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[Chronique Roger Gbégnonvi]: Florilège des dégâts de l‘âge

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En ce temps de formulation mécanique des vœux débités jusqu’au 31 janvier, on viendrait mal à propos de ne pas joindre ‘‘santé’’ et ‘‘longévité’’. La santé, aléatoire, est au service de la longévité, obligatoire. Or pour le psalmiste, prophète de Yahvé, ce dernier a fixé une limite de décence à la durée de vie des hommes : « Le temps de nos années, quelque soixante-dix ans, / quatre-vingts, si la vigueur y est ; / mais leur grand nombre n’est que peine et misère » (Ps 90/10). On en conclut que les patriarches bibliques censés avoir battu des records à la Mathusalem, c’est une aimable légende. Chateaubriand a très bien compris le psalmiste quand il a écrit que « La vieillesse est un naufrage. » De Gaulle a repris à son compte l’assertion pour agonir Philippe Pétain, coupable d’avoir capitulé devant Hitler après avoir été le héros de la guerre 14-18. Pétain traître à la France ? Ou trahi par ses 84 ans en 1940 quand il revint pour sauver la France ? En tout cas, et comme s’ils avaient été entendus cinq sur cinq par le Seigneur de leur foi et de leur espérance, Chateaubriand et de Gaulle sont morts tous les deux à 80 ans, délai limite de convenance voulu par Dieu, après quoi l’homme ou la femme basculent en zone de peine et misère, avec possibilité de naufrage.
Avant Chateaubriand au XIXème siècle, le poète Ronsard, au XVIème, avait prié pour que la mort vînt lui épargner cette zone de trop-plein, propice à l’errance et á de sombres turbulences : « Je te salue, heureuse et profitable Mort, / Des extrêmes douleurs médecin et confort ! / Quand mon heure viendra, Déesse, je te prie, / Ne me laisse longtemps languir en maladie, / Tourmenté dans un lit ; mais, puisqu’il faut mourir / Donne-moi que soudain je te puisse encourir,…  » Au XXème siècle, Léo Ferré chantera la chanson devenue culte et reprise par de nombreux autres poètes chansonniers : « Avec le temps, va, tout s’en va… »
Léo Ferré parlait ainsi de la débandade qu’entraîne le trop-plein d’âge, débandade que vit et chuchota un garçonnet, au XXIème siècle, en 2018, sous la voute d’une Basilique : « Papa, regarde ! Le pépé a fait pipi ! » Car, lorsque le vieillard s’ébranla vers la Sainte Hostie, l’enfant de six ans surprit une mouillance dans sa région fessière. On se renseigna plus tard. Non, le presque nonagénaire n’était pas la proie d’Alzheimer, mais pressé d’aller célébrer l’Immaculée Conception, il avait oublié les couches que lui avaient ramenées ses 88 ans, comme au temps de sa tendre enfance. L’incongrue mouillance illustre l’adage prisé par les Béninois : « Le mort a tort, car il s’est privé de voir des évolutions étranges ! » Mais est-ce une joie que de vivre longtemps pour voir le prochain et soi-même s’abîmer littéralement ? Non ! Voilà pourquoi, en pleine eucharistie et dans une divine discrétion, le ci-dessus papa martyrisa le doigt montreur et tortura les lèvres mauvaisement remuantes. Cette censure tard venue fut quand même la bienvenue, pour empêcher les enfants de regarder et de narrer les exploits des pépés en peine et misère sur les chemins de croix du trop-plein d’âge.
Pour épargner aux vivants tribulations et débâcle prévisible causées par ce trop-plein d’âge, le panthéon gréco-romain prend parfois les devants : « Ceux que les dieux aiment meurent jeunes. » Mais voilà ! Personne ne veut mourir jeune et beau. Tous rejettent l’offre sublime des dieux de l’Olympe. D’ailleurs le présent florilège des dégâts de l’âge nous motivera au combat. Nous combattrons la mort jusqu’à mourir, incantations à la bouche, rosaire à la main, sourds à la sage interrogation de Bossuet : « Qu’est-ce que cent ans ? Qu’est-ce que mille ans, puisqu’un seul moment les efface ? » Et alors ? Nous tenons à la vie. Morbleu ! La vie abondante et longue. Longue et abondante. La mort ? Un aller simple à la vie sans fin, à la vie éternelle. Opportune croyance qui nous remplit d’aise, nous rend fiers comme Artaban, heureux comme Alice au pays des merveilles. Oui, nous sommes heureux.

Roger Gbégnonvi

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