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Pourquoi le Vodun dahoméen ne peut aider le Bénin [Chronique Roger Gbégnonvi]

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Les temps sont favorables pour le Vodun, au sens où, instruit et cultivé, membre d’une Eglise établie et /ou d’une Ecole ésotérique, on ne s’embarrasse plus de pudeur pour afficher son adhésion au Vodun censé offrir un bel arsenal pour « La guerre des choses dans l’ombre ». La fin des absolutismes et l’avènement d’un relativisme généralisé permettent de ne plus se cacher. Et le 10 janvier, décrété « Fête des religions endogènes », aura fait le reste pour ennoblir le Vodun. Ladite fête est pourtant à l’origine de deux illusions en même temps qu’elle jette un voile sur les deux faiblesses majeures du Vodun. Illusions et faiblesses qui ne font pas de lui un tremplin pour « la République du Bénin, une et indivisible, laïque et démocratique ».

La première illusion est la fausse unité du Vodun. Le Vodun est un toit sous lequel s’abritent moult divinités venues de divers horizons au nom du double principe que « Est Vodun ce que l’homme proclame Vodun » et que « Le Vodun est toujours posé sur la tête d’un individu », libre à lui de le transporter où il veut. Loin de toute unité doctrinale, le Vodun accepte la plus grande diversité possible comme trait identitaire. De fait, chaque prêtre Vodun est maître absolu de son couvent. La seconde illusion est la fausse carte d’identité nationale conférée au Vodun par le 10 janvier. Or si l’on essaye de solenniser cette fête à Bembérêkê, Natitingou, Malanville, etc., on s’aperçoit de la maldonne. Les natifs de ces villes ne se sentent pas concernés par la mosaïque Vodun d’Abomey, Allada, Ouidah, etc. Pour la guerre des choses ils ont leur propre arsenal qui pourrait faire pâlir l’arsenal Vodun. Sans avoir été prêché par des missionnaires zélés, mais transporté par des esclaves torturés, le Vodun s’est retrouvé outre-Atlantique, faisant croire à fascination là où il y a illusion itinérante non conquérante.

Illusions susceptibles de présenter le Vodun comme une grande religion, à même d’inspirer une grande civilisation. Or, sur fond de bouc émissaire pour apaiser la divinité, les deux grandes religions connues et pratiquées par les Béninois sont d’abord portées par des rites sacrificiels grandeur nature et surnature. Obéissant au Très-Haut, le centenaire Abraham s’en va lui offrir en holocauste son seul fils légitime. Les consciences se bonifiant, le fils d’homme sera remplacé par un bélier. Une fois l’an, partout dans le monde, on égorge force moutons en souvenir du sacrifice au pays de Moriyya. Plus tard, le Père Céleste lui-même envoie son Fils unique sur terre souffrir et mourir pour « enlever les péchés du monde » et apaiser ainsi la colère du Père. Le Fils est ressuscité. Mais une fois l’an, partout dans le monde, on célèbre sa mort. Au regard de ces rites sacrificiels grandioses, le Vodun fait piètre figure avec, ici et là, un poulet ou un cabri égorgés, et, parfois, un homme entier enseveli sous le gros tertre, son autel. En plus des rites sacrificiels haut-de-gamme, les deux grandes religions connues et pratiquées par les Béninois sont portées par le texte. L’écriture renforce la pensée et la structure. Elle peut donner à croire possible et réalisé ce qui ne tombe pas sous le sens.

Sans le socle des rites sacrificiels portés par le monde et sans la puissance de l’écriture, le Vodun reste une religion domestique, incapable de porter haut et loin les Béninois. Mais ils n’ont pas besoin de s’inventer une religion conquérante, qui s’exporterait et porterait le progrès. Pour calmer l’esprit, ils gardent les religions qu’ils ont. Pour enchanter l’esprit et les corps, ils marchent chaque jour vers plus de progrès. Ils marchent et créent en mettant toute religion au service de la marche et de la création. Ceux d’entre eux qui croient au Père Céleste Créateur ont devoir de l’aimer et de l’aider, marchant et créant sur la ligne tracée par le père Teilhard de Chardin : « Nous nous imaginons peut-être que la Création est depuis longtemps finie. Erreur, elle se poursuit de plus belle […] Et c’est à l’achever que nous servons, même par le travail le plus humble de nos mains. » Or donc, ce travail le plus humble pourrait consister à tirer du Vodun quelque part de lumière à mettre au service du progrès de tout homme.

Roger GBÉGNONVI

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