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La vie de Béatrice, mère au destin brisé par un mysticisme cruel, devenue mendiante à l’Université d’Abomey-Calavi

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Invalidité, précarité, solitude… À 36 ans, Béatrice Hounnou, mère de deux enfants, brave la misère et la discrimination pour survivre. Depuis quatre ans, cette femme amputée de la jambe droite et privée de ses dix doigts trouve un semblant de répit dans la générosité des étudiants de l’Université d’Abomey-Calavi. Rencontre avec cette femme qui, loin des bancs des amphis, se bat pour survivre dans un environnement où la connaissance est reine, mais où la pauvreté reste un fardeau lourd à porter.

À l’ombre des arbres près du portail secondaire de l’Université d’Abomey-Calavi, Béatrice Hounnou, une trentenaire frappée d’invalidité, accueille les passants. Assise sur un simple pagne, un nourrisson sur les genoux, elle interpelle les étudiants d’une voix douce, les remerciant pour chaque geste de générosité. À ses côtés, une prothèse remplaçant sa jambe droite témoigne de son handicap, tandis que ses mains presque sans doigts évoquent une épreuve douloureuse.

Originaire d’Akpro-Missérété, à 63,6 kilomètres de là, Béatrice brave la distance pour chercher des moyens de subsistance. Son choix de s’installer près du campus n’est pas un hasard : “Quand j’ai vu un jour une foule d’étudiants sortir du campus, j’ai su que c’était là que je devais essayer”, confie- t-elle.

Une adolescence brisée par un mysticisme cruel

L’histoire de Béatrice débute dans une obscurité tragique. À 14 ans, alors qu’elle travaille comme domestique, sa vie bascule. “Un jour, j’ai ramassé une amulette mystique en balayant. Peu après, j’ai été frappé par un maléfice”, raconte-t-elle, les yeux embués de larmes. Ce sort a laissé sa jambe droite paralysée et ses doigts détruits, la condamnant à huit longues années de maladie. Aujourd’hui, malgré ces blessures, elle refuse de se laisser abattre.

Un combat pour la survie

Mère de deux enfants, Béatrice a vu le père de ses enfants l’abandonner lors de sa première grossesse. “ Quand je suis tombée enceinte pour la première fois, le père de mes enfants m’a méprisé me laissant seule face à cette responsabilité, en raison des critiques qu’il essuyait à cause de moi. C’est ainsi que j’ai décidé de tout braver pour commencer à demander de l’aumône. ”

Il est revenu par la suite, mais son soutien reste maigre. “Il me donne 2 000 FCFA par semaine, ce qui ne suffit pas pour payer mon loyer de 20 000 FCFA”, explique-t-elle.

Depuis quatre ans, Béatrice parcourt chaque semaine les 63,6 kilomètres séparant Akpro-Missérété d’Abomey-Calavi. Son objectif ? Trouver un réconfort financier auprès des étudiants, souvent sensibles à son histoire. Installée près des arbres du campus, elle récolte quelques pièces, parfois jusqu’à 4 000 FCFA par jour.

Béatrice Hounnou préparant une bouillie de céréales pour son nourrisson

Mais cette quête de survie n’est pas sans embûches. À plusieurs reprises, elle a été chassée par les agents de sécurité de l’université, mais elle persiste. “Lorsque je suis venue m’installer ici, les agents de sécurité qui sont près du portail m’ont déjà ordonné de quitter les lieux. Ils m’avaient déjà expulsé de l’emplacement où je venais m’installer sur le campus [en face de l’amphithéâtre Houdégbé, Ndlr] et j’ai donc décidé de m’installer un peu plus loin ici. Je ne cesse jamais de les supplier à chaque fois qu’ils viennent me sommer de partir. C’est une honte pour un être humain de demander l’aumône. J’ai compris que c’est une épreuve de la vie que je traverse, raison pour laquelle, j’ai régulé mes déplacements pour ne venir à l’université qu’une fois ou deux par semaine”, a-t-elle confié, émue jusqu’aux larmes.

Le périple des 63,6 km

Chaque déplacement est une aventure coûteuse et pénible. Ne pouvant utiliser les bus ordinaires “Tokpa-Tokpa” à cause de sa prothèse, Béatrice opte pour les taxis et les motos-taxis. Ces trajets lui coûtent bien plus cher que les alternatives, mais elle n’a pas le choix.

Malgré tout, son combat ne se limite pas à sa survie. Béatrice rêve d’un avenir différent. Son souhait le plus ardent, est de trouver un financement pouvant lui permettre de déployer son savoir-faire dans le domaine de la vente. “Si je pouvais obtenir un financement, je lancerais un commerce de charbon ou de layettes. Ces produits ont une durée de vie longue et me permettraient de m’en sortir.” Loin de se résigner à la mendicité, Béatrice espère offrir une vie meilleure à ses enfants.

Philippe G. LOKONON


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