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Trois moments béninois de Benoît XVI [Chronique Roger Gbégnonvi]

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Dès l’annonce du rappel à Dieu du Pape émérite Benoît XVI, le Chef de l’Etat, Patrice Talon, a dit à l’Eglise catholique « sa compassion et celle de tout le peuple béninois ». Et il est vrai que le Bénin, en creux et en relief, doit une triple vénération à la mémoire de Benoît XVI qui, par trois fois au moins, a montré pour lui un amour de prédilection. Et il ne serait pas juste que ces trois moments précieux s’évaporent et se perdent dans la grande histoire.

Le moment initial s’appelle Barthélemy Adoukonou. « Le livre que voici contient l’essentiel d’une thèse de doctorat en théologie soutenue le 25 mars 1977 à l’Université de Ratisbonne, sous le patronage du Cardinal Ratzinger », alors prêtre et théologien déjà réputé au sein de l’intelligentzia allemande et de la catholicité. Bien sûr, aucun des deux tomes de « ce livre » ne rapporte la rumeur selon laquelle la thèse et sa soutenance furent si brillamment conduites que le professeur Ratzinger aurait exprimé, séance tenante, le désir de laisser le nouveau docteur hériter de sa chaire. Si c’est une légende, « ce qui doit être lu », elle devint très tôt lisible pour les élèves et étudiants béninois de Barthélemy Adoukonou, sidérés par sa capacité d’abstraction et son aisance d’alchimiste des mots et des idées pour faire synthèse et système. Emmanuel Kant réincarné prince d’Abomey ! De toute façon, il y a fort à parier que le professeur Ratzinger fut effectivement et resta sous le charme de ce descendant des princes d’Abomey puisque, aussitôt élu Souverain Pontife, il appela auprès de lui celui à qui il avait conféré le doctorat. Il le nomma secrétaire du Conseil pontifical pour la culture et lui fit conférer la plénitude du Sacerdoce en tant qu’évêque titulaire de Zama Mineure.

Le deuxième moment s’appelle Bernardin Gantin. L’ancien archevêque de Cotonou était déjà au Vatican, appelé par Paul VI pour l’aider dans la direction de l’Eglise quand le même Paul VI demanda à Josef Ratzinger de quitter son siège d’archevêque de Munich et Freising pour prendre en charge à Rome le Dicastère de la Foi. Avant que de devoir travailler ensemble au Vatican, les deux archevêques se connaissaient sans doute, ne serait-ce que par le lien du doctorand du 25 mars 1977. Leur amitié se renforça et franchit le cap de la fraternité gémellaire quand Paul VI leur remit, à tous les deux ensemble, le chapeau cardinalice. Lorsque le Cardinal Ratzinger devin Benoît XVI, sa gémellité avec le Pape devint pour le Cardinal Gantin un signe unique et sublime. Dans sa maison de retraite à Cotonou, il se confia un jour à l’un de ses hôtes : « Nous sommes deux. L’un est Pape… » Tout est dans le présent de l’indicatif et dans l’inachevé de l’idée. Et l’hôte ne pouvait conclure à sa guise, puisqu’il savait qu’en 1978, pressenti pour succéder à Jean-Paul 1er, le Cardinal Gantin, modeste et prudent, avait supplié ses supporters au sein des cardinaux électeurs « de lui éviter cela ». Il avait promis à son hôte d’inviter Benoît XVI à visiter le Bénin. Son rappel à Dieu l’empêcha d’accomplir ce vœu.

Pape Benoît XVI et Cardinal Gantin, en 2005

Et le troisième moment de s’appeler Benoît XVI. En personne et comme en point d’orgue, il vint de son propre gré au Bénin. Officiellement, pour « L’Exhortation Apostolique Africae munus », et non d’abord pour aller saluer le frère endormi pour l’éternité. Mais l’intime conviction voudrait que ce soit l’inverse, étant entendu que, officieusement, la diplomatie et les finances vaticanes hésiteraient peut-être à laisser le Souverain Pontife voyager si loin ‘‘seulement’’ pour honorer la mémoire de l’ancien Doyen du Sacré Collège.

Voilà trois moments béninois de Benoît XVI qui disent, à souhait, qu’il s’en est allé avec le Bénin dans un coin de son cœur. Faisant chorus avec les enfants d’Abraham, presque tous les Béninois disent que, à partir du 31 décembre 2022 à 9h34, Benoît XVI, qui les aima tant, est devenu plus puissant que de son vivant. « C’est la foi qui sauve. » Que soit donc Benoît XVI pour les Béninois une lumière nouvelle sur leur unité, une lumière nouvelle sur leur volonté de paix dans la cité du Bénin. Merci infiniment à Benoît XVI d’être passé parmi nous en bonté.

Roger GBÉGNONVI

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