Aqmi, Boko-Haram, coronavirus, cyclones, Ebola, réchauffement climatique, etc., que peut l’individu contre ce déferlement de malheurs sur la terre ? S’il ne peut rien, comme il se le murmure en remuant la tête et en baissant les bras, va-t-il donc se laisser emporter par l’une ou l’autre furie en vénérant la fatalité, se laisser immoler sur quelque autel de nos égoïsmes et de nos intolérances en tremblant de résignation ? Non, dans « le plus petit canton de l’univers », tout individu peut quelque chose pour enchanter la terre afin que, d’un canton à l’autre, le bruit se répande que l’homme est bon et qu’il s’améliore. L’individu arrachera le monde à l’apocalypse grâce aux bonnes incantations et aux mantras idoines.
Car, dit l’évangéliste, « Qui veut gagner sa vie la perdra » (Luc, 17/33). La vie se gagne ensemble ou se perd. L’adage le dit aussi : « A force de bousculade autour du foyer pour être celui qui va y faire cuire sa part de maïs, le feu s’éteint ». Courroucés, tous s’en retournent avec leur maïs non cuit. Et la somme des colères érige la pierre sur laquelle nous aiguisons les couteaux de Boko-Haram et d’Aqmi. Alors qu’il eût été possible d’attendre son tour, négocier avec les voisins, s’entendre avec eux, et revendiquer ensuite la satisfaction morale d’avoir contribué à la solidarité, à la justice, à la paix, gages de prospérité pour la cité.
Car, dit Benjamin Franklin, un des modèles de Barack Obama, « Je préfère qu’on dise ‘‘Il a vécu utilement ‘’ plutôt que ‘‘Il est mort riche’’ ». La communauté internationale a fait œuvre utile en fixant un seuil intolérable de la pauvreté. Mais elle aura oublié son corolaire ou n’a pas su à quel niveau mettre le curseur. Il revient dès lors à chaque individu de se fixer son seuil intolérable de l’enrichissement, dans l’intérêt de son canton et donc du sien. Il peut le faire aujourd’hui en voyant la terre entière aux prises avec le réchauffement climatique, dont il n’accusera pas les autres. Tous doivent conjuguer les efforts pour trouver solution à ce désordre planétaire. Et puisse l’individu entendre toujours le Fou de l’adage, face au grand marché d’Abomey : « Oh ciel ! Que de travail la mort devra abattre ! » Hundjro a fait son plein de foule. Les transactions vont bon train. Alors le Fou, qui toujours tranche dans le vif, prononce l’imparable verdict : tous mourront ! Mais puissent-ils, avant que de mourir, avoir su éviter toute transaction porteuse d’Ebola, de coronavirus, etc. Tout individu peut contribuer à ce que les hommes meurent en bonne santé, seulement fatigués de vivre.
Car, dit Elisabeth Leseur, « Toute âme qui s’élève, élève le monde ». Etre modèle d’élan et non d’enlisement. C’est aussi l’avis de l’écureuil de l’adage. Après avoir pissé dans le Nokoué, il s’en alla proclamer, fier comme Artaban : « J’ai fait ma part du boulot pour que notre grand lac jamais ne manque d’eau. » Et il est vain de le trouver ‘‘gonflé’’, de lui opposer l’insignifiance de son apport, de l’agonir au motif que ce ne fut même pas un don mais un bon débarras. Justement, et si nous en étions un peu tous là ? Qu’avons-nous, en effet, que nous n’ayons reçu et que nous ne puissions partager ? Partager sans attendre la gêne du superflu. « Connaître la honte en face d’une misère qui ne semblait pas dépendre de soi. » Exorciser la honte en se mettant dans la cordée pour l’essor de l’homme. Antoine de Saint-Exupéry dit que c’est en cela que consiste ‘‘être homme et responsable’’.
Naguère on disait que la misère qui avance n’avance pas vers la mer, mais vers les hommes et les femmes qui peuplent la terre. Notre actualité dément l’assertion : la misère avance aussi désormais vers la mer, tant et si bien que les poissons agonisent de nos égoïsmes et de nos inconsciences, et que les saletés que nous les obligeons à ingurgiter nous reviendront en plein estomac. Le salut du monde et le progrès de l’homme dépendent de notre choix des bonnes incantations et des mantras idoines. Ils existent. Chérissons-les.