Certains politologues rendent le Covid-19 responsable de l’échec de Donald Trump, au motif qu’il a pris à la légère la pandémie. Analyse trop simple pour être vraie. Le nouveau virus se préoccupe de faire le bonheur des cimetières où il continue d’envoyer hommes et femmes qui ne demandent qu’à vivre quatre ans encore et plus. Il n’est pas intéressé à s’offrir en rab le second mandat de Trump, candidat à sa propre succession. Tout au plus, le Covid-19 a servi de miroir grossissant à l’affligeante sécheresse de l’ensemble du tableau de l’artiste Trump. Le Covid-19 n’a pas sorti les Etats-Unis de l’Accord de Paris sur le Climat afin que fonctionnent à pleines fumées les hauts fourneaux américains, dût la planète étouffer, s’encombrer et sombrer sous les coups et blessures de l’homme ; le Covid-19 n’a pas songé à un mur pour empêcher les Mexicains de venir chercher travail, gîte et couvert sur le sol des Etats-Unis. Etc. De toute façon, les mesures protectionnistes et autres de Trump pour « faire l’Amérique grande et America First » ont porté les fruits escomptés : économie florissante, taux de chômage à plat. Quand il en est ainsi à la fin de son premier mandant, le président des Etats-Unis obtient le second sur des chapeaux de roue. Donald Trump a pourtant perdu.
Donald Trump a perdu parce que dès le prologue de « L’audace d’espérer », livre-programme du futur président qui préparait sa candidature, Barack Obama écrivait : « Je suis convaincu que ce qui afflige les quartiers défavorisés participe d’un effondrement de la culture qu’on ne guérira pas seulement par l’argent, et que nos valeurs, notre vie spirituelle comptent au moins autant que notre PIB. » Le chapitre II du livre porte sur les valeurs. Obama écrit : « On imagine mal qu’un P-DG s’accorderait une prime de plusieurs millions de dollars tout en réduisant l’assurance maladie de ses ouvriers s’il les considérait d’une façon ou d’une autre comme ses égaux. De même, on peut présumer que les gens au pouvoir réfléchiraient davantage avant de déclencher une guerre s’ils pouvaient se représenter leurs propres fils et filles tombant au front.- Je pense qu’un sentiment plus fort d’empathie ferait pencher la politique actuelle en faveur de ceux qui luttent. Car, s’ils sont comme nous, leur lutte est la nôtre, et si nous ne les aidons pas, nous les rabaissons. »
Barack Obama héritier de Montesquieu, auteur de « De l’Esprit des Lois », qui écrivait au XVIIème siècle : « Il faut observer que ce que j’appelle la vertu dans la république est l’amour de la patrie, c’est-à-dire l’amour de l’égalité. Ce n’est point une vertu morale, ni une vertu chrétienne, c’est la vertu politique. » Et il supplie qu’il ne faille pas, s’appuyant sur « point une vertu morale », lui faire « dire des choses absurdes, et qui seraient révoltantes dans tous les pays du monde ; parce que, dans tous les pays du monde, on veut de la morale ». Barack Obama héritier d’Aimé Césaire, maire emblématique de Fort-de-France. Il écrivait en 1939 : « Je viendrais à ce pays mien et je lui dirais : ‘‘Embrassez-moi sans crainte… Et si je ne sais que parler, c’est pour vous que je parlerai. Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche, ma voix la liberté de celles qui s’affaissent au cachot du désespoir. » Barack Obama héritier de Lionel Jospin, Premier Ministre français, qui voulait « introduire la morale en politique », sur la base du « respect de la morale républicaine ». Au quotidien espagnol El Païs, il déclarait le 30 novembre 1997 : « La moralisation de tous est indispensable. Je compte sur celle des chefs d’entreprises dont je connais le dynamisme. »
Libéré du rien-que-le-dollar, regard haut et loin levé, Barack Obama a bâti son action politique sur une empathie exigeante : l’autre est mon égal, et moi, homme politique, je dois faire de sa lutte ma lutte. Les maîtres d’idéal empathique de Barack Obama ne sont pas légion mai ils existent. Puissent nos dirigeants suivre leurs traces à l’instar de Barack Obama.