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“La politique pénale du gouvernement veut qu’on soit intraitable ” : Intégralité de l’interview de Mario Mètonou, Procureur de la CRIET

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Au Bénin, à la faveur de la fin des sessions criminelles, le procureur spécial près la Cour de Répression des Infractions Économiques et du Terrorisme (CRIET) a accordé une interview à nos confrères de Bip radio ce 03 juillet 2023. Voici l’intégralité de ce qu’il a dit sur le bilan de la juridiction.

Je suis Mario METONOU. Je suis le procureur spécial près de la Cour de Répression des Infractions Économiques et du Terrorisme.

 Vous venez de clôturer les sessions criminelles ou la session criminelle de la CRIET, qu’est-ce qu’une session criminelle ?

C’est une série d’audience consacrée au jugement des infractions les plus graves, les infractions qualifiées “crime” au terme de notre législation. C’est ce qui a remplacé ce que nous connaissions sous la dénomination de la cour d’assise. Et une réforme législative a fait que désormais les cours d’assises ont été remplacés par des sessions Criminelles aussi bien en première instance qu’au niveau des chambres d’appel.

Pourquoi on fixe de leur session criminelle, est-ce qu’il n’y a pas de risques de jugement expéditif ?

Pas du tout parce que en général ces dossiers arrivent devant la session criminelle après une longue période d’instruction. Quand on renvoie à la session criminelle on connaît à peu près les charges qui sont retenus contre chacun. Les accusés savent exactement ce qu’on leur reproche les éléments de la procédure qui sont en charge, les éléments qui sont à décharge. Les avocats ont eu le temps de se préparer des semaines à l’avant. Donc il y a un temps de préparation qui fait qu’on arrive à l’audience avec un dossier, on va dire à peu près complet, bien ficelé et toutes les parties ont des éléments de procédure sur lesquels elles veulent bien intervenir. Il n’y a pas de risque que vous arriviez à un jugement expéditif.

Pourquoi la justice met toujours autant de temps pour y juger les gens. Pourquoi le temps de détention provisoire peut être interminable ?

Déjà, la bonne justice n’est pas une justice expéditive. Si vous y allez un peu trop rapidement vous risquez de laisser passer, d’enjamber les droits de l’homme et de laisser passer certains nombres d’éléments qui peuvent être profitables pour l’accusé dans la procédure. Mais également, le temps de la justice ne doit pas être trop long. Vous faites bien de le souligner. Nous avons des contraintes au point de vue de l’organisation de la procédure qui font qu’on est obligé dans les dossiers qualifiés « crime » de passer par la case de l’instruction préparatoire.

Et là effectivement ça peut prendre un certain temps parce que c’est la même commission et instruction. Et il y a un certain nombre d’actes de procédure obligatoire que cette commission doit poser avant que le dossier ne soit clôturé. Et dans le même temps c’est pas comme si vous envoyez un stock de dossiers à la commission et que vous vous en tenez à cela. Au jour le jour de nouveau dossier arrive. Donc il y a le ratio, le nombre de magistrats, de procédures qui jouent parfois et fait que dans certaines procédures surtout quand ce sont des procédures complexes. On prend du temps. Mais c’est toujours un temps utile pour que la bonne justice passe.

 Vous comprenez les détenus qui se plaignent du temps qu’ils passent en prison ?

Ah oui ils ont totalement raison.

 Et vous ne pouvez rien faire pour corriger cela ?

On n’y travaille pour que le délai de traitement des procédures soit un délai raisonnable. Ni trop long, ni trop court mais raisonnable.

 Quelles sont aujourd’hui les nouvelles infractions ?

Je ne sais pas si on a de nouvelles infractions.

 Le terrorisme par exemple

Le terrorisme faisait déjà partie des infractions pour lesquelles la CRIET a reçu compétence dès 2018. On a de nouvelles infractions terrorisme par exemple. Le terrorisme était déjà fait partie des infractions pour laquelle la CRIET a aussi compétent depuis 2018.

 Et il n’y avait pas autant de clients ?

Oui, on n’avait pas autant de personnes poursuivies pour terrorisme. Vous faites bien de le souligner. Nous sommes face à un péril et nous travaillons à ce que ce péril soit conjuré.

 Vous avez l’expertise pour juger ses hommes d’affaires ?

De plus en plus, il y a des formations qui sont organisées et il y a des séminaires. Il y a des échanges de bonnes pratiques.

Il y a quelques-uns qui ont été jugés à l’occasion de cette session criminelle. Est-ce qu’il y en a encore d’autres qui sont dans les prisons et qui attendent leurs procès ?

Oui effectivement il y a certains nombres qui sont dans nos maisons d’arrêt dans les prisons civiles en attente de jugement. Leurs dossiers devant la commission d’instruction de la cour de la répression économique et du terrorisme. La première session criminelle a été consacrée presqu’exclusivement aux dossiers du terrorisme. Nous avons jugé un certain nombre de personnes. Il y en a qui ont été acquittées mais il y a beaucoup qui ont été condamnés. Les condamnations allaient de 10 à 30 ans de réclusion criminelle. 

Justement est-ce que parfois la CRIET n’a pas la main trop lourde ?

Si vous participez à une action terroriste et que vous mutilez des gens, vous égorgez des gens, vous tirez sur des militaires et que à la fin vous êtes reconnu coupable et qu’on vous condamne à 30 ans de réclusion criminelle, je ne pense pas que ce soit trop.

On dit que quand on rentre à la CRIET on a aucune chance de s’en sortir. Est-ce qu’il vous arrive d’acquitter des gens à la CRIET ?

Je vais vous demandez de faire un tout petit exercice. On a en moyenne quatre audiences au niveau de la chambre du jugement par semaine. Lundi, mardi, mercredi, jeudi. Choisissez n’importe laquelle de ces audiences-là. Arrivé, installez-vous dans la salle autour de 8h30min. Ça vous permet d’assister au début des audiences. Et le début de l’audience, c’est le moment où le juge vide son délibéré. Vous ferez le calcul, faire le constat vous-même et vous me direz s’il y a des acquittements ou pas. Mais, vous serez surpris des résultats.

 Vous avez des statistiques ?

Faites l’exercice, c’est ouvert.

Est-ce que les juridictions doivent faire peur ?

Alors, est-ce que la CRIET fait peur, je ne crois pas. Il y a une majorité de concitoyens qui n’a pas peur de la CRIET. Je pense qu’il y a des gens au Bénin qui ne connaissent pas la juridiction simplement parce que ce sont des personnes qui ne sont pas dans des situations où elles sont en conflit avec la loi. Par contre si vous êtes décidé à développer des comportements ou vous détournez les deniers publics ou vous commettez certains actes qui sont contraires à la loi, mais vous avez certainement quelques craintes à avoir.

La politique pénale du gouvernement, la politique pénale du garde des sceaux que nous appliquons ici, c’est celle qui veut qu’on soit intraitable vis-à-vis des infractions des délinquants à col blanc. Et ces délinquants à col blanc c’est quoi ? C’est ceux qui sont dans les crimes économiques. Ceux qui commettent une infraction, n’ont pas de survie comme dans la délinquance à col bleu. C’est des délits, c’est des infractions de confort.

Le crime économique, c’est un crime qu’il faut combattre parce que derrière chaque crime économique, c’est une école qui n’est pas construite, C’est des milliers d’enfants qui sont privés d’éducation. C’est des femmes et des milliers de femmes qui risquent la vie en donnant la vie, parce que simplement l’argent qui devrait servir à construire l’hôpital a été détourné.

Derrière chaque crime économique, c’est des usagers de la route qui risquent leur vie à chaque fois qu’ils prennent le volant.

Parce que le réseau routier n’a pas été entretenu. Simplement parce que l’argent qui devrait servir à entretenir le réseau routier, à le développer a été détourné. Pour toutes ces raisons-là, il est normal que nous puissions avoir la main lourde.

On vous accuse également de régler des comptes politiques pour le pouvoir. Est-ce que c’est la machine à broyer les opposants de Patrice Talon ?

La plupart, c’est des personnes que j’ai poursuivies pour des Infractions Économiques. C’est des personnes qui se réclament non pas de l’opposition mais de la gouvernance actuelle.

Vous n’êtes pas une justice aux ordres ?

Pas du tout. Il n’y a pas eu depuis que je suis là, une seule procédure, une seule poursuite que j’ai voulue engager et j’ai été retenu par le bras politique. Il n’y en a pas une seule.

Quelle est l’image de la CRIET aujourd’hui dans l’opinion et même avec les avocats au départ, c’était une institution qui était boudée, contestée ?

Vous serez, on va dire notre miroir, pour savoir ce que nous reflétons, pour parler simplement des avocats. Vous savez qu’effectivement, il y en a qui ont sorti du véritable pamphlet contre la CRIET à ces débuts mais j’en connais parmi eux qui ont gagné leurs plus gros dossiers ici.

 La CRIET est indépendante ?

Totalement !

Alors, on apprend que la CRIET va déménager. Vous allez quitter Porto-Novo. Où seront les nouveaux locaux ? Et dans quel délai ?

Si tout va bien, à la rentrée judiciaire prochaine, c’est-à-dire en octobre prochain, on devrait pouvoir commencer à Cotonou, dans les anciens locaux de la Cour suprême à Ganhi.

La rédaction

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