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Au nom des Africains qui se noient en mer Méditerranée [Chronique Roger Gbégnonvi]

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Et qui s’y noieront encore, hélas, nombreux subsahariens, à cause de l’impéritie des nouveaux grands chefs d’Afrique (GCA) qui n’ont pas juré de « couvrir de noms de gloire [nos] noms d’esclaves » (Césaire). Si les anciens GCA avaient aimé l’Afrique, ils n’auraient pas vendu leurs sujets africains pour des bibelots, ils les auraient troqués contre des portions du territoire Euramérique, et il y aurait aujourd’hui des Départements d’Afrique d’Outre-Mer, lointaines excroissances de la terre africaine. Rêve jamais rêvé par les anciens GCA. Et les nouveaux GCA sont aussi sans vision puisqu’ils laissent leurs concitoyens africains aux mains de la mafia des passeurs qui les emmènent s’entasser à Lampedusa ou à Calais, quand ils ne se sont pas noyés en mer Méditerranée avant d’arriver à quai pour devenir objets de mépris et de quotas entre pays de l’Union Européenne, objets errants que les Européens se rejettent avec un dédain dont ne s’émeuvent pas les nouveaux GCA, venus « prendre la place des Blancs et continuer, en lieu et place, je veux dire sur le dos des nègres, à faire le Blanc » (Césaire). Si l’on veut des preuves de ce surplace paresseux des nouveaux GCA, en voici trois, tout à fait vérifiables.

1.- En 2022, le mandant des nouveaux GCA saute dans un avion en direction d’un pays d’Eurasie en guerre pour supplier le chef d’icelui de ne pas couper la route du blé vers l’Afrique. Les nombreux féculents, céréales et légumes africains ? Boff ! Les nouveaux GCA veulent que l’Afrique mange le pain du Blanc, et leur mandant s’en va le quémander avec cynisme. 2.- Si les nouveaux GCA ont lu (!) Edgard Pisani, ils savent que « C’est péché que de n’exporter que de la matière première. Qu’elle soit industrielle ou agricole, celle-ci doit recevoir sur place une première, puis bientôt une seconde transformation… » N’ayant pas de vision d’avenir, les nouveaux GCA envoient les nombreuses matières premières d’Afrique aller créer des emplois nouveaux nombreux en Euramérique, pour que chômage et précarité restent seuls en partage aux Africains, jeunes et moins jeunes. 3.- Pendant des décennies de chefferie solitaire, le surintendant du Blanc n’a créé chez lui aucun centre de santé performant. Mais il dispose de tout l’argent du pays. Quand donc il tombe malade du farniente quotidien à outrance, il va se faire soigner à grands frais chez le Blanc, quitte à défunter chez lui : Senghor en France, Sékou Touré aux Etats-Unis, OmarBongo en Espagne, etc. Et ils sont peut-être en bonne compagnie puisque « Le roi [Béhanzin] est mort en exil ». Mais c’est une autre histoire. Ce qui, néanmoins, réunit Béhanzin et les nouveaux GCA, c’est le rapatriement de leurs dépouilles mortelles, si l’on croit que ces dépouilles restituées par le Blanc sont les bonnes : certains cercueils dûment zingués n’ont pas été ouverts avant inhumation, alors qu’ils ne comportaient pas la lucarne convenue pour regarder furtivement le gisant. Authentiques ou pas, ces cadavres réexpédiés font de l’Afrique un cimetière pour les restes mortels de Béhanzin et des nouveaux GCA, restes dont le Blanc ne veut absolument pas chez lui. Ils sont donc mis en terre en Afrique, chez eux.

Or les Africains qui se noient en mer Méditerranée n’ont pas droit à cette ultime délicatesse. Fuyant le relatif malheur africain, ils rencontrent le définitif malheur sous-marin. Quant aux rescapés, après le séjour d’enfer à Lampedusa ou à Calais, ils deviennent cueilleurs de tomates, balayeurs de rue, « d’assez piètres laveurs de vaisselle, des cireurs de chaussures sans envergure » (Césaire). D’énormes risques pour satisfaire, en Afrique et en Euramérique, à ce que Césaire appelle « l’affreuse inanité de notre raison d’être ». Et les nouveaux GCA ne s’indignent pas. Les futurs GCA devront s’indigner et prendre dès aujourd’hui la mesure de leur mission de demain. Les GCA de demain seront en charge d’Africains au travail chez eux, en Afrique. Dès aujourd’hui, « il faut bien commencer. / Commencer quoi ? / La seule chose au monde qui vaille la peine de commencer : / La fin du monde parbleu. » (Id). La fin du monde d’emprunt pour les premiers pas de l’Afrique ressuscitée à la responsabilité et à la dignité.

Roger GBÉGNONVI

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