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Loin de la théorie, le changement climatique est déjà une réalité accablante en Afrique

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Un sentiment d’urgence sans précédent anime aujourd’hui les pays africains pour passer à l’action, s’adapter et développer leur résilience. Chaque année, leurs populations sont confrontées à des inondations plus nombreuses, des températures élevées, l’érosion côtière, la dégradation des terres, et d’autres chocs climatiques. En Afrique de l’Ouest et du Centre les récentes inondations ont affecté des millions de personnes et forcé des dizaines de milliers à se déplacer loin de chez elles et de leurs sources de revenu. Evoquer le changement climatique est une chose, mais comme le dit un proverbe africain, « voir et entendre dire, sont deux choses différentes ».

Pourtant, l’Afrique émet moins de 4 % des gaz à effet de serre à l’échelle mondiale et la région est la principale source d’absorption de carbone grâce au bassin du Congo. La crise climatique vient remettre en cause des gains de développement durement acquis et renforcer les cycles de pauvreté, de fragilité, et de vulnérabilité. Au terme des récentes Assemblées annuelles de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international à Washington, il ressortait clairement que le changement climatique est au cœur des préoccupations des dirigeants africains.

Le nouveau Rapport national sur le climat et le développement (CCDR, en anglais) – récemment publié pour les pays du G5 Sahel et à paraître pour le Cameroun, le Ghana et d’autres pays– montre que le changement climatique pourrait entraîner des pertes annuelles de 2 % à 12 % du PIB d’ici 2050. Au Sahel, 13,5 millions de personnes supplémentaires pourraient basculer dans la pauvreté d’ici 2050 si rien n’est fait. Les recherches montrent aussi que la mise en place de réformes en faveur d’une croissance rapide, résiliente et inclusive est à la fois la meilleure forme d’adaptation climatique et la meilleure stratégie pour atteindre un développement durable.

Dans ce contexte, quelles sont les priorités essentielles pour nos pays, à l’heure où les délégations se préparent pour la Cop 27 de Charm el-Cheikh ?

Renforcer l’agriculture climato-intelligente pour assurer la sécurité alimentaire

@Erick Kaglan/Banque mondiale, Togo

Au cours des dix dernières années, la crise de la sécurité alimentaire s’est aggravée en raison de la récente flambée des prix de l’énergie et des engrais. Pour y faire face, la Banque mondiale a augmenté son financement, avec 17,7 milliards de dollars dédiés à l’Afrique subsaharienne, dont 5,1 milliards de nouveaux engagements. Ce financement vise à renforcer la production et la résilience des systèmes alimentaires, faciliter les échanges commerciaux, développer des chaînes de valeur inclusives et soutenir les ménages vulnérables ainsi que les producteurs. Dans le cadre de cet effort, le Programme de résilience des systèmes alimentaires pour l’Afrique de l’Ouest, qui accompagnera quatre millions de personnes, contribuera à accroître les rendements grâce à une agriculture climato-intelligente.

L’augmentation vertigineuse du prix des engrais, multiplié par trois en Afrique subsaharienne depuis 2020, renforce les risques de pénuries et de hausse des prix des produits alimentaires. Sans intervention rapide, l’insécurité alimentaire pourrait augmenter dans la région, avec plus de 100 millions de personnes exposées à une insécurité alimentaire extrême.  La résolution de cette crise doit passer par les actions suivantes : une collaboration entre les gouvernements et l’industrie des engrais pour développer un marché régional transparent et efficient, une meilleure compréhension des besoins des sols et, enfin  l’adoption de pratiques agricoles durables pour stimuler la productivité et faire progresser les revenus des agriculteurs. Les investissements dans l’agriculture climato-intelligente portent également leurs fruits, avec une meilleure préparation à la sécurité alimentaire, des chaînes de valeur plus fortes et une gestion intégrée des paysages.

Faire du capital naturel une richesse

En Afrique centrale, le bassin du Congo abrite 70 % des forêts du continent, représentant ainsi le plus important puits de carbone au monde puisqu’on estime que ses forêts stockent entre 25 et 30 milliards de tonnes de carbone. Il s’agit également d’un des principaux foyers de biodiversité sur la planète, mais hélas il s’épuise rapidement. Le bassin du Congo constitue aussi une importante source de revenus pour les personnes vulnérables, et la région devra faire de cet atout une source de revenus à la fois au niveau local, national et mondial grâce à l’appui de la communauté internationale.

Aux côtés des gouvernements et des partenaires tels, l’Initiative pour la forêt de l’Afrique centrale, le Fonds de partenariat pour le carbone forestier, le Programme d’investissement pour la forêt, le Fonds pour l’environnement mondial (GEF), PROGREEN, et REDD+, la Banque mondiale s’engage à appuyer le développement forestier intelligent dans le bassin du Congo. Elle mène cette action en donnant les moyens d’agir aux communautés locales et autochtones et en promouvant l’utilisation transparente et efficace des ressources naturelles.

Ainsi le Gabon et la République du Congo ont pris les devants pour lutter contre la dégradation des terres. Ils observent d’ores et déjà les bénéfices liés à la séquestration du carbone sur la création d’emplois et le renforcement de la résilience climatique. La prochaine priorité consistera à assurer la participation des pays africains aux marchés du carbone pour dégager des financements supplémentaires.

Faire de l’adaptation climatique, la “nouvelle norme” en matière de développement

@Erick Kaglan/Banque mondiale, Sénégal

Les pays d’Afrique doivent investir dans l’adaptation climatique et s’engager sur la voie d’une croissance sobre en carbone pour promouvoir le développement durable. Partenaire de premier plan, la Banque mondiale est le plus important bailleur pour le secteur et s’engage aux côtés du continent dans sa transition vers une économie résiliente et à faibles émissions de carbone. En Afrique de l’Ouest et du Centre, 4,9 milliards de dollars de financement climatique à travers 92 projets ont été mobilisés entre juillet 2021 et juin 2022. La région affiche un solide portefeuille d’investissements verts, résilients et inclusifs au service de la transformation et de l’innovation. Grâce à ces plans d’action ambitieux, associés à des financements climatiques accrus, les pays pourront atteindre leur plein potentiel.

La Banque mondiale s’inscrit dans cet effort en soutenant des programmes de transformation telle que la Grande muraille verte. Ce projet ambitieux développé par les Africains vise à améliorer les moyens de subsistance des populations grâce à la restauration des paysages, et à renforcer l’accès à des infrastructures résilientes au climat. En Côte d’Ivoire, par exemple, le Projet de développement du secteur agro-alimentaire soutient le développement de chaînes de valeur agro-alimentaires inclusives, résilientes et compétitives. Ces quelques exemples illustrent l’intensification de nos investissements en faveur du climat.

Le coût de l’inaction est bien plus important que le coût de l’action. Financer les stratégies d’adaptation plutôt que les réponses d’urgence à des chocs climatiques plus fréquents et plus graves sera plus efficace. Pour l’ensemble des populations confrontées au quotidien à la réalité du changement climatique, nous devons renforcer nos efforts collectifs pour transformer cette crise en une opportunité. Nous œuvrons pour que leurs voix soient entendues à Charm- el-Cheikh et au-delà.

Par Ousmane Diagana, vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre

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