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Réseaux sociaux et manipulation du citoyen [Chronique Roger Gbégnonvi]

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Le parti-pris de manipuler semble inhérent au métier d’informer, de modifier par l’apport d’éléments nouveaux et extérieurs une forme en présence. En ce sens, l’enseignant manipule son élève, d’une manipulation voulue et aimée. Le mot devient suspect en son sens journalistique, car le journaliste le plus objectif ne rapporte d’un événement qu’un seul aspect, celui qu’il croit digne d’intérêt et qu’il impose au lecteur, auditeur, téléspectateur. Il est, en ce sens, le créateur de l’événement qu’il rapporte, qu’il crée de par la manière dont il le rapporte, en respectant l’opinion de son organe de presse, opinion dite ligne éditoriale. Nécessité donc pour le citoyen averti de s’abreuver à plusieurs sources pour avoir du même événement un goût proche de la saveur originelle. Un nouvel organe de presse, rhizome incontrôlable sur le « boulevard de l’information » avec une claire conscience de son pouvoir thaumaturgique de création de tout événement de son choix, ce sont les réseaux sociaux. Ils ont vulgarisé le métier d’informer en faisant du tout-venant un journaliste potentiel, performant à loisir. Les électeurs béninois l’ont appris à leurs dépens lors des législatives du 28 avril 2019 et du 8 janvier 2023.
Avant les aurores du 28 avril 2019, entre 3h et 4h, entre Cotonou et Porto-Novo, dans des rues et sur des places vagues, ‘‘vu’’ par les réseaux sociaux, capté par tout smartphone muni des applications WhatsApp et consorts, voici un tapi de cadavres rouges de sang. Pas d’égorgeurs ou de fusilleurs en vue, rien que des corps étendus et des commentaires percutants laissant entendre en boucle, avant le lever du soleil, que les citoyens qui iraient voter risquaient de mourir, parce qu’il n’y avait plus de démocratie et que, d’ailleurs, on ferait la peau au Réformateur maudit s’il sortait de chez lui en ce jour fatidique de restauration, car « Le rétablissement du multipartisme intégral ou la mort ! Nous vaincrons ! » Dissuasif !
Changement de décor et absence de menace au matin du 8 janvier 2023. Les partis de l’opposition ayant réussi, enfin, à remplir les conditions draconiennes imposées par la loi et pouvant participer aux élections, les réseaux sociaux relayèrent des propos lénifiants et même des mots étonnamment doux à l’endroit du Réformateur maudit dont ils voulaient trouer la peau quatre ans auparavant. Mais ce 8 janvier 2023, à la nuit tombée, dès la fermeture de tous les bureaux de vote, en l’absence de tout institut de sondage fiable dont le Bénin ne s’est pas encore doté, les thaumaturgiques réseaux sociaux annonçaient le raz de marée de l’opposition politique, ultra majoritaire au Parlement où la défunte majorité présidentielle ne compterait plus qu’un résidu de rescapés. Si la vérité des urnes est respectée, et elle le sera – ils en étaient persuadés – chacun constatera le bouleversement du paysage politique. Persuasif !
Du déroulement de ces deux élections se dégagent trois leçons possibles. Première leçon : – Nonobstant dissuasion et persuasion par les réseaux sociaux, le citoyen béninois est allé voter ou s’est abstenu. Dans les deux cas, il a respecté les lois de la République et ses institutions démocratiques. Il n’aura cédé ni à dissuasion ni á persuasion. Liberté du citoyen béninois. Deuxième leçon : – Les réseaux sociaux ne tombent pas du ciel, ils sont manipulés par des mains manipulatrices d’argent pour imprimer à l’information une forme de leur choix. Comme dans un réflexe d’affirmation de sa liberté, le citoyen béninois aura résisté à la pression de l’argent. Troisième leçon : – Le matraquage utilisé par les réseaux sociaux pour imposer « la vérité, toute la vérité » rappelle celui des instances politiques, religieuses et autres instances doctrinales et dogmatiques. Comme dans un réflexe de préservation de sa liberté, le citoyen béninois aura montré de la vigilance à l’égard des oukases des réseaux sociaux.
Et voici le citoyen béninois en marche vers l’idéal entrevu au siècle des Lumières par Montesquieu : « L’homme de bien politique, qui a la vertu politique, qui aime les lois de son pays, et qui agit par l’amour des lois de son pays. » Le citoyen béninois révélé.

Roger GBÉGNONVI

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