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Chronique

Peut-on ne jamais réviser une constitution ?

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Quand on respire l’air de la France post-Révolution, ce n’est pas une idée étrange que celle d’un grand chambardement constitutionnel pouvant amener à changer de République. Parmi les cinq favoris de l’élection présidentielle de mai 2017, deux jugent que le temps est venu de passer de la cinquième République à la sixième. Car, quitte à s’y reprendre á froid, il faut que les Français refassent de temps en temps 1789. Les Béninois, qui ont tendance à leur ressembler, font de leur mieux, si l’on en croit l’histoire racontée par eux-mêmes : ‘‘De 1959 à 1994, le Bénin a connu une dizaine de textes constitutionnels à durée de vie plus ou moins courte (2 à 3 ans en moyenne) la constitution du PRPB constituant une exception.’’

Au regard de l’amour franco-béninois pour la valse des constitutions, on se demande quel génie permet aux Etats-Unis de conserver la même constitution depuis leur création. Ils ne touchent pas au texte fondateur voulu, conçu et rédigé par les ‘’Pères Fondateurs’’. Ils n’y touchent pas. C’est pourtant à sa lumière qu’ils avancent : guerre de sécession jugulée, liberté pour les esclaves suivie de leur accession à la citoyenneté à part entière, limitation des mandats présidentiels à deux, etc. Ils ne touchent pas à la constitution, ils ne la révisent pas, mais – et voici le génie étasunien – chaque article de la constitution est susceptible d’amendement au fil de l’évolution des idées, du changement des mentalités, tant et si bien que chaque article peut cumuler plusieurs amendements numérotés avec soin. L’ensemble de ces amendements constitue des livres à part, bien plus gros que celui de la constitution, qui est un livre tout petit. Les Américains ne touchent pas à leur constitution parce qu’on ne fait pas bouger un repère, pour ne pas perdre le nord, être désorienté au sens de ne plus retrouver l’orient où le soleil se lève. Leur constitution est leur référence absolue, le texte dont ils partent toujours pour y revenir toujours, le socle inamovible de leur unité et de leur liberté, leur Bible et leur Coran vénérés, mais interprétés souvent, par des hommes investis, pour que Dieu ne soit pas en déphasage avec le temps évolutif des hommes.
Et si les Béninois (pour ne parler que d’eux en Afrique) se faisaient Américains en maintenant inchangée, mais soumise à amendements dans ses articles, la Constitution du 11 décembre 1990 ? C’est elle qui a fondé le Bénin nouveau en nous mettant sur orbite de démocratie et de développement. Pourquoi ne pas la vénérer ? Nous avons abandonné un nom pour un autre, un drapeau pour un autre avant de revenir à l’abandonné, nous changeons Députés et Président de la République, nous ne sommes pas nation mais puzzle écartelé entre ethnies et religions, nous modifions nos constitution… De quoi avoir le vertige car rien ne nous tient ensemble. Seule l’actuelle Constitution, gardée intacte dans son texte premier, mais amendable au niveau de ses articles, elle seule pourrait nous tenir soudés.
D’ailleurs, à lire les décisions de la Cour Constitutionnelle de 1991 à 1994, on s’aperçoit qu’à son insu le Bénin est sur la voie de la sacralité de la Constitution du 11 décembre 1990, sacralité du texte fondateur. Dans le laps de temps considéré, chacune des 57 décisions dit et redit nouvellement la constitution tout en la laissant intacte dans son texte premier, socle présomptif de notre unité et de notre liberté. Le célèbre article 68 a-t-il jamais été conçu pour permettre á l’Exécutif de passer outre au Législatif pour imposer son budget de fonctionnement de l’Etat ? Toujours est-il que l’interprétation faite une fois de cet article permet désormais au pays d’avancer tout en gardant intacte sa Constitution.
Oui, on peut ne jamais réviser une constitution. Il faut s’y prendre à l’américaine. Et le Bénin aurait enfin son étoile du berger, toujours là, quels que soient le temps, les vents, les hommes. Et le Bénin aurait enfin sa Bible des biens précieux de l’unité et de la liberté.

Par Roger Gbégnonvi


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