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Covid-19 : L’étonnante résilience des acteurs du tourisme dans l’Atacora au Bénin ( 1ère partie)

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L’impact du choc de la pandémie du coronavirus au premier semestre de l’année 2020 et des mesures prises à l’international et au Bénin pour limiter la propagation du virus se sont répercutés directement sur la chaîne du tourisme dans le département de l’Atacora au nord-ouest du Bénin où s’offre au monde, le Parc national de la Pendjari, la destination la plus prisée des touristes. Face à la tempête de crise socio-économique, certains acteurs du tourisme se sont rapidement adaptés à la situation pour survivre. Enquête et témoignages !

Ici, des opérateurs touristiques lors d’une caravane pour le lancement officiel de la saison touristique du 15 novembre 2021 au 15 août 2022

« On n’avait jamais vu cela ! 180 annulations de réservation de visites touristiques en quelques semaines. Nous étions en février 2020. De plus de 20 millions de francs CFA dans le compte de mon entreprise, je suis passé à 3 millions six mois après l’instauration du cordon sanitaire et mesures prises par le gouvernement béninois pour limiter la propagation de la Covid-19 », se souvient un promoteur hôtelier et guide professionnel, installé à Natitingou, chef -lieu du département de l’Atacora, ville dans laquelle séjournent les touristes avant de prendre d’assaut les sites touristiques de la région.

Au Bénin, dans l’industrie touristique, la crise sanitaire se propage sous l’onde de deux chocs conjugués : forte baisse des recettes issues des activités liées au tourisme et pertes d’emplois.
Les situations traversées par les acteurs sont différentes et les témoignages édifiants. Alors qu’elle espérait pour la saison touristique 2020-2021, faire un chiffre d’affaires de plus de 600 mille francs CFA, Sylvie Yeropa , guide touristique dans le Parc national de la Pendjari n’a eu que 100 mille francs CFA comme revenu, soit 16,66 % de sa prévision. « Ces sous ne pouvaient même pas payer les frais de scolarité d’un enfant alors que j’en ai trois.», se lamente-t-elle.

Sylvie Yeropa , guide touristique dans le Parc national de la Pendjari

Joseph Tomoudagou, conservateur et responsable en charge du musée régional de Natitingou a, lui, le triste souvenir d’être témoin de la fermeture de trois boutiques d’objets d’art sur les 8 que compte ledit musée. Aucun maillon de la chaîne du secteur du tourisme n’a été épargné. Chacun a eu son lot de malheur. « On avait 117 réservations de touristes ici à Tata somba Hôtel. Et chacun voulait faire entre deux et trois nuits, la nuitée étant à 20 mille. Tout est tombé à l’eau. Ce sont des millions perdus à cause de la covid-19. Cela nous a coûté un an trois mois sans salaire pour la trentaine d’employés que nous sommes ici », confie Julien Yingo, chef bar et chargé de la réception qui a intégré cette entreprise hôtelière depuis 1986.

L’hôtel Kaba de Natitingou est l’un des complexes hôteliers du département réquisitionné par le gouvernement béninois pendant deux mois en 2020 pour la mise en quarantaine des voyageurs en provenance du Burkina Faso. L’idée était de faire un dépistage systématique aux personnes venues de l’étranger à leur arrivée aux frontières pour s’assurer de leur bonne santé avant de les laisser libres de tout mouvement. Malheureusement, à la fin de cette opération de réquisition, non seulement, les clients se faisaient rares parce qu’ils se disaient qu’après le passage des voyageurs, il y aura sûrement des traces du virus dans les locaux mais aussi, les quelques touristes qui venaient, exigeaient des draps de lit neufs pour être rassurés. « On ne dresse plus le lit des chambres. Il fallait attendre l’arrivée de quelques clients courageux mais qui doutaient encore malgré toutes les dispositions sanitaires prises pour sortir le drap neuf de son emballage », se rappelle le regard plein de douleur, Achille Kangodé hôtel, chargé de la clientèle et responsable du personnel.

Les impacts !

Selon un rapport intitulé “Etude des impacts socioéconomiques de la Covid-19 au Bénin”, commandité par l’Equipe-Pays des Nations- Unies, publié en décembre 2020, les pertes d’emplois dans l’industrie du tourisme sont évaluées à 20% sur l’ensemble des différents secteurs d’activités touchés par la crise sanitaire en 2020, mais le tableau présenté dans les hôtels, restaurants, musées, sites touristiques indique 3 à 10 licenciements selon la taille de la structure.
Ces pertes d’emplois couplées à la baisse de revenus ont créé un effet dépressif sur les victimes et affecté le bien-être des familles. « Ma femme m’a quitté momentanément avec nos enfants pour rejoindre ses parents parce nous étions au bord du gouffre », murmure un opérateur hôtelier. «J’ai dû retirer ma fille de son établissement privé ou je payais chèrement sa scolarité car je ne pouvais plus supporter cette charge financière. Elle est actuellement dans une école publique», se console un guide touristique.

Un employé d’un complexe hôtelier sans salaire depuis bientôt 2 ans, obligé de vivre de la générosité de quelques touristes et des activités champêtres

En dehors des familles, sur le plan social, ce sont une trentaine de villages connus pour leurs maisons, à l’architecture particulière, prisée par les touristes, appelées ”Tata Somba” dans la commune de Boukoumbé qui ressent les effets du coronavirus. En effet, les recettes générées par les visites des sites qu’offrent les communautés villageoises sont réparties aux acteurs pour résoudre des problèmes sociaux entre autres. Ainsi par exemple, les différents acteurs bénéficiaient du passage des touristes qui s’élève à 2000 FCFA par personne pour visiter les Tata somba, selon la répartition que voici : 40% soit 800 F pour le guide . Quant aux propriétaires des Tata, ils perçoivent 30% (600F), 20% revient aux communautés soit 400F et l’association des villages reçoit 10%, l’équivalent de 200F. Mais depuis l’apparition de la Covid-19, les recettes qui servaient à faire certaines réalisations pour le bien des communautés ont tari. Du coup, plus aucun des villages n’a bénéficié de la construction de toilettes publiques, ni de la réfection du toit d’une école dévastée par le vent, encore moins de la prise en charge de certains élèves orphelins. Pourtant, le besoin existe, selon Gui N’Da, chargé du développement et de la promotion de la route des Tata, en service sur le site de Koussoucouingou, à 14 kilomètres de Boukoumbé. Depuis l’avènement de la maladie, les recettes ont drastiquement chuté. Du côté de l’Association villageoise de gestion des réserves de faune (AVGRF) qui regroupe les villages et hameaux qui encerclent le Parc national de la Pendjari, la situation est identique. Alors que la Pendjari recevait en moyenne 7000 touristes composés à 90% d’occidentaux, selon Dr Yantibossi Kiansi, membre de l’AVGRF, elle s’est retrouvée à moins de 1000 visiteurs. Par conséquent, les recettes qui émanaient du parc dont une partie servait à régler les problèmes sociaux des villages tels que la construction des adductions d’eau, l’assistance aux écoles etc est devenue insignifiante avec la pandémie. L’autre réalité dûe à la crise est la mévente des produits locaux tels que le miel, le beurre de karité, les fromages et les objets d’art que les populations qui les proposaient aux touristes.

« La Covid-19 nous a tout arraché sauf notre imagination »

La crise sanitaire a été un puissant accélérateur de la capacité de certains acteurs qui se sont révélés créatifs et inventifs pour mener des actions de résilience à tous les niveaux de l’industrie touristique.
Le visage souriant, Sourakatou Sanny Kassim nous reçoit à Cotonou, à 600 kilomètres de Natitingou où il est à la fois guide touristique professionnel et promoteur de l’agence de voyage et de tourisme « Le Bélier ». Le téléphone toujours collé à l’oreille, ce quadragénaire se prépare pour accueillir à l’aéroport, des touristes venus de l’Occident. Il est soulagé de pouvoir aborder sereinement la nouvelle saison touristique qui démarrait le 15 novembre après avoir vu annuler par ses clients touristes 180 réservations, correspondant à 88% des réservations, lors de la saison 2020. Secoué par la crise sanitaire et affaibli par le payement des frais d’assurance de sa dizaine de véhicules 4×4 qui lui servaient pour le transport des touristes par le passé, l’homme qui capitalise 23 ans d’expérience dans le tourisme a vendu aux temps forts de la crise tous ses véhicules pour acheter un mini bus de 32 places. « La Covid-19 nous a tout arraché sauf notre imagination à reprendre la vie en main », soutient-il. Et de poursuivre : « Le payement des frais d’assurance, l’entretien des véhicules et le salaire des chauffeurs constituaient la grande charge. Il me fallait réfléchir à une autre stratégie pour continuer à vivre de ce que je fais.» Ainsi, avec le bus, Kassim a instauré un système de covoiturage et s’est lancé à la conquête des touristes nationaux au sein des entreprises et chez les particuliers vu qu’avec les fermetures des frontières, il a perdu la clientèle étrangère. « Au lieu que chaque touriste paie 80 000 francs CFA comme par le passé pour louer à lui seul un véhicule 4×4 et qui prend en compte son déplacement sur les sites touristiques, nous lui proposons notre bus qu’il prend avec d’autres personnes avec seulement 200 mille francs CFA tout frais compris, de Cotonou au Parc de la Pendjari en parcourant tout le circuit touristique.» L’idée est bien accueillie par les Béninois qui veulent découvrir leur pays. Son nom: “taxi Pendjari”. Deux voyages s’organisent désormais chaque semaine de Cotonou à Natitingou avec à bord du bus une quinzaine de personnes. « Avec ça je m’en sors un peu », avoue le promoteur qui a construit 4 Bungalows pour accueillir ses clients. Le promoteur de “ Le Bélier” ne s’arrête pas à ce niveau. Il multiplie les stratégies. Ainsi, pour baisser les charges au niveau de la restauration, Kassim met fin à l’achat du riz local qui lui revenait plus cher comparativement à celui importé, deux fois moins cher pour la même quantité. Mais ce n’est pas tout. Il a aussi investi dans les champs d’anacardier et de soja avec après avoir vendu les véhicules.
“Taxi Pendjari” s’étant révélé être une bonne stratégie de résilience dans le secteur, il a fait des émules. Ainsi, des jeunes qui avant la survenance de la covid-19, avaient acheté soit des motos, soit des véhicules, pour les louer aux touristes, les ont transformés en taxis et en motos-taxis. Shérif D. est l’un d’entre eux: « De 2018 à 2020, ma moto a servi à conduire les touristes pour leurs courses quand ils viennent dans la région. Mais avec la covid-19, je l’ai transformée en moto-taxi pour m’en sortir. Aujourd’hui, je gagne bien ma vie et je vais cumuler les deux activités même si tout revenait à la normale».
Autre acteur, autre stratégie d’adaptation. Depuis bientôt un an, l’un des centaines de guides touristiques que compte le département de l’Atacora livre des packs d’eau en gros communément appelés “pure water”. L’homme qui a fait des années de guidage dans le parc Pendjari et les cascades et chutes d’eau de Kota, de Tanguieta et de Tanougou avec son véhicule qu’il mettait à disposition des touristes, face à l’érosion de ces recettes dûe à la covid-19, a eu l’idée de monter une petite unité de production d’eau. Les packs d’eau sont livrés avec le véhicule qui servait de Safari aux touristes étrangers.

“Taxi Pendjari” ou le covoiturage de Sourakatou Sanny Kassim

Quant à Seyidou Machoura, guide depuis 10 ans au musée régional de Natitingou jusqu’à l’éclatement de la crise sanitaire,  elle s’était faite former en fabrication de colliers et d’objets d’art de décoration. En quelques mois, la pandémie lui a ouvert les yeux. « J’ai perdu 10 ans d’opportunités parce que je ne savais pas que je pouvais mieux m’en sortir avec la vente de mes colliers. La pandémie m’a plutôt fait du bien car les colliers s’arrachent comme de petits pains par nos frères et sœurs qui viennent en tourisme dans la région », se réjouit-elle même si elle n’a pas souhaité livré ce qu’elle gagne en moyenne par mois dans cette nouvelle activité qu’elle cumule avec le guidage.

Cette enquête a été réalisée grâce à l’appui du Programme Dialogue Politique en Afrique de l’Ouest de la Fondation Konrad-Adenauer-Stiftug (PDWA/ KAS)

Dossier complet à suivre !

Venance TONONGBE

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