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Cherté de la tomate au Bénin : dans les jardins de Grand-Popo, les maraîchers affligés par le climat et les coûts de production

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Sur les marchés béninois, la flambée du prix de la tomate suscite de nombreuses interrogations. À Grand-Popo, ville réputée pour son maraîchage, la situation est d’autant plus préoccupante. Maraîchers et anciens cultivateurs lèvent le voile sur une crise liée à la rareté des pluies, à la qualité douteuse des semences et aux coûts élevés de production. Reportage.

Sur les étals des marchés béninois, la tomate fruit se fait rare. De petits tas vendus à partir de 200 francs CFA se négocient désormais au prix fort, même à Grand-Popo, dans le département du Mono, où le maraîchage est pourtant une activité historique. À quelques semaines du début effectif de la saison culturale, les producteurs tirent la sonnette d’alarme sur les facteurs qui expliquent cette flambée. L’équipe de Lameteo s’est rendue sur le terrain.

Nous sommes à environ deux kilomètres de l’entrée sud de Grand-Popo, le long de la route inter-États Cotonou-Lomé. Là, entre mer et lagune, Aziz, un maraîcher quadragénaire, inspecte ses planches de culture. Implanté depuis 21 ans dans la localité, ce producteur expérimenté est spécialisé dans la culture de la tomate, du piment, du concombre et de l’oignon. Pourtant, cette saison encore, il avance avec prudence.

« Les fruits ne tiennent plus la promesse des fleurs »

« Jadis, il pleuvait suffisamment pour amorcer les pépinières. Aujourd’hui, il pleut plus à Cotonou, où personne ne cultive, qu’ici à Grand-Popo », regrette Aziz. Avec un arrosage artificiel répété, les coûts montent en flèche. Et les quantités produites, elles, ne suivent pas. Résultat : une raréfaction de l’offre sur les marchés, et des prix qui grimpent.

Dans les entrailles de la ville, plusieurs variétés de tomates sont cultivées, comme les cobras, hybrides, peptomech ou nadira. Autant de noms qui sonnent désormais comme des promesses non tenues. Car selon Aziz, les laboratoires producteurs de semences portent une lourde responsabilité dans l’échec des cultures.

« Les graines qu’ils nous fournissent ne donnent plus de bons rendements. Ils ne descendent pas sur le terrain pour tester les conditions du sol. Résultat : les cultures sont faibles, même avec l’apport d’engrais ou de fiantes animales », déplore-t-il.

Aziz dans son champ de piment

Coûts de production insoutenables

À cette crise de la qualité des semences s’ajoute celle des coûts d’exploitation. Pour irriguer les cultures, les maraîchers dépendent de motopompes, de groupes électrogènes ou de systèmes électro-dynamiques, gourmands en carburant ou en électricité. Une équation économique difficile à résoudre pour de petits exploitants.

Anatole, un jeune trentenaire reconverti dans le transport à moto, en sait quelque chose. Après deux tentatives infructueuses dans la production de tomates à Agoué, il a décidé de suspendre son activité agricole. « Je dépensais jusqu’à 2.000 FCFA par jour en carburant pour irriguer mes planches. Avec des rendements faibles, les pertes étaient inévitables », témoigne-t-il, moteur de moto éteint, devant un hôtel de la ville.

Abandon du métier

Ce contexte décourage de nombreux producteurs. « Avant, avec 50.000 FCFA, on pouvait lancer une saison. Aujourd’hui, c’est impossible. Beaucoup se reconvertissent en conducteurs de taxi-motos ou en pêcheurs », observe Aziz.

Pour les plus endurants, comme lui, la saison reste un pari. D’ici une dizaine de semaines, s’il n’y a pas de contretemps climatique ou de parasites, ses tomates seront prêtes à la récolte. Mais rien n’est garanti.

De son côté, Anatole envisage de reprendre un jour, à condition d’acquérir un générateur électro-dynamique à près de 600.000 FCFA. Une somme qu’il espère réunir grâce à son activité actuelle.

Des planches pour de nouvelles cultures

Lueur d’espoir

Malgré les défis, Aziz n’abandonne pas. Dans quelques jours, il procédera au repiquage de ses plants de tomates. Avec foi et patience, il espère que cette saison sera différente, que les pluies reviendront et que la récolte pourra ravitailler le marché béninois. Mais en attendant, sur les marchés de Cotonou, Porto-Novo ou même Grand-Popo, la tomate poursuit sa flambée.

Philippe G. LOKONON


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