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Cybercriminalité au Bénin et déroute morale [Chronique Roger Gbégnonvi]

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Un dialogue en demie teinte qui pousse à une enquête informelle. Le dialogue, c’est un sexagénaire respectable, qui vous pose la question inattendue de savoir pourquoi l’Etat s’en prend aux cybercriminels. Choqué, vous vous taisez. L’homme, alors, précise sa pensée : « Les Européens nous volent. Ils nous pillent. Usant d’intelligence et d’Internet, nos fils et filles rapatrient une mince partie du butin. Pourquoi les pourchasser ? » Ayant repris vos esprits, vous répliquez : « Nous devons donc corriger le vol par le vol, le pillage par le pillage ! » L’homme baisse la tête sans se rétracter. Son trouble et sa sincérité vous en imposent et vous conduisent, les jours suivants, à une enquête informelle. Et vous découvrez que votre interlocuteur est le porte-voix de moult Béninois, dans la couche sociale moyenne majoritaire.

1.- Béninois lambda : – Les cybercriminels ramassent l’argent des autres, et c’est parfait. L’autre jour l’un d’eux aurait arnaqué pour des millions de nos francs déposés sur des comptes bizarroïdes. Sur le Net, il a vendu à un riche Européen une jolie villa avec, à l’entrée, notre belle Amazone. A son arrivée, l’heureux acquéreur s’établira dans une Suite de l’un de nos Cinq-Etoiles, d’où il contemplera notre splendide Amazone, toujours à sa place. Où est le problème ?

2.- Propriétaire de maisons louées : – Mes cybercriminels ? Des enfants formidables et de très bons locataires. Tu demandes 3 mois d’avance sur loyer, ils t’en imposent 10 et payent cash. Et ils organisent des fêtes auxquelles ils invitent la famille et les voisins. Et le champagne se substitue à la bière. Le champagne ! Inabordable depuis la terrible dévaluation du CFA. Les cybercriminels vous le font couler à flot lors de fêtes sans motif. Des mafiosi délicieux. Ils t’annoncent parfois : « Papa, on se met à l’abri quelque temps loin d’ici : la police va s’intéresser à votre zone. » Ils payent pour être informés. Déroute morale ? D’accord, mais… !

3.- Maman d’une demoiselle : – Les cybercriminels ont l’argent, la vraie vérité des femmes. Prise par un cyber, adieu la galère. Ma Lydia le sait depuis qu’elle s’est arrimée à l’un d’eux. Seule, je n’aurais pas pu en faire une poupée métisse. J’ai connu ça. Gommer à fond tout le noir demande environ 100.000 f. par trimestre. Sans les lotions quotidiennes pour contrer l’apparition de taches indésirées. Le chéri cyber de Lydia fait aussi le bonheur de Maman-Lydia.

A cette triple couronne, une seule épine : – Les cybercriminels usent de gris-gris forts, qui réclament parfois du sang humain. Ça, pour tous, c’est mauvais. Mais tout le reste est bon.

Tout le reste, c’est ce qu’on a appelé ailleurs « le ruissellement » et que l’adage au Bénin énonce « quand la barbe est imprégnée, le menton l’est ». Et tout le corps en profite. Mais l’adage sous-entend, de façon absolue et non facultative, que l’objet de l’imprégnation est de l’ordre du miel ou du parfum honnêtement acquis, jamais de l’ordre du venin ou du sang criminel. C’est donc en vain que certains Béninois ne veulent retenir que cyber. Non !, c’est cybercriminalité, un crime à combattre avec la dernière rigueur au niveau des trois corps physique, métaphysique et social. Les familles, encore dignes de ce nom, sont en charge du niveau physique individuel. On devrait pouvoir compter sur les instances religieuses pour les niveaux métaphysique et social. Hélas, elles aussi ont mordu à l’hameçon de la déroute morale en ne s’inquiétant jamais de la provenance de l’argent qu’on leur donne en abondance, pour un prétendu amour de Dieu. Il y a fort à parier que Dieu se soit retiré de certains lieux réputés saints : Dieu en fuite, incommodé par le blanchiment d’argent sale sous son nez et à sa barbe.

Reste l’Etat pour combattre aux trois niveaux la cybercriminalité et les cybercriminels. Les combattre par perquisitions, interpellations, auditions, incarcérations. Pour que le Bénin ne redevienne pas ce qu’il fut une fois déjà, trou béant de la corruption et de l’argent facile volé impunément dans un pays déserté par la morale. Nous voulons un Bénin rénové, prospère et accueillant, à force de combat pour la plus grande intégrité possible partagée par tous.

Roger GBÉGNONVI

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