À Abomey-Calavi, une ville voisine de Cotonou, capitale économique du Bénin, Gérard Vidégni, un homme de terrain, continue d’exercer le métier de puisatier avec des outils rudimentaires. Un savoir-faire hérité d’un apprentissage de longue haleine, et une passion qui persiste malgré la modernisation de la profession avec les machines de forage.
En plein mois d’octobre, sous un soleil de plomb, Gérard Vidégni, vêtu uniquement de sa peau, s’enfonce dans un trou de 25 mètres de profondeur, armé de sa pioche et de sa pelle. Ce quadragénaire, qui a consacré sa vie à creuser la terre pour en extraire l’eau, ne se laisse pas intimider par la chaleur ou la fatigue. Chaque jour, il met son énergie au service de ce métier ancestral qu’il exerce à d’Abomey-Calavi, au Bénin. Mais dans un pays où l’utilisation des machines de forage s’impose peu à peu, Gérard demeure un défenseur de l’art traditionnel du creusage manuel.
De l’apprentissage à l’indépendance
Originaire de Hêvié, une localité de la commune d’Abomey-Calavi, Gérard Vidégni a appris le métier de puisatier dès son jeune âge. Formé pendant plusieurs années par un expert du domaine, il est désormais à son propre compte depuis trois ans. « Le métier de puisatier consiste à forer des puits, creuser des puisards et des fosses. J’ai appris cela il y a 30 ans et je travaille en tant que patron aujourd’hui », raconte-t-il avec une simplicité impressionnante.
Cependant, contrairement à d’autres métiers, l’apprentissage du métier de puisatier ne donne droit à aucun diplôme officiel. « Nous n’avons pas de certificat ou d’attestation formelle. Au lieu de cela, on reçoit des bénédictions sous forme de prières de ceux que l’on a servis. C’est ce qui nous prépare à commencer notre propre activité », ajoute-t-il.
Un travail exigeant et périlleux
Avec ses outils rudimentaires —pioche, pelle, seau suspendu à une corde— Gérard doit puiser dans ses réserves d’énergie pour effectuer un travail qui exige à la fois force physique et endurance. Un travail quotidien, qu’il effectue en moyenne entre cinq et sept mètres de profondeur chaque jour. “Dans des endroits comme Tori-Bossito, j’ai dû creuser jusqu’à 50 mètres pour atteindre la nappe phréatique”, précise-t-il, soulignant l’adaptabilité du métier aux particularités des sols béninois.
Les risques de ce travail sont multiples. La chaleur écrasante, le manque d’oxygène à grande profondeur et les glissements de terrain en cas de pluie sont des défis constants. « Lorsqu’un puits devient profond, l’air se fait rare. On utilise un souffleur pour faire entrer de l’air frais, sinon la chaleur devient intenable », explique Gérard. Il installe également des marches pour faciliter sa remontée à la surface après une journée de travail éprouvante.
Une autre difficulté qu’il rencontre régulièrement est la sous-évaluation de son travail par les propriétaires. « Pour un puisard, je fais payer le mètre à 3 500 FCFA, mais certains clients négocient le prix jusqu’à 50 % de réduction, ce qui rend le travail difficilement rentable. Mais parfois, on doit accepter pour ne pas perdre la journée », déplore-t-il.
L’avenir face aux machines modernes
Malgré ces contraintes, Gérard Vidégni persiste et signe. Le puisatier passionné continue de pratiquer son métier avec la même ardeur. Cependant, il se trouve désormais confronté à la montée en puissance des machines de forage, plus rapides et plus efficaces. Ces dernières, bien que coûteuses, sont de plus en plus présentes dans les grandes villes béninoises.
Mais pour Gérard, la qualité du travail manuel, la rigueur et la patience du métier sont inégalées. « C’est un travail dur, mais j’aime ce que je fais. Cela fait 30 ans que je creuse, je connais la terre comme ma poche », conclut-il, un sourire modeste sur les lèvres.
Dans un monde où la modernité semble tout emporter sur son passage, Gérard Vidégni, lui, continue de faire jaillir l’eau à la force de ses bras et de son savoir-faire, un métier de terre qui reste encore la source de vie pour des milliers de Béninois.