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Religions et développement de l‘Afrique [Chronique Roger Gbégnonvi]

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Une idée répandue en ces temps-ci par de nombreux Africains prétend que si l’Afrique est aux abonnés absents du développement, c’est pour avoir négligé ses coutumes et ses religions ancestrales. Soucieux du devenir de l’Afrique, ils insinuent qu’il suffit qu’elle rejette le mimétisme des gens heureux d’ailleurs, et retourne à ses pénates pour enclencher un développement propre à elle. Ainsi présenté, le tandem religion-développement séduit. Mais un rapide survol du passé remet les pendules à l’heure de la stricte vérité historique.
Sur la liste des pays développés, la France, proclamée par le Pape « Fille aînée de l’Eglise », et les Etats-Unis proclamant sur leurs billets de banque « In God we trust » (en Dieu nous croyons). Deux proclamations chrétiennes, sans que le christianisme ait fondé le développement de ces deux pays. Ils ont profité, entre autres, de l’esclavagisme et du colonialisme, qu’aucune religion n’interdit ni aux commerçants résolus ni aux soldats enragés. A la fois chrétien, esclavagiste et colonialiste, on peut envahir sans scrupule les peuples étrangers pour les soumettre, les éliminer au besoin, et piller leurs biens, au cri parfois de « Dieu le veut ! » Au XXème siècle, faisant écho à ce cri de bonne guerre, Hitler fera inscrire sur le ceinturon de ses soldats « Gott mit uns ! » (Dieu avec nous). Le Dieu chrétien en l’occurrence. Exit donc la religion comme facteur de développement de l’homme ici-bas. Compte tenu de ce qui précède, le développement se fait au canon et au fil de l’épée. Au demeurant, le chapelet chrétien ou musulman n’induit aucun développement matériel.
Le développement de la Chine n’a pas été induit par son bouddhisme importé ou son confucianisme local, deux sagesses aux allures de religion sans être vraiment religions. Le développement de la Chine, c’est Mao Tse Toung et ses soldats révolutionnaires, peu ou prou inspirés par Karl Marx, pour qui la religion est, par nature, anti-développement. L’Etat totalitaire fondé par Mao Tse Toung exige le don total de l’individu à la patrie : le camarade qui ne se prend pas en charge pour prendre en charge la patrie est condamné à mort et fusillé. Aux Etats-Unis, dont le capitalisme est total, le Yankee incapable de s’enrichir et d’enrichir tout uniment sa patrie se condamne lui-même à mort et peut mourir dans l’indifférence générale. Il est donc un fil entre totalitarisme socialiste chinois et total capitalisme américain : ce fil, c’est le travail. Ce que confirme à souhait le stakhanovisme, du nom du mineur russe Stakhanov. Citant l’écrivain français André Gide, le Petit Robert écrit que « Le stakhanovisme a été merveilleusement inventé pour secouer le nonchaloir ». Secouer le nonchaloir, c’est célébrer le travail, même le travail forcené, grâce auquel la Russie, tête de pont de l’ancienne URSS, est aujourd’hui un pays développé vers qui regardent des pays africains, déçus par une coopération qui les spolie et ne les enrichit pas.
Sur les chemins du développement, les pays développés ont dû soulever trois pierres. 1- Ils ont travaillé à unifier la foultitude des divinités : un seul Yahvé, un seul Jésus-Dieu, un seul Allah. 2- Ils ont travaillé à arracher toutes leurs langues à la fugacité de l’oralité pour les confier à la solidité de l’écriture. « Un privilège absolu de l’écriture », écrit Michel Foucault. 3- Ils ont priorisé le travail non-stop. Entreprendre. Inventer. Créer. Car la Transcendance, la religion, la foi en l’au-delà, ne sont pas facteurs de développement de l’homme ici-bas.
Sur les chemins du développement, l’Afrique devra soulever les trois pierres ci-dessus. Oui, « quelque chose qui, au besoin, par la force, oblige [ce peuple] à naître à lui-même, à se dépasser lui-même », écrit Aimé Césaire, aussi athée que Napoléon était croyant. A sa mort, les siens ont célébré le développeur que fut le député de la Martinique, maire de Fort-de-France. Aimé Césaire a beaucoup travaillé pour développer son île.

Roger GBÉGNONVI

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