‘‘Heureux êtes-vous quand on vous insultera, qu’on vous persécutera, et qu’on dira faussement contre vous toute sorte d’infamie à cause de moi’’ (Mat. 5/11). A L’aune de cette 9ème Béatitude, et mutatis mutandis, on peut considérer que Talon et son équipe sont servis.
Certes, il y a du mieux dans la distribution de l’énergie électrique. Dans une ville à 40 kms de Cotonou, on est souvent à trois jours et trois nuits d’affilée sans même une baisse de tension. Puis, soudain, l’instant fatal. Et l’on pense, sans s’arracher les cheveux : ‘‘Tiens, ça leur arrive encore !’’ Parfois, on n’a pas fini de le penser que le courant est déjà rétabli. Il y a du mieux. Mais combien de Béninois apprécient ce mieux ? La minorité abonnée à la SBEE. La multitude reste abonnée à ‘‘la lampe au beurre clair’’ de Senghor, sans aucune idée de la belle évolution que lui offrirait l’introduction de l’électricité dans sa vie domestique. Aussi longtemps donc qu’il n’aura pas électrifié tous les villages du Bénin, Talon aura tout à faire.
Certes, on peut aller désormais d’une ville à l’autre en taxi, sans policier ou gendarme en train d’arnaquer les taximen. Ceux-ci, forts de ce progrès de la civilisation, ont tôt fait de renouer avec la surcharge au mépris des passagers. Mais ils savent que leur faute n’a plus la caution frauduleuse de l’Etat à travers ses agents dûment habillés. On apprend de même que des citoyens haut perchés, que l’on croyait au-dessus de tout soupçon, sont appelés à répondre de malversations cachées. Du baume au cœur du citoyen lambda rêvant d’égalité et de justice. Mais peur panique dans les rangs des fonctionnaires et des hommes d’affaires, qui se sentent, en leur for intérieur, coupables d’enrichissement illicite. Les adorateurs du python royal sont effrayés chaque fois que le chat jette sur leur vodou son regard impie de bouffeur de ce reptile. On souhaite donc la fin brutale de Talon pour ne pas avoir à rendre des comptes. ‘‘Il ne peut pas diriger le pays en s’intéressant à ces détails. C’est n’importe quoi !’’ Aussi longtemps donc qu’il n’aura pas éliminé ‘‘ces détails’’, Talon aura tout à faire.
Certes, devenir aujourd’hui ministre n’apparaît plus comme une adhésion au club des brigands en col blanc, pilleurs infatigables du pays. Naguère, la présidente de l’organe étatique de moralisation de la vie publique reconnaissait, face aux caméras de la télévision, que telle équipe gouvernementale était corrompue à 95%. Aujourd’hui, les ONG de lutte contre la corruption se taisent, acquises à l’idée qu’il existe désormais comme une volonté politique de lutte contre la corruption. Brève accalmie ? Ruse ? Se passe-t-il des choses derrière les rideaux ? Angoissantes questions. Aussi longtemps donc qu’on hésitera à donner le bon Dieu aux membres de son équipe, même après confession, Talon aura tout à faire.
Certes, le Gouvernement de la République tient aujourd’hui à ce que soit sain le pain de blé abondamment consommé par les populations. Naguère, il blackboula le directeur de l’alimentation prêt à dénoncer les commerçants qui font entrer dans la panification tel produit nocif pour la santé des hommes et des animaux. Caquet rabattu parce que, derrière de nombreuses boulangeries fautives, se tiennent des membres de l’Exécutif ou du Législatif, ou leurs amis, avec une sorte de droit coutumier de s’enrichir en empoissonnant à petits coups les populations. Ce droit de s’enrichir de la mort lente des pauvres a-t-il disparu alors que n’ont pas disparu les boulangers empoisonneurs ? Aussi longtemps donc qu’il ne pourra pas répondre de façon rassurante à cette question, Talon aura tout à faire.
Certes, il existe aujourd’hui au Bénin comme un élan vers le bien. Mais son porteur attise un soupçon haineux, car il détiendrait une fortune, alors que la béninoiserie ambiante, bête et méchante, promeut l’infortune tous azimuts, quitte à chérir l’enrichissement illicite. S’il veut donc qu’advienne au Bénin le temps de l’élévation du mental, Talon a tout à faire.
Roger Gbégnonvi