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Eloge du silence-solitude pour édifier les Béninois [Chronique Roger Gbégnonvi]

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Edifier les Béninois et tous Africains au sud du Sahara. Et il ne s’agit pas du faux silence que l’on garde le regard enfoncé dans le smartphone, que l’on garde dans une fausse solitude envahie d’images et de bavardages qui fleurent bon légèreté et vacuité. Et « autant en emporte le vent. » Il s’agit du silence-introspection : l’individu descend au tréfonds de soi et y séjourne seul, cela va de soi. Il cherche, il s’interroge. Il est poursuivi par une idée autant qu’il poursuit un idéal. Poursuivi et poursuivant, il largue souvent les amarres et s’éloigne de son entourage. « Frappe-toi le cœur, c’est là le génie. » Et son cœur ne peut s’accommoder du brouhaha des siens. Il instaure le silence-solitude au bout duquel, oubliant de passer une serviette autour de la taille, Archimède bondit tout nu du bain en hurlant « Eurêka ! » (J’ai trouvé). Après longues recherches et interrogations, il venait de ‘‘trouver’’ la loi de la pesanteur spécifique des corps. 3ème siècle avant notre ère. Antique silence-solitude.

Il est aussi des silences-solitudes modernes et contemporains. Celui, par exemple, pendant lequel la Béninoise cinq fois nominée aux Grammy Awards a éprouvé à la lettre « Ce qu’il faut de malheur pour la moindre chanson / Ce qu’il faut de regrets pour payer un frisson / Ce qu’il faut de sanglots pour un air de guitare ». Mais avant, bien avant le tout premier Grammy Awards, il y eut les parents de la quintuple nominée du 3 avril 2022. C’était à l’époque où les parents prenaient grand soin des enfants et voulaient pour eux un destin hors du commun. « Toi, notre fille adorée, saltimbanque ? Non, jamais, ça fait voyou ! Tu seras médecin ou avocat. » Mais la jeune demoiselle était poursuivie par une idée autant qu’elle poursuivait un idéal. Elle tint ferme. Elle ne lâcha rien. Désemparés, Papa et Maman durent l’élever (la faire grandir, monter) en laissant, peut-être, parents et amis murmurer à la manière de l’entourage d’Elisabeth et de Zacharie à la naissance insolite de Jean : « Que sera donc cet enfant ? » Jean devint le précurseur de celui qui, après quarante jours et quarante nuits de silence-solitude, se révéla, pour les siens, Jésus le Christ, Miroir où Dieu se reflète. Et toute âme Le reflète qui s’élève et élève le monde et élève ainsi son peuple et sa nation. Et la quintuple nominée Grammy Awards célébrée dans le monde entier fait, bien entendu, l’honneur et la gloire de son peuple et de sa nation, auxquels son nom est associé.

Faute de Dahoméens portés comme elle par le courage, la passion, le travail assidu du génie dans le silence-introspection (le génie est individuel), le président Ahomadégbé gémissait à la veille du 1er août 1960 : « L’indépendance, oui ! Mais nous ne savons pas fabriquer une allumette. Qu’adviendra-t-il de nous ? » Il advint que, contre la canicule, on a le courant d’air naturel et on a fabriqué l’éventail, bricolage artisanal d’aucune utilité quand on dort le corps vrillé de moustiques et noyé dans une chaude transpiration. Et la nuit n’est pas réparatrice. Et la journée qui s’en suit n’est pas créatrice. Et la vie est vaste léthargie.
Pour ses méfaits et ses exactions en Afrique contre les Africains, Aimé Césaire adresse à l’Europe des reproches que les Béninois et tous autres Africains au sud du Sahara devraient, dans une profonde introspection, considérer comme à eux aussi adressés pour avoir, des siècles durant, regardé et laissé l’Europe les spolier et les humilier : « Une civilisation qui s’avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente. Une civilisation qui choisit de fermer les yeux à ses problèmes les plus cruciaux est une civilisation atteinte. » Introspection faite, quelques Béninois et autres Africains passionnés et courageux entreront en silence-solitude pour un travail génial. Ils expliqueront le mal africain, la décadence des civilisations africaines. Et ils délimiteront avec tous Africains les champs à bêcher pour l’honneur et la dignité de l’homme en Afrique.

Roger GBÉGNONVI

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