Il est des paroles qui détruisent, et l’on se détruit soi-même d’abord à la parole destructrice que l’on profère. Si la parole proférée par l’homme n’estampillait pas l’homme en toute sa matière et tout son esprit, le cardinal de Polignac ne se serait pas exclamé à la vue d’un grand singe : « Parle et je te baptise ! » C’est parce que la parole est à la fois lien de lumière et lieu de vipère que l’évangéliste Matthieu fait dire à Jésus le Christ : « C’est d’après tes paroles que tu seras justifié et c’est d’après tes paroles que tu seras condamné » (12/37). Il en est ainsi parce que la parole proférée induit l’acte agi. « Parler c’est agir ». Parlons donc pour nous élever et élever notre environnement. Evitons les paroles qui tirent vers le bas.
« Bof ! avec mon maigre salaire… » Dans le secteur privé ou public (excepté peut-être au niveau international), le Béninois est mécontent de son salaire quand même celui-ci est plus ou moins souvent ajusté au coût de la vie. C’est avec ce salaire que, de toute façon, il résout les problèmes quotidiens, les siens et ceux des siens. Mais quoi qu’il fasse et réussisse avec son salaire, c’est un « maigre salaire », un « salaire de misère ». Par conséquent, au poste qu’il occupe, il maugrée sans cesse et exige constamment des bakchichs pour compenser ladite misère ; haut fonctionnaire, il vole à volonté l’Etat pour compenser ladite misère ; maire de sa ville, il vole mobiliers et terrains à bâtir pour compenser ladite misère. Et cette conduite chapardeuse à tout-va paraît normale au fonctionnaire béninois. Les fonctionnaires béninois pensent misère et volent. Raison pourquoi le Bénin va de guingois.
« Bof ! moi je suis là en attendant. » Car le travailleur béninois est toujours mécontent de son poste. Pour échapper à la tension soutenue du pédagogue, l’enseignant se voit assis dans un bureau, à jaser et à rigoler la journée longue avec le tout-venant, et à farfouiller dans la paperasserie. « En attendant » cette aubaine, il marque au sceau de la nonchalance ses cours, ses fiches et la correction des devoirs. Et les enseignés ont droit à son humeur massacrante en permanence. Le préposé à la réception de l’usine d’à côté est d’humeur aussi massacrante que le ci-devant enseignant. Il voulait un emploi, on lui a offert celui-là, mais c’est un autre qu’il attendait. Il ne sait pas lequel. « En attendant » cet inconnu, il boude les clients, des gêneurs priés d’aller se faire voir ailleurs. Tout travailleur béninois attend un autre poste où il se tournera les pouces pour beaucoup d’argent. « En attendant » cette sinécure, il crache sur le poste qu’il occupe. Raison pourquoi le Bénin va de guingois.
« Bof ! elle est folle. Comme d’ailleurs toutes les femmes. » Votre épouse folle, et votre mère folle, parce qu’elle est la femme de votre vieux père qui répète à l’envi que sa vieille épouse est folle : voilà une situation délicate, qui ne devrait cependant pas vouer à la camisole de force les femmes béninoises, estimées á 51-52 % de la population. Tout le Bénin féminin aurait une araignée au plafond ! Or, pour refuser de modifier tant soit peu nos attitudes, nous sommes enclins á traiter de fou celui dont le comportement dévie du nôtre. Les Béninoises observent les Béninois. Elles constatent leur déviance par rapport à elles. Elles soupirent en chœur : « Nos hommes sont fous ! » Et voilà le Bénin recouvert de 12 millions d’habitants qui travaillent tous du chapeau. Raison pourquoi le Bénin va de guingois.
L’on doit aux Allemands l’adage « A force de peindre le diable sur le mur, il finit par se présenter en vrai ». Halte donc au massacre ! Nous ne pouvons pas, sans cesse, souhaiter et dire le beau et le bien dans les temples, les couvents, les loges, et sortir de là avec des paroles toujours malveillantes pour nous-mêmes. Pour l’élévation du Bénin, que soit chacun positif en paroles, que profère chacun sur soi et alentour le beau et le bien en tendant de tous ses mots et de tous ses actes vers le plus beau et le meilleur pour soi et pour le Bénin.