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Pourquoi le Covid-19 ne l’emportera pas [Chronique Roger Gbégnonvi]

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L’homme n’accepte pas sa finitude. Il accepte, en maugréant, la fatalité de la mort dont il a fait opportunément la porte d’entrée dans la belle éternité qu’il s’est rêvée. En dépit donc de ce qu’il soit sous le choc face à la fulgurance du Covid-19 à faucher partout sur la terre les pauvres et les riches, ce qu’il lui reproche depuis bientôt deux ans, c’est moins sa propension á tuer l’homme que sa tendance sournoise à solder la civilisation que l’homme s’est construite pour donner du sens à l’absurde de sa vie. La démolition civilisationnelle entamée par le Covid-19 s’observe notamment sur deux points de la plus haute importance.
Premier point :- Récemment, un Etat africain au sud du Sahara a fait fermer tous les lieux de culte pendant un mois afin d’empêcher les célébrations de devenir, pour le méchant virus, occasions de se multiplier et de faucher massivement. Ainsi, quatre semaines durant, le Covid-19 aura contraint les croyants de tout bord à ne s’en tenir qu’à la très vieille recommandation de Mathieu : « Pour toi, quand tu pries, retire-toi dans ta chambre, ferme sur toi la porte, et prie ton Père qui est là, dans le secret ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra » (6/6). L’évangéliste a raison si l’on considère qu’il parle de la foi, toujours personnelle et individuelle, et qui s’exprime toujours dans l’intime de soi. Mathieu aura passé sous silence la religion, expression collective et liturgique de la même foi partagée et vécue ensemble par un groupe d’individus qui, dès lors, font assemblée, font communauté. C’est de cette religion que l’on dit qu’elle est la matrice de la civilisation. Le sacristain, le muezzin, le crieur public, appellent périodiquement les hommes à se réunir dans le même édifice, autour des mêmes mélodies et des mêmes chorégraphies, afin d’anticiper l’ailleurs de l’existence, rêvé à l’opposé diamétral de la « vallée des larmes ». Voilà la civilisation humaine que le Covid-19 oblitère. Et il ne le sait pas. L’homme le laissera-t-il faire ?
Le deuxième point :- Il n’est pas sans lien avec le premier. Untel clamait haut et fort que malgré ses accointances intellectuelles et culturelles avec l’Occident, son cœur était du côté de ses ancêtres yorubas. Il avait donc laissé des consignes claires pour qu’on lui fasse des obsèques dans les règles de l’art coutumier. Il exigeait, à côté de lui dans le cercueil, la tête du mouton auquel auront communié les vivants. Hélas, le Covid-19 l’emporta sans crier gare. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, et de peur qu’il ne devienne occasion pour le virus mortel de se multiplier et de faucher massivement, les services spéciaux l’emballèrent dans une toile et le jetèrent dans un trou bétonné. Loin du regard des siens. Quelques heures après son décès. Foin des marques d’honneur et d’amitié listées dans son testament, et par lesquelles l’homme civilisé, à l’heure de l’ultime adieu, trace la ligne de démarcation entre lui cadavre et une simple charogne ? Le Covid-19 contraint l’homme à ne pas différencier entre le cadavre de l’homme et le cadavre du chien. Il fait avaler à l’homme civilisé le chapeau de sa civilisation. Et il ne le sait pas. L’homme le laissera-t-il faire ?Désabusé par le « fond de désordre, de violence et de bêtise » de deux guerres mondiales successives, Paul Valéry a écrit que « L’inhumanité a peut-être un bel avenir ». Peut-être pas. Car voici que par sa rigueur et son intransigeance de maître d’école et, mutatis mutandis, de connivence avec l’évangéliste, le Covid-19 ramène l’homme à l’essentiel et l’y confine. Cet essentiel semble la leçon que l’homme doit retenir de la pandémie, et que les enflures et boursouflures idéalisées pourraient déshumaniser la civilisation. La leçon une fois retenue, si le Covid-19 s’éternise, l’homme devra vivre et mourir avec lui, comme ici et là, il le fait déjà avec le paludisme sans renoncer à la civilisation humaine. Le Covid-19 ne l’emportera pas. La civilisation humanisée survivra au Covid-19.

Roger GBÉGNONVI

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