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Femme et malheur au Bénin et ailleurs [Chronique Roger Gbégnonvi]

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Deux histoires récentes, appartenant au quotidien des mères béninoises, amènent à s’interroger sur l’origine du malheur millénaire de la femme. Malheur programmé, puisqu’il est écrit dans le second récit de la création du couple : « Yahvé Dieu fit tomber une torpeur sur l’homme, qui s’endormit. Il prit une de ses côtes et referma la chair à sa place. Puis, de la côte qu’il avait tirée de l’homme, Yahvé Dieu façonna une femme et l’amena à l’homme » (Gen, 1/21-22). Le motif de la création de la femme et le mode singulier de sa création font d’elle la propriété exclusive de l’homme. C’est du moins ce qu’a compris le mâle béninois qui, alors même qu’il ne lit ni n’écrit, a intégré d’instinct que la femme est une servante à lui livrée et qu’il peut en disposer à sa guise, parce qu’elle lui est redevable telle une employée envers son employeur. Cette saisie instinctuelle pourrait accoler un bémol à l’acte créateur prêté à Yahvé Dieu, au sens où le mâle, depuis toujours, s’impose et impose sa volonté, quitte à faire de Yahvé Dieu la source et l’animateur premier de son instinct de domination. Mais abonder dans ce sens, c’est contester la vérité des paroles, des faits et gestes portés par les textes dits sacrés. Cela ne se fait pas. Plutôt les deux histoires illustratives de la manière employeur-employée.

Jeune étudiante, la belle Naphi s’est laissé séduire par l’entreprenant richissime Sympho qui fait bien ses 60 ans. Elle devient membre de son harem disséminé à travers la cité. A l’usage, Sympho s’avère très peu généreux. Mais reculer signerait le triomphe des parents opposés à ce qu’ils ont appelé une mésalliance. Naphi reste. S’en suivent deux naissances. Et voici Sympho rattrapé par le fisc avec lequel il n’a jamais été au clair. Il prend la tangente. De loin en loin, il réapparaît, jette 20.000 f sur la table délabrée de la cuisine, et ordonne à Naphi : « Nourris tes enfants avec. Ou alors, tu dégages en les emmenant où tu veux. Je t’ai assez vue. Tu ne m’as été d’aucune chance dans mon existence ». Naphi a aujourd’hui 31 ans.

Après 13 ans de bons et loyaux services et deux naissances, Saphir est virée par son employeur de mari. Six ans à l’ombre de sa mère avant de trouver un repreneur à qui elle donne trois enfants. Un matin, suite à une scène de ménage ordinaire, le repreneur éclate et ordonne à Saphir : « Prends avec toi tes trois bâtards et sors d’ici ! ». Saphir répond qu’elle n’a pas où aller. Au milieu des coups et blessures, Saphir reste. Alors un jour, l’employeur disparaît sans adresse. Saphir laisse son aîné de 17 ans compléter l’histoire afin de rassurer qu’elle n’en rajoute pas : « De jeudi à dimanche, Maman va dans les lieux où l’on fête les morts. Elle se fait passer pour une invitée et mange bien. Et pour que mes sœurs et moi ayons à manger à la maison, elle empile de bonnes choses dans son gros sac à main. » Saphir a aujourd’hui 42 ans.

Saphir et Naphi sont la raison pourquoi le mâle béninois vénère sa Maman comme une Madone. Il l’a toujours vue toujours se pencher vers lui pour l’élever. Par charité, il oublie le père, souvent entendu crier sur Maman : « Tu arrêtes, sinon je te cogne ! » Et il cognait. Si Maman se montre toujours gaie, c’est pour tromper « l’habitude du malheur ». Un malheur tel que le mâle lui-même s’en alarme. Il a créé la Journée Internationale de la Femme et, au Bénin, l’Institut National de la Femme. Pour des soins palliatifs. Car le mal est d’un ordre autre. Le malheur de la femme est sanctuarisé par les texte dits sacrés qui font d’elle la dernière des créatures intelligentes et conscientes, arrivée après que l’homme, en présence de Yahvé Dieu, « donna des noms à tous les bestiaux, aux oiseaux du ciel et à toutes les bêtes sauvages. » Or le mâle ne veut pas écarter ces textes dits sacrés qui font de la femme sa servante obligée.

La révolution vertigineuse dont le mâle ne veut pas, l’Intelligence artificielle et le Transhumanisme la feront. Ils renverseront les tables de l’ancienne loi, bouleverseront sciences, croyances et connaissances rancies. Ils feront, peut-être, place à une spiritualité sans Messie, à une civilisation sans féminicide. L’homme, le mâle, a besoin de se bonifier.

Roger GBÉGNONVI

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