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Chronique

En finir avec Roger Gbégnonvi

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Il circule en ce moment sur les réseaux sociaux un écrit intitulé « Qui est Roger Gbégnonvi ? », texte que son auteur a préféré ne pas signer, même pas d’un pseudonyme, et pour cause… Après en avoir lu les 2 ou 3 premières lignes cousues de mensonges et de contre-vérités, j’en ai arrêté la lecture pour lui réserver le sort qui convient aux écrits anonymes, classement vertical dans la corbeille, afin de « laisser les choses basses mourir de leur propre mort. »
N’eût été l’insistance injonctive, quasi comminatoire de ma grande amie Assiba, je ne serais pas revenu à ce texte pour le découvrir dans sa totalité et lui donner la suite qu’il appelle.

Disons-le tout net et d’entrée de jeu : cet écrit est affligeant et profondément déshonorant pour son auteur qui a été bien avisé de se dissimuler en requérant l’anonymat.
En fait c’est dans les dernières lignes du texte qu’on comprend la motivation de l’auteur, car là se trouve résumé l’« exposé des motifs » : Roger Gbégnonvi aurait, dans une récente émission de télévision où il était l’invité, exprimé son opinion toute personnelle sur la situation de deux détenus politiques, Joël Aïvo et Reckya Madougou.

Il est tout à fait normal que l’opinion exprimée par Roger Gbégnonvi ne soit pas partagée par tout le monde, qu’elle puisse même révolter certains, question de sensibilité ou d’appartenance politique. Mais la pluralité des opinions n’est-elle pas signe de bonne santé au sein d’une société moderne ? Je crois qu’il doit être possible d’exprimer et d’argumenter des opinions contraires, différentes de celle de Roger Gbégnonvi sans avoir recours à des affirmations sans fondement qui tiennent de la malhonnêteté et de la mauvaise foi flagrantes, voire de l’indécence.

Ce qui est déshonorant dans le cas présent, c’est que l’auteur du texte, j’en suis persuadé, sait pertinemment que tout ce qu’il affirme est faux ; nonobstant, il s’agit pour lui d’arriver à son but qui n’est que de dénigrer, de diffamer, d’avilir Roger Gbégnonvi, de l’atteindre au moral afin qu’affaibli il se taise à tout jamais et n’exprime plus la moindre opinion, ni oralement, ni par écrit. En somme, une variante de ce que Me Robert Dossou nomme « béninoiserie ». Mais à la décharge de quelques naïfs innocents qu’il faut excuser, qui croient tout ce qui sur les réseaux, il y a ceux qui cherchent à en finir définitivement avec Roger Gbégnonvi, qui prendront le parti de cet écrivain anonyme et aideront à diffuser largement ce texte.
Mais je connais l’homme depuis une soixantaine d’années : il a la carapace solide et tout ce qu’on déverse injustement sur lui à travers les réseaux sociaux l’indiffère, l’essentiel pour lui étant de pouvoir continuer à exprimer ce qu’il pense et d’être en harmonie avec ses convictions intimes, avec sa conscience, mais en restant toujours ouvert à la confrontation d’idées.

Cependant n’est-ce pas triste d’en arriver à perdre du temps à démentir les affirmations gratuites contenues dans ce texte.
Car que signifie que Roger Gbégnonvi est « l’ancêtre des étudiants tricheurs » à l’université ? Je pose la question en tant qu’ancien étudiant de Lettres : Comment triche-t-on en lettres modernes à l’université ? Les maîtres que nous avons eus, car nous sommes de la même promotion, nos maîtres comme Mme Godard, Messieurs Jutet, Pujos, de Médeiros, Houannou etc… ont donc dû manquer de vigilance pour ne jamais traquer le tricheur ! Et le Père Alphonse Quenum alors directeur du collège Père Aupiais a certainement été très mal renseigné en venant débaucher à l’université Nationale du Bénin, alors que nous n’étions qu’en 2ème année de Lettres modernes, un étudiant tricheur comme Gbégnonvi et moi-même pour nous confier des enseignements dans son prestigieux collège ! Et si dans notre promotion tricherie il devait y avoir, je crois que c’est plutôt sur Roger Gbégnonvi qu’on aurait cherché à tricher. L’homme est brillant et a toujours tranché par son intelligence et sa vivacité d’esprit. C’est peut-être ce qui dérange. De plus, il n’est pas carriériste et mène une vie austère, quasi ascétique, se contentant toujours de l’essentiel vital pourvu que sa bibliothèque soit bien fournie et qu’il dispose du nécessaire pour vivre une vie d’intellectuel : penser, publier ou alors périr. Son indifférence à l’égard ce tout ce qui fait courir dans notre société, c’est peut-être encore aussi cela qui dérange.

Il est aussi écrit que Roger Gbégnonvi est rentré d’Allemagne « sans une thèse de doctorat limpide ! Outre que je ne sais pas ce qu’est une thèse limpide, je peux seulement dire Roger Gbégnonvi a été l’auteur de la toute première thèse de doctorat portant sur la parémiologie dans la culture fon, à partir d’un corpus conséquent, et qu’il s’est vu décerner cette année académique-là en Allemagne, et n’en déplaise à son détracteur, le prix de la meilleure thèse de son université. Son détracteur oublie qu’il a aussi étudié au Canada. Et s’il a à supposer qu’il ait été à l’université d’Abomey Calavi un médiocre enseignant incompétent, il y a lieu de se demander ce que viennent chercher chez lui, jusqu’à Ouidah tous ces étudiants qui se disent recommandés par tel ou tel, et tous ses anciens étudiants qui régulièrement l’honorent à Ouidah de leur visite et avec qui il échange longuement pour ensuite aller prendre un verre çà et là dans cette ville qu’il connaît bien. Le hasard m’a permis quelques fois lors de mes passages de me trouver en leur compagnie et de partager avec ces jeunes d’agréables moments.
Je me demande aussi ce que vient chercher son épouse allemande dans cette affaire. Soyons un peu dignes dans nos propos. Les parents de son épouse auraient fait des pieds et des mains pour que Roger Gbégnonvi soit nommé à Cotonou représentant de la fondation Konrad Adonauër (sic) afin de le « sortir de la pauvreté et du chômage ». Relevons que Roger Gbégnonvi n’a jamais été représentant de la fondation Konrad Adonauër, mais plutôt d’une autre, et je me demande si la famille de son épouse connaît même ladite vraie Fondation pour être liée à elle d’une quelconque façon. Et croyez-moi, les Allemands ne sont pas de nature à promouvoir la médiocrité par népotisme. Je ne citerai pas les actions menées par Roger Gbégnonvi à la tête de la Fondation Friedrich Naumann (c’est d’elle qu’il s’agit plutôt) dont il a été longtemps à Cotonou le Représentant résidant.) Nous lui devons au moins et entre autres nombreuses actions et projets, la publication des actes de notre historique conférence nationale.


Il faut aussi le dire : Roger Gbégnonvi n’a jamais été quémandeur de portefeuille ministériel contrairement aux intentions que lui prêtent ceux qui craignent en lui un redoutable éventuel concurrent dans cette course qui n’est pas la sienne. Et il n’a accepté sa nomination par le Président Yayi Boni comme ministre en 2007 que parce que la mission de ce ministère de l’alphabétisation et de la promotion des langues nationales correspondait chez lui à une vieille et très profonde conviction qu’il répète inlassablement, savoir que le développement, le progrès passe d’abord par l’écriture et l’écriture de nos langues avant l’ouverture aux autres langues. Il s’agit chez lui d’une vieille conviction puisque étudiant au Canada avant l’Allemagne, il militait de loin avec nous au sein de l’association que nous avons créée à Paris en 1978 l’association Binndie Jande pour la promotion des langues africaines avec la publication trimestrielle d’une revue du même nom. R. Gbégnonvi y publiait régulièrement en langue fon des textes et des études linguistiques sur la langue fon. C’est dire que R. Gbégnonvi n’a pas accepté d’être ministre pour être ministre, mais il pensait me semble-t-il que le gouvernement d’alors partageait sa conviction.

Ce qui me peine personnellement dans cette affaire c’est le bégaiement de l’histoire : il y a 28 ans, c’était au siècle dernier, j’avais dû en octobre 1994 écrire dans le quotidien Le Matin un article intitulé « Plaidoyer pour de vrais débats d’idée » à la suite d’une attaque ignoble dont Roger Gbégnonvi avait été l’objet, attaque dans laquelle l’auteur faisait déjà intervenir l’épouse allemande de Roger Gbégnonvi. Décidément !
Je préfère ne pas en dire davantage parce que ces clarifications ne changeront rien à la détermination de ceux dont la haine de R. Gbégnonvi est si forte qu’elle ne s’éteindra qu’avec la disparition de leur cible. De telles personnes, de toute façon, ne s’inclinent jamais devant la vérité, car comme il se dit dans la langue des Fon, « il est difficile de réveiller celui qui ne dort pas ». Je répète ce que j’avais écrit il y a 28 ans : « On ne triomphe jamais durablement d’un adversaire en déformant et en escamotant ses pensées ». Kipling dénonçait cette méthode en en faisant l’apanage des « gueux » qui veulent « exciter les sots ».

Que Roger Gbégnonvi ait une pensée et des positions dérangeantes, cela ne fait aucun doute. Ma relation avec lui consiste régulièrement en de vifs échanges, en des désaccords parfois irréductibles ; mais ce n’est pas ce qui peut compromettre une amitié qui, loin d’être encombrante me paraît plutôt fécondante.

Et qu’on le sache : il n’y a pas que sur les questions politiques que Roger Gbégnonvi agace. On s’en souviendra : après l’abbé Barthélémy Adoukonou, c’est le Cardinal Gantin lui-même qui, excédé par certains écrits de Gbégnonvi sur la théologie catholique, a pris sa plume pour publier dans la presse un article contre l’ancien séminariste, une véritable admonestation à la limite de l’excommunication. J’en ai retenu le début de cette mise en garde solennelle : « Dieu punit sévèremen ceux qui… ». Et pourtant cet épisode historique n’a pas empêché le Cardinal de convier régulièrement chez lui, à sa retraite, Roger Gbégnonvi et parfois avec sa famille ; et le prélat et l’ancien séminariste ont poursuivi de féconds échanges jusqu’à la fin du séjour terrestre du Cardinal.

Un tel type de relation doit pouvoir être possible dans un monde civilisé par-delà nos divergences d’opinions. Cela ne peut qu’être mutuellement enrichissant et fécondant. C’est pourquoi, même s’il n’a pas honorablement abouti, le projet de l’auteur anonyme me paraît intéressant car il faudra un jour qu’on puisse répondre sérieusement à la question : «Qui est Roger Gbégnonvi ? »

Jean-Norbert Vignondé

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