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Chronique

Gilets-jaunes : Ce que l’on cache aux révoltés de France et de Navarre

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Leurs dirigeants ne leur disent pas que si leurs révoltes en chaîne finissent par être entendues et satisfaites peu ou prou, c’est parce que d’autres sont interdits de bien-être par les textes de la civilisation et par les actes induits par ces textes. Enfermés dans le village mental de l’analphabétisme, les Africains ne peuvent analyser le mécanisme qui les laisse à la traîne alors qu’on étale au-dessus d’eux des textes nombreux aux très bonnes intentions.
Les 17 articles de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le 16 août 1789, ne comportent certes pas tout, mais ils n’envisagent surtout pas l’abolition de l’esclavage. N’étant pas des êtres humains, les Noirs esclaves ne pouvaient pas être concernés par les droits de l’homme, pas plus que par la théorie du droit naturel. Le texte-lumière de la Mère des Révolutions a fait l’impasse sur les Nègres souffrants en régime d’esclavage. Plus tard, Napoléon 1er trouvera si saugrenue l’abolition de cet esclavage qu’il renverra les Noirs à leurs chaînes. La Déclaration universelle des droits de l’homme en 30 articles par l’ONU, le 10 décembre 1948, reconnaît et approuve, à l’alinéa 2 de l’article 2, l’existence de ‘‘pays ou territoire… indépendant, sous tutelle, non autonome ou soumis à une limitation quelconque de souveraineté’’. En 1948, pour l’ONU, les peuples ‘‘soumis’’ devaient le rester. Certes l’article 4 enfonce une porte ouverte en affirmant l’interdiction ‘‘sous toutes leurs formes’’ de l’esclavage et de la servitude. Mais en 1948, l’ONU n’assimile pas à une servitude la colonisation d’un pays par un plus fort que lui. Entre ces deux grandes Déclarations des droits de l’homme, la française et l’universelle, s’est glissé, en 1848, le Manifeste du parti communiste, venu ‘‘souder en un seul bloc les forces vives du prolétariat d’Europe et d’Amérique’’. Bien évidemment, Marx et Engels n’ont aucun mot pour les Noirs esclaves travaillant à enrichir l’Europe et l’Amérique. Ce n’étaient pas des hommes mais des bêtes de somme contribuant à grossir le capital. Créateur des idées éclairant le monde, l’Occident ne comptabilise pas le travail du bétail. Fidèle à l’idée du Nègre-bétail, le général de Gaulle créa en 1960 la Françafrique qui, au travers du franc CFA et des ‘‘accords secrets’’, maintient sous tutelle les pays africains naguère colonies françaises, leur enlève le pain de la bouche, et les livre de très bon cœur à ‘‘l’action humanitaire’’. Si depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, de Gaulle est le grand inspirateur de la politique française, la Françafrique par lui instaurée est la Bible de tout politicien français patriote. Pour la grandeur et le bonheur de la France, Macron ne supporte pas le clivage droite-gauche, Mélenchon ne supporte plus la Cinquième République, Le Pen ne supporte pas les étrangers, et surtout pas les Noirs. Mais pour la grandeur et le rayonnement de la France, patriotisme oblige, tous supportent la Françafrique, c’est-à-dire le franc CFA et les ‘‘accords secrets’’ qui font de l’Afrique la vache à lait de la France, autant que terre de galère, enceinte d’épidémies et de guerres idiotes.
Or l’on cache aux Français cet aspect de l’âpre vérité. Nul n’ose expliquer aux ‘‘Gilets-Jaunes’’ et à leurs semblables révoltés que, clochards dans une France coupée de l’Afrique, ils ne pourraient rien revendiquer, car ils doivent en partie leur train de vie à une Afrique fabriquée canard boiteux par de Gaulle et maintenue tel par ses successeurs. Mais à force de travailler à faire boiter les canards tout en se maintenant à leur tête pour paraître grande, heureuse et admirée, la France pourrait devenir, elle-même, canard boiteux. Il faut craindre la claudication de la France-Afrique. On n’est peut-être pas loin de l’effondrement du cheval avec celui qui le monte. Il est donc urgent que la Françafrique s’engage sur la voie du bien-être partagé. Il est urgent, pour l’Afrique et pour la France, de ‘‘faire quelque chose pour le bonheur’’, Albert Camus dixit. Quelque chose pour le bonheur de tous en France-Afrique.

Roger Gbégnonvi


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