfants peut-être 4 peuvent payer les frais d’écolage. Sur les 10 restant, 3 ou 4 peuvent essayer de payer quelque chose mais le reste rien. C’est ce qui nous met dans des situations compliquées.

C’est grâce à la compréhension des enseignants qui souvent n’obtiennent pas régulièrement leur salaire. Nous avons de bonnes volontés qui de temps en temps nous envoient quelque chose. Nous avons des partenaires Français qui collectent des fonds pour nous mais lorsque le Covid est arrivé la situation est devenue très compliquée. On n’arrivait plus en cette période à recevoir quoi que ce soit.
Mais maintenant, un peu un peu progressivement, nous nous contentons du minimum que nous trouvons. C’est pourquoi l’école existe encore, sinon l’école aurait déjà fermée depuis. Voilà la situation.

Donc depuis que l’école est créée, vous n’avez rien reçu du gouvernement ?

Au temps de Yayi Boni, il y a eu certains fonds. Il essaie d’envoyer 150 mille ou 200 mille francs CFA par an. Mais au temps de Talon (l’actuel président de la République), la ministre [de la famille et des affaires sociales] est venue une fois avec des dons, des vivres, des nattes. C’est depuis l’année sur passée.

On confond les personnes handicapées avec les œuvres sociales. Ce n’est pas la même chose. Pour moi, ce n’est pas la même chose. Nous ne sommes pas des indigents même si les enfants sont issus de parents indigents. Ce qu’on demande, c’est des coups de pouce pour nous aider à nous intégrer dans la société, professionnellement, socialement. Le gouvernement ne nous comprend pas. Il y a une loi qui a été votée en faveur des personnes handicapées à l’Assemblée nationale et nous avons préparé des décrets d’application mais depuis des années le gouvernement a peur de s’engager.

William Loko-Roka

Pourquoi avoir peur de s’engager alors que vous faites partir de la société?

Quand on va signer un décret d’application, le gouvernement sera obligé d’aider les personnes handicapées dans certains domaines mais le gouvernement ne semble pas être prêt à s’engager c’est ce qui pose problème pendant des années.

Aujourd’hui l’effectif de l’établissement c’est combien ? Vous êtes au nombre de combien ?

Chaque jour qui passe nous avons deux, trois, quatre depuis la pré-rentrée qui continue, chaque jour qui passe, on a de nouveaux élèves. Mais les anciens ne sont pas encore tous là. Chaque jour, nous en recevons même ce matin nous avons eu trois. Si je vous donne un chiffre maintenant c’est pas bon. L’année passée, c’était un effectif de 68. 68, c’est beaucoup par rapport à certaines écoles.

La scolarité avoisine combien ?

CI, CP: 50.000 CE1, CE2: 50.000 , CM1 , CM2 :60.000 ce n’est pas chère

Aujourd’hui, il y a combien d’enseignement?

Nous avons 04 enseignants pour 6 ici . C’est quatre enseignants travaillent pour les six classes. On a jumelé certaines classes: CM1-CM2, CE1-CE2. Ce n’est pas facile.

Comment faites-vous le recrutement des enseignants qui viennent encadrer les enfants?

Il y a des enseignants qui ont déjà travaillé dans d’autres écoles comme enseignants. Quand ils ne maîtrisent pas la langue des signes, nous, on les forme. Pour faire un travail, il faut aimer le travail. Il faut aimer les enfants pour lesquels ils vont travailler. Si c’est bon, on vous forme. Vous apprenez vite vite. C’est ce qui fait que même quand ils ne trouvent pas l’argent, quand je leur explique, ils comprennent, ils attendent. Là, ils font beaucoup de sacrifices pour que l’école vive.

Et comment vous arrivez à payer le salaire des enseignants?

Nous avons des amis qui peuvent venir pour dire: “nous sommes engagés à payer le salaire des enseignants pendant trois mois”. Un autre va arriver pour dire qu’il peut payer les enseignants pendant deux mois. C’est de cette façon qu’on arrive à boucler l’année scolaire…

Et ceux qui viennent s’engager à payer deux à trois mois de salaire aux enseignants ce sont des personnes privées? ou bien des structures?

Ce sont des amis en Europe à part les politiciens. Mais, on a pas encore vu de politiciens depuis la mort de Monsieur Adounsiba Gérard. C’était le seul politicien qui s’engageait. Mais quand il est mort, ses amis de la Rotary club continuent timidement d’envoyer des choses.

Maintenant, on demande 200 FCFA comme frais de participation par enfant par jour. Normalement pour la cantine, chaque enfant doit payer au moins 15 000 FCFA les externes. Pour les internes, 20 000 FCFA au moins normalement pour qu’on puisse bien les nourrir et payer les enseignants. Mais malheureusement, on prend l’argent et on investit dans la cantine. On arrive pas à faire d’économie pour payer les enseignants. Il y a aussi les frais d’électricité et d’eau. On arrive à payer un peu un peu les arriérés. Les agents de la Sbee et la Soneb nous comprennent parfois sinon, ils nous coupent.

Des apprenants en situation de classe

Y a-t-il un internat ici pour les enfants ?

Oui pour accueillir les enfants venus de loin. On a le minimum: des matelas, des moustiquaire avec des toilettes propres pour qu’ils puissent se laver. Là où ils vont ranger leurs affaires. Il y a déjà un autre dortoir en haut et encore en bas.

Depuis 2005 le centre existe, ça veut dire que vous formez des élèves, ils ont des diplômes, que deviennent ces élèves?

La maison accueille non seulement des élèves mais aussi des apprenants qui ont déjà l’âge d’aller à l’apprentissage et comme ils ne maitrisent pas la langue des signes, on les forme pour la langue. Après les avoir formé, on les oriente vers un travail comme la coiffure ou la couture. Ils obtiennent leur diplôme et ils s’installent avec les aide des parents ou on leur recherche de l’aide. Quand ils commencent par travailler, ils se marient et vivent leur vie.

Aujourd’hui, quels sont vos besoins réels au niveau de l’école ?

Vous les journalistes, il y a l’aide de l’État à la presse privée. Mais pourquoi ne pas trouver quelque chose pour les écoles privées des personnes handicapées ? C’est de cela je parle. Si on peut nous trouver quelque chose chaque année comme l’État met un budget à la disposition des écoles publiques, on peut mettre un budget à la disposition des écoles privées. Ça va marcher. Mais pourquoi l’État ne pas le faire ? Je ne nous comprends pas. Au moins dans les autres pays, il y a un tout petit quelque chose. Le minimum, car la qualité de notre travail est bonne. On a donc besoin d’être aidé pour faire mieux encore.

Venance TONONGBE

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