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Africains humiliés en mal de reconnaissance [Chronique Roger Gbégnonvi]

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D’authentiques Africains et fiers de l’être. Pas fiers en revanche que leur continent soit constamment relégué par l’autre au rang de vassal, alors que sans l’Afrique, son sol et son sous-sol et la sueur de ses enfants, l’élan de l’autre vers le progrès battrait de l’aile. Nantis des meilleurs diplômes des universités de France et de Navarre, y résidant et y travaillant en s’acquittant de leurs impôts, ces Africains, humiliés par l’humiliation de l’Afrique, se soulèvent pour la réhabilitation et la reconnaissance de l’Afrique par l’autre qui la méprise et les méprise. Leur mode de combat les rétrograde, hélas, à la négritude senghorienne adoubée par la science rétrospective de Cheikh Anta Diop adossée à l’antique Egypte des Pharaons. Le résultat de toute cette archéologie est que, hier et aujourd’hui, la puissance et la gloire de l’Afrique sont derrière elle. Mais, pour la même reconnaissance de l’Afrique, les Africains nouveaux ont sorti des armes en apparence nouvelles au rang desquelles l’antique fabuliste Esope, esclave noir, que Jean de La Fontaine aurait « recopié à l’identique », et les esclaves noirs américains, dont les inventions, à partir du XVIIIème siècle, ont fait grands les Etats-Unis d’Amérique.

L’histoire classique fait d’Esope un « esclave phrygien, qui vivait à Samos » au début du VIème siècle avant le Christ. Il naturalisa la fable en pays grec. Mais sa vie est une série de légendes avec une petite part de réalité. On a même suggéré qu’il fut un esclave éthiopien à peau noire. Il récitait les fables à lui attribués. Jean de La Fontaine en aurait connu des fragments grâce à une traduction versifiée au 9ème siècle par le moine grec, Ignatius Magister. Quant aux découvreurs noirs américains, ils ont une réalité et une historicité vraies. Quand on tape « grands découvreurs noirs américains », Google offre une liste, non exhaustive, de « 10 inventeurs noirs américains qui ont changé le monde ». Ils ont permis les feux tricolores, l’allumage de la lumière d’un simple geste, l’opération à cœur ouvert des malades, etc., etc.

Mais il se trouve que, en portant aux nues la réussite d’esclaves noirs, en faisant de cette réussite le mérite de l’Afrique et des Africains, les Africains cultivés que l’autre continue d’humilier en 2023, situent ailleurs et autrefois la puissance et la gloire de l’Afrique qui, aujourd’hui encore, pour l’essentiel, est malade de ses chefs sans vision sortis des rangs des Africains cultivés qui la coincent dans le village mental de l’analphabétisme et lui fournissent un minimum d’eau courante et d’énergie électrique. Et, sans le savoir, les Africains humiliés nonobstant leur haute culture, font le jeu du professeur Hegel. Il enseignait à ses étudiants en 1830 : « L’esclavage a contribué à éveiller un plus grand sens de l’humanité chez les nègres. Ils sont réduits en esclavage par les Européens et vendus en Amérique, et pourtant leur sort dans leur Propre pays est presque pire, dans la mesure où ils y sont soumis à un esclavage aussi absolu ». Esclavage à l’intérieur et à l’extérieur, atténué à l’extérieur par des succès genres Esope-noir et « inventeurs noirs américains ». Et voici, cultivés mais humiliés, les Africains en phase avec le terrible sous-entendu de Hegel : l’Afrique sans avenir, l’intelligence africaine fleurit hors d’Afrique, les Africains qu’aucune servitude n’a jetés hors d’Afrique sont astreints à parasiter le monde de l’autre. Monde marchant, le monde africain étant réputé stagnant.

Enervées par leurs enfants scolarisés mais peu lumineux, les mamans analphabètes du Dahomey des années 1940-1950 leur lançaient à la cantonade : « Toi, tu es allé à l’école pour en devenir bête ! » L’Africain cultivé ne doit donc plus se ridiculiser à quémander du blé à un pays en guerre, à prendre pour pépites les miettes de l’autre, à arracher des musées de France et de Navarre les objets cultuels africains, à garder le silence quand des Africains se raclent l’épiderme pour se blanchir. Tout Africain doit entendre et agir Aimé Césaire : « Je demande trop aux hommes ! Mais pas assez aux nègres […] Malheur à vous si vous croyez que l’on vous tendra la main ! Alors, vous m’entendez : on n’a pas le droit d’être las. Allez, Messieurs ! »

Roger GBÉGNONVI

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