À quelques heures de l’ouverture de la deuxième édition des Vodun Days à Ouidah, des chrétiens béninois témoignent des relations entre leur foi chrétienne et la culture Vodun. Entre admiration pour cet héritage ancestral et rejet catégorique, les avis divergent. Focus sur une cohabitation complexe mais essentielle pour le patrimoine culturel du Bénin.
À la veille du lancement officiel des Vodun Days dans la cité historique de Ouidah, les débats sur les liens entre foi chrétienne et culture Vodun s’intensifient. Organisé par le gouvernement béninois, ce festival annuel vise à célébrer le patrimoine immatériel du Vodun tout en rassemblant des Béninois de toutes confessions religieuses. Mais quelle est la place de cette culture dans les convictions des chrétiens béninois ? Au micro de Lameteo, plusieurs chrétiens ont partagé leurs réflexions sur les interactions entre leur foi et la culture Vodun.
Des valeurs partagées entre Vodun et christianisme
Ils sont nombreux ces Béninois fidèles à leur foi en des dogmes de religions révélées, mais qui éprouvent une admiration et un profond respect à la culture Vodun. D’aucuns y voient même un lien de rapprochement étroit entre ces deux visions du monde qui prônent les mêmes valeurs à certains égards.
C’est ce qu’on retient du témoignage de ce catholique « baptisé au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit » mais qui ne cache pas son attachement aux valeurs culturelles qui l’ont bercées depuis sa tendre enfance, avant qu’il ne se décide à prendre le chemin des chapelles catholiques, à son âge adulte. « La cosmogonie Vodun est celle dans laquelle mes aïeux, mes ancêtres, mes grands-parents et moi-même, nous sommes nés. Cela dit, il y a un cordon ombilical entre ma vie et l’ensemble des divinités que je suis venu également voir. Nous sommes nés dedans et ce n’est pas parce que nous sommes aujourd’hui chrétiens que nous allons ignorer d’où nous venons. [Chrétiens comme fidèles du Vodun, Ndlr], tout le monde va vers le”Mahou”, le”Noussoudaho”, le”Gnamian” comme le disent les Ivoiriens », a-t-il expliqué.
Arthur, un autre catholique, confie : « Le Vodun est mon identité. Ce n’est pas parce que je suis chrétien que je vais ignorer mes origines. Les valeurs partagées comme le respect, la solidarité et l’harmonie sont les mêmes dans les deux croyances. »
Pour d’autres, la culture Vodun représente bien plus qu’une pratique religieuse : elle incarne un art, une musique et un symbole unique du Bénin sur la scène internationale. « Je suis fière que la culture Vodun révèle mon pays au monde entier. Elle mérite d’être valorisée », affirme Maurelle, militante pour les droits des femmes.
Des valeurs communes, des interprétations divergentes
Les témoignages recueillis montrent une perception commune du Vodun et du christianisme comme prônant des valeurs similaires : respect des lois, justice et quête de l’harmonie. Donatien, chrétien et amateur de musique Vodun, observe cependant un paradoxe : « Les valeurs morales sont souvent mieux respectées dans le Vodun que dans certaines pratiques chrétiennes. »
Cette symbiose entre les deux mondes est toutefois nuancée par des croyants comme Rosine, étudiante évangélique, qui rejette catégoriquement toute association entre les deux. « Je crois en un Dieu jaloux, et il est interdit de combiner foi chrétienne et Vodun », insiste-t-elle.
Malgré les efforts pour promouvoir la culture Vodun comme un héritage national, certains chrétiens persistent dans sa diabolisation. Obédi, fidèle de l’Église du christianisme céleste, évoque « deux mondes opposés » et appuie son rejet sur des passages bibliques.
Un patrimoine en quête de reconnaissance
Face à ces divergences, de nombreux chrétiens appellent à une meilleure valorisation de la culture Vodun. Des anecdotes historiques rappellent une coexistence pacifique. Maruis cite la construction de la basilique Immaculée Conception de Ouidah, réalisée avec le soutien des fidèles Vodun. « À Ouidah, il n’y a jamais eu de conflit entre les chrétiens sortant de la basilique et les Vodun sortant du temple Python », souligne-t-il.
Les Vodun Days, bien qu’inspirés par une tradition religieuse, se veulent un événement culturel. En tant que patrimoine immatériel du Bénin, le Vodun occupe une place stratégique dans les ambitions touristiques et culturelles du pays. La première édition, tenue en janvier 2024, avait déjà attiré un large public, confirmant l’intérêt croissant pour ce festival.
La deuxième édition des Vodun Days, prévue à Ouidah, sera l’occasion de rassembler les Béninois autour de leurs racines tout en suscitant des débats sur l’interaction entre traditions et modernité. Dans une société laïque où toutes les religions coexistent, cet événement illustre l’équilibre délicat entre respect des croyances individuelles et valorisation d’un patrimoine collectif.