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Chronique

Quand l’argent n’appelle que l’argent [Roger Gbégnonvi]

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Chanté et dansé avec frénésie, « L’argent appelle l’argent. » Il s’agit de l’argent présent, dont la tendance naturelle est à l’accroissement. Mais l’argent absent, l’argent manquant, appelle aussi l’argent. Et donc, riches et pauvres souffrent de la dictature de l’argent. La souffrance du pauvre se voit. Mais le plus grand malheur semble celui du riche quand il n’a pas décidé d’investir son trop-plein d’argent sur quelque chose en dehors de soi, et que l’on pourrait appeler un idéal. Voici, dans leurs souffrances, trois Béninois très riches.

Lucien possède de nombreuses villas mises en location. A chaque fin de mois, conduit par son chauffeur, il fait le tour du propriétaire pour percevoir les loyers en espèces, car il a une sainte horreur des chèques, simple papier dont l’entassement ne lui dit rien qui vaille, tandis que les billets de banque qui tiennent lieu de mousse dans ses matelas, voilà qui a du sens ! Il supporte qu’un locataire prétende à la fin du mois qu’il n’est pas prêt. Le mois suivant, le voici chez lui accompagné de son charpentier chargé de décoiffer dare-dare une partie du toit, histoire de siffler la fin immédiate de la récréation, au cas où le débiteur ne lui remettrait pas les deux mois dus. Et Lucien ne se grandit pas en humiliant son locataire.

Lambert est en quête de femmes toujours plus jeunes et plus belles les unes que les autres, car il n’apprécie pas indéfiniment leurs charmes. Au bout de trois ans au maximum, après lui avoir fait un ou deux enfants, il ne trouve plus la dulcinée à son goût, l’abandonne en rase campagne, et libère la place pour la toute nouvelle, toute belle. Attirée par sa richesse, une commerçante devient sa maîtresse, à force de jouer la tendresse. Sachant qu’il se lasse vite, elle lui offre, en plus d’elle-même, sa jolie fille de 18 ans. Offrande agréée. Selon son bon plaisir, l’homme va donc de l’une à l’autre. La maman espère retarder ainsi le lâchage de son amant argenté. Et Lambert ne s’humanise pas en chosifiant les deux femmes.

Désireux de se faire pardonner d’être un grand narcotrafiquant, Donatien hante les cultes religieux qui drainent du monde et ont, à vue d’œil, la faveur du Créateur des mondes. Il reçoit souvent à sa table leurs leaders, les gavent de caviar, les arrosent de vins millésimés pour ceux qui ont permission d’en boire et, surtout, ne laisse repartir personne sans lui avoir glissé très pieusement dans les mains une enveloppe emplie de billets de banque. Il inscrit dans un carnet les noms et les montants perçus. On ne sait pas les raisons de cette mémoire gardée. On sait par contre que les convives, dont le métier est d’enlever le péché du monde, attaquent avec véhémence vol, viol, mensonge, hypocrisie, prostitution, etc., mais oublient le narcotrafic. Intime gratitude envers leur bienfaiteur ? Comme si les paradis artificiels que la drogue procure aux désespérés en les détruisant à petit feu avaient la faveur de leurs religions. Et Donatien et ses hôtes appâtés ne vivent pas en laissant libre cours à la mort.

Vie ou mort, le problème n’est pas l’argent, c’est quand l’argent n’appelle que l’argent. Ce n’est pas son usage, c’est son mésusage. Religieux ou areligieux, on devrait savoir, par la raison, que l’argent en plus ou en trop, doit servir à créer ce qu’il faut pour que se lèvent ceux qui ploient sous le fardeau la vie. Le riche ou le très riche devrait avoir l’esprit d’un honnête intendant. Hélas, le trop-plein d’argent obscurcit la raison, et le riche croit devoir continuer d’entasser sur soi sans limitation, comme si la misère qui avance avançait vers la mer, le désert et les pierres, et non vers les hommes ses semblables. Jésus le Christ, « le fils de l’Homme », a mis l’homme en garde : « Vous ne pouvez servir Dieu et l’Argent. » Prophétique mise en parallèle de la Beauté et de la Laideur ! Pour dire qu’en servant l’une, l’homme sert son salut, qu’en servant l’autre, l’homme sert sa perdition. Si l’on écoute et entend le fils de l’Homme, l’on sait que le salut de l’homme est entre les mains de l’homme.

Roger GBÉGNONVI

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