Avant la conquête, la France a obtenu qu’Abomey lui concède Cotonou pour y construire un wharf afin de convoyer chez elle les produits de la future colonie. Nulle intention d’installer le gouvernement dans ce bas-fond dont le nom s’en va signifier ‘‘marais de la mort’’. Car un gouvernement, on l’installe en terre ferme. Toutefois pas à Abomey, farouchement opposé à l’occupation. Ni à Ouidah, vassal d’Abomey. Plutôt à Porto-Novo, allié de la France pour échapper à la mainmise d’Abomey. Il aura donc fallu les Dahoméens, ‘‘intelligents’’, pour installer à Cotonou le gouvernement de la République en abandonnant à Porto-Novo les députés de la Nation qui peuvent se demander parfois pourquoi ils débattent là-bas pendant que les autres institutions de l’Etat débattent et se débattent dans le marais.
Longtemps, très longtemps avant notre ère, le pays où vivait Noé était en passe de devenir marais de la mort pour les hommes. La capacité du patriarche de lire dans le ciel les signes du temps lui permit de pressentir le changement climatique qui s’en venait au travers de trombes d’eau jetées sur la terre par torrents entiers. Lui vint alors l’idée d’une baraque étanche et flottante. Il la construisit, y entra avec les siens, et quelques animaux familiers, et quelques objets indispensables. La baraque résista. Yahvé fut bon, et les pluies ne furent pas accompagnées de vents violents générateurs de tsunamis qui eussent anéanti simplement la baraque, fait de Noé et des siens et des animaux d’infimes bribes de viande que les poissons ne verraient même pas. La baraque flotta très longtemps. Lorsqu’elle toucha terre à la fin du déluge, ce fut loin, très loin de l’endroit d’où étaient partis le patriarche et les siens. Et Noé comprit que changement climatique et nécessité de vivre venaient de l’installer ailleurs.
Aujourd’hui, au Bénin, faute de la science et de la prescience de Noé, faute d’intelligence et d’audace, nous devrions consulter le sage oracle pour nous entendre dire la vérité : « Les choses que je vois, les voici déjà à Grand-Popo et à la Zone des Ambassadeurs : Grand-Popo fragile rongé par la mer, Zone cossue conquise par la mer. Je vois tout Cotonou : revient soudain en surface sa kyrielle de bas-fonds naguère étouffés, et la mer, augmentée soudain par d’immenses eaux d’autres mers, se renverse sur lui et renverse ses maisons. Je vois sous l’eau beaucoup de gravats et de noyés. Les rescapés courent vers Ouidah, en leur tenue du Jardin d’Eden. Coupé de Cotonou devenu une mer tranquille, Porto-Novo se coupe du Bénin et plonge dans la nigérianitude, qui le fascine et l’attire depuis toujours. Je vois… »
Voilà des visions qu’en ces temps de réchauffement – changement – climatique, le Gouvernement devrait considérer avec intelligence et audace. Les gens des Pays-Bas et de Ganvié ont dans leur ADN la faculté de danser tous les jours avec l’eau de la terre et l’eau des cieux. Les Japonais ont cultivé la triple faculté de narguer cyclones et séismes, rebâtir, et attendre la prochaine catastrophe. Les Béninois, globalement, ne sont pas suicidaires. Ils laisseront donc Cotonou à son sort de marais de la mort. Le Gouvernement de la Rupture doit à présent ressembler à son nom et prêcher d’exemple, quitter Cotonou avant d’en être chassé par les éléments déchaînés, installer gouvernement et parlement à Parakou avec l’avantage que, à partir de l’aéroport de Gloh-Djigbé, la vie ne s’arrêtera plus dans les sables mouvants où Cotonou, inconscient, s’enlise et agonise. Presque au centre du pays, Parakou aidera le Bénin à garder les acquis de 60 ans d’existence et sera, en sus, une belle promesse de faire davantage, d’aller plus vite de l’avant grâce à tout ce qu’on créera pour rapprocher la mer de l’Atakora, et rapprocher Natitingou de la capitale, plus facilement que de Cotonou.
Il est normal que le changement climatique en cours nous fasse gémir. Mais veillons aussi à ce qu’il mette en phase Gouvernement de Rupture et Sagesse de Noé.
Roger Gbégnonvi
1 Commentaire
A quoi sert la vengance