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Sankara et la prévention du terrorisme [Chronique Roger Gbégnonvi]

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Dans Le Monde Afrique du 7 juillet 2022, une dame, habitant près de la frontière burkinabé, se confie au sujet des djihadistes : « On sait qu’ils sont là parmi nous. On apprend à vivre avec eux sans les provoquer. » Plus important, le journal ajoute que « selon plusieurs témoins, des jeunes sans emploi se sont vus proposer par des djihadistes 100.000 francs CFA par semaine (quelque 150 euros) en échange d’informations ». Les djihadistes recrutent donc parmi les jeunes en proie au chômage. A 100.000 f par semaine pour des informations, on est sans emploi mais riche. Et l’on passera volontiers du côté du payeur pour être plus riche encore en répandant le malheur chez soi, au village, sur ses parents. Pour beaucoup d’argent. Allah n’est plus qu’un alibi. Faux djihadisme, mais vrai terrorisme. L’histoire retient que l’immense terrorisme nazi qui a failli détruire l’Europe n’a pas eu seulement pour cause la haine du Juif mais également six millions de chômeurs allemands. Le chômage des jeunes sert de terreau à leur lavage de cerveau et à leur embrigadement par des gens sataniques.

Il revient aux dirigeants africains de gouverner de façon à épargner à l’Afrique le terrorisme djihadiste, ce nazisme à échelle réduite. En 1985, dans une longue interview intitulée Oser inventer l’avenir, Thomas Sankara établit le diagnostic pour s’attaquer au mal, comme s’il voyait ce qui pourrait arriver à son pays si ses dirigeants s’en tenaient à une gestion à la petite semaine. Question : « Quand on a un budget de 58 milliards de francs CFA dont 12 sont affectés à la dette, est-il réellement possible d’avoir un plan et une stratégie ? » Réponse : « Oui, mais on pose simplement et très brutalement la question du choix entre le champagne et l’eau… Qui sont ces 30.000 fonctionnaires ? Des gens comme moi. Prenez mon cas : sur 1.000 enfants nés la même année que moi, la moitié sont morts au cours des trois premiers mois. J’ai eu la chance extrême d’avoir pu y échapper. Tout comme c’est une chance de ne pas avoir été victime d’une de ces maladies que nous connaissons en Afrique et qui ont décimé d’autres personnes nées la même année que moi. Je fais partie des 16 enfants sur 100 qui ont pu aller à l’école. Je fais partie des 18 sur 100 qui sont parvenus au baccalauréat et des 300 sur l’ensemble du pays qui se sont rendus à l’étranger, qui se sont perfectionnés… Je fais partie des 2 sur 100 soldats qui, sur le pan social, ont une place stable et bien rémunérée… Et des gens qui ont connu un certain nombre de chances comparables sont 30.000 dans ce pays de 7 millions d’habitants. Et à nous seuls nous ‘‘pompons’’ plus de 30 milliards ? Cela ne peut plus durer. » La recette pour soigner le mal : « En serrant sur tout. Ici, il est interdit d’écrire sur le verso d’une feuille seulement. Nos ministres voyagent en classe économique et n’ont que 15.000 francs CFA par jour de défraiement… » Etc., etc.

Au vu du terrorisme dans son pays en 2022, Sankara fut un visionnaire sur la base d’un diagnostic sans fard. Oser inventer l’avenir en 1985, c’était, au présent en 1985, prévoir écoles, hôpitaux, points d’eau, emplois, etc., pour tous les Burkinabés, c’était prévenir en 1985 le terrorisme de 2022. Pour la paix à la maison, Maman prévient les frustrations, veille à l’équité entre tous ses enfants, refuse le gaspillage et que deux ou trois mangent tout au détriment des autres, et que l’on bafoue la morale en volant, en trichant et en corrompant.
La recette de Thomas Sankara est tout simplement maternelle. En 2021, une jeune Béninoise diplômée sans emploi s’exclamait dans un douloureux oxymore : « Nos parents nous ont mis au monde dans le vide. » Pour empêcher de tels cris de désespoir, pour que les parents, véritablement, ÉLÈVENT les enfants, il est urgent que les pays africains soient maternellement gouvernés, gouvernés à la Sankara. Thomas Sankara est l’horizon maternel des pays africains, la lumière pour éclairer leur marche vers l’égalité des chances pour tous.

Roger GBÉGNONVI

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