Les Béninois fêtent les 30 ans de leur Conférence des Forces vives de la Nation. A juste raison. Car, de 1960 à 1990, le chemin fut long et escarpé pour enclencher le processus démocratique. Du 19 au 28 février 1990, le Grand Camarade de Lutte joua parfois les redresseurs. Un jour il recadra les conférenciers au motif qu’ils étaient hors sujet : le Bénin avait un problème économique, mais eux discutaient politique. La remarque eût concerné aussi nos 12 années de frivolité jonchée de coups d’Etat bisannuels, ainsi que nos 17 années de rigidité militaro-marxiste. Chaque fois en effet, c’est une crise économique aigüe qui nous conduit à chercher dans le changement des hommes au pouvoir ou dans le changement de politique la solution magique à la crise économique. Chaque fois en effet, nous mettons en balance situation économique et gouvernance politique, et rendons la déficience politique responsable de notre paupérisation. Sans être faux, le diagnostic reste en deçà de la vérité, puisqu’aucun changement d’hommes ou de politique n’a vraiment atténué nos crises économiques à répétition. D’où il ressort que l’autre vrai problème du Bénin est ailleurs.
Il est ailleurs, dans sa démographie, dont il faut bien dire qu’elle est galopante et noie dans son flot les plans de développement mis en avant par les différents gouvernements. Moins d’un million de Dahoméens en 1946, deux millions en 1960, 12 millions de Béninois en 2020, environ 20 millions en 2030. Dans une économie agraire et fiscale pour l’essentiel. Sans le bonus d’un sous-sol recelant quelque trésor à vendre aux pays industrialisés. Il faut oser le dire : ce tableau ne présage pas un développement économique stable et durable pour un Bénin dont la croissance démographique n’est pas maîtrisée. Au vu de la déferlante démographique menaçant de naufrager son économie, la Chine populaire a décrété l’enfant unique par couple et, devant le vieillissement de la population, a toléré deux enfants au maximum. C’est une gageure cependant que de freiner l’élan d’un milliard d’habitants, et il n’est pas sûr que la mesure réaliste de l’Etat chinois empêche le ‘‘péril jaune’’ annoncé.
Au contraire de la Chine au régime totalitaire et socialiste, d’inspiration marxiste, le Bénin a opté pour un régime démocratique et libéral. L’Etat béninois ne s’immiscera donc pas dans la vie privée des citoyens. Il doit pourtant protéger le Bénin contre une démographie échevelée qui, déjà, déborde son système scolaire et ses structures sanitaires, sans parler des terres et des rivières devenues avares à force de surexploitation. Il doit trouver la bonne formule pour maîtriser sa démographie. Ce devoir lui impose de requérir le concours des instances morales du pays pour que les Béninois acceptent enfin de faire rimer natalité avec responsabilité. Responsabilité personnelle des parents vis-à-vis des enfants qu’ils appellent au monde. Notre société ne conçoit pas aisément une femme sans enfant. Mais elle conçoit volontiers que, célibataire et sans emploi, la femme aligne une demi-douzaine d’enfants pour avoir droit au statut social de femme en plénitude. Et il importe peu qu’une partie de sa progéniture appartienne à la catégorie ‘‘enfants de la rue’’. A ce compte, le Bénin, demain, n’explosera peut-être pas, mais les Béninois s’occuperont surtout à vivoter sans pouvoir jamais libérer leurs énergies créatrices pour « produire de [leur] intimité close la succulence des fruits » (Aimé Césaire), pour prendre place, eux aussi, dans « la foule immense de ceux qui construisent et de ceux qui cherchent » (Teilhard de Chardin).
En tout état de cause, les problèmes économiques du Bénin ne sont pas seulement la conséquence de la mauvaise gouvernance politique, ils proviennent aussi, en grande partie, d’une croissance démographique irresponsable, laquelle pourrait mettre en danger de mort l’Etat de droit. D’où il importe de réfléchir à ‘‘Démocratie et démographie au Bénin’.