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Comment l’homme aime Dieu fait homme ou pas [Chronique Roger Gbégnonvi]

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Un des films de la série Don Camillo. Tension très forte entre le curé et le maire communiste. L’un décide d’aller boxer l’autre. Soutane au vent et barrette en tête, il part en guerre après avoir retourné contre le mur le crucifix dans son bureau. Car son Maître, « doux et humble de cœur », doit ignorer la bagarre initiée par son serviteur pour le glorifier.

Dans la vie non fictionnelle, l’homme aime à aimer ce Dieu, aussi faible que lui, qui a besoin d’être aidé et que l’on ménage en ne lui imputant pas les violences humaines trop humaines perpétrées en son nom pour lui. A Bethléem, il fut, nourrisson, déposé dans une mangeoire d’animaux, dans l’indifférence des villageois courant après gîte et couvert pour eux-mêmes. L’homme se reconnaît dans ce tableau de vérité. Cette absence de générosité envers un bébé, c’est lui : la course à l’avoir entraîne l’aridité de l’être. Ce seront donc des anges au firmament qui apporteront du baume au cœur des parents du bébé dans la mangeoire en leur offrant un concert de gloire. Ce tableau impressionne l’homme. Il loue et félicite qui de droit. Il faut bien cette féerie pour que Noël soit. Trente-trois ans plus tard, parce qu’il avait trop souvent porté atteinte au conformisme ambiant, on l’arrêta, lui fit un faux procès, l’écartela sur un gibet après l’avoir bien fait souffrir avec l’accord des siens ou dans leur indifférence. « Dieu sanglant » ! L’homme se reconnaît dans ce tableau de vérité et d’atroce je-m’en-foutisme sur le mode : « Il n’avait qu’á penser et parler comme tout le monde ! » Il mourut et fut enseveli. Mais son innocence trouvant grâce aux yeux de l’Instance suprême, il ressuscita dans un corps lumineux qu’il emporta avec lui au ciel. Charmé, l’homme loue et félicite qui de droit. Il faut bien cette féerie pour que Pâque soit.

Au quotidien cependant, le croyant en Dieu fait homme reste fidèle aux tableaux de vérité en amont à Noël et à Pâque. Vers la fin du XXème siècle, les Rwandais, presque tous croyants en Dieu fait homme, marchent sur les brisées de leurs cousins germains nazis au milieu du siècle et ourdissent le deuxième génocide du XXème siècle. On fête Noël à Kigali, à Moscou et à Kiev, comme on fête « Noël á Jérusalem » en proie aux assauts d’Israël et d’Ismaël. Yahvé et Allah ne se sont pas faits homme. Ils ont néanmoins parlé. Et à lire leurs dires dans la Thora et le Coran, on s’aperçoit qu’ils valident les tableaux de vérité au travers desquels l’homme aime Dieu fait homme : justice du Talion, sabre et goupillon, guerre sainte et inquisition, supériorité du mâle et normalité de ses sévices sur la femme. Quant au Vodun béninois, analphabète et fruste, il nourrit la « mentalité des peuplades dahoméennes [à la] méfiance toujours en éveil vis-à-vis des adversaires vrais ou supposés ». La jungle !

Le problème, finalement, c’est l’homme éloigné du Vodun et de tout Dieu fait homme ou pas, et de tout Dieu ayant parlé sans s’être fait homme. « Misère de l’homme sans Dieu », dirait Pascal. Et il est vrai que, pour cet homme, le tableau de l’existence est dur. Dur de n’avoir pas d’Instance à qui devoir son souffle et sa vie. Dur de n’avoir ni Vodun ni Dieu servant de couverture à ses faits et gestes. Dur de n’avoir que sa conscience derrière ce qu’il nomme ses valeurs. Dur d’être obligé de se réinventer sans cesse pour ne pas sombrer. Si ce n’est pas le supplice de Tantale, c’est sans doute Sisyphe courant encore et toujours après sa pierre pour la remonter. Ou Albert Camus avouant, peut-être épuisé et préoccupé : « Pour nous qui ne croyons pas en Dieu, il faut toute la justice ou c’est le désespoir. »

Toute la justice est illusoire. Reste donc le désespoir. Ou s’en remettre à Dieu. Or les croyants en Dieu ou au Vodun n’échappent pas au désespoir. Sur ce tableau problématique de l’homme tragique, sur la dureté de ses tableaux en amont, il faut maintenant, dans « une immense espérance totalement humaine », écrire à tous : Joyeux Noël et Bonne Année.

Roger GBÉGNONVI

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