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Refermer les plaies béninoises des guerres dahoméennes [Chronique Roger Gbégnonvi]

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Conférence de presse à Ouidah le 12 avril 2022 en vue de l’organisation de la Journée Internationale du Souvenir de la Traite Négrière et de son Abolition (JISTNA). C’est tous les 23 août face à la Porte du Non-Retour. Et les Béninois se souviennent sans penser à abolir les vestiges des guerres esclavagistes d’Abomey. Souvenir sans prise de conscience du mal.

Or l’histoire témoigne que l’esclavagiste portugais n’a fait que prêter main forte à l’esclavagiste dahoméen. Ce qui fait dire à l’historien Félix Iroko que ce fut « une affaire conclue à deux ». La traite humaine était connue et pratiquée sur l’aire régentée par Abomey. Aussi, à l’ère de l’esclavagisme européen, allait-il de soi que, à un jet de pierre de la sinistre Place des Enchères à Ouidah, on imposât un arrêt aux convois d’esclaves devant le vodun Aïzan, « arrêt au cours duquel des offrandes étaient données à cet Aïzan pour le supplier à faire de la vente un succès ». Aïzan bénissait la vente. La Croix bénissait l’achat.

Mais après quatre siècles de terreur et de malheur, les acheteurs, non sans hésiter, remplacèrent la déportation par la colonisation, esclavage à domicile, qu’ils remplaceront plus tard par les indépendances données, dont ils s’autoriseront pour exploiter sols et sous-sols des ‘‘indépendants’’, sous-couvert de l’Aide au Développement, opium pour endormir á vie ceux qui ont reçu les indépendances en cadeau. L’Europe garde donc la main et, en sus, cultive du Nègre un mépris qui frise la haine. Ce qui, du reste, s’explique : on ne peut pas avoir traité le Nègre en animal pendant quatre siècles et se mettre soudain à le traiter en être humain digne de respect. Ni abolition, ni colonisation, ni indépendance donnée ne conduisent à pareil retournement, à pareille conversion. Cela s’explique et se comprend.

Comme il s’explique aussi que le Dahoméen devenu Béninois ne songe à rien abolir. Le régime esclavagiste sur les terres d’Abomey, « ce royaume militaire remarquablement organisé », a habitué le Dahoméen à ce que les puissants vendent et achètent les faibles. En conséquence de quoi le Daho-Béninois ne se laisse interpeller par aucune des abolitions de l’esclavage, et qu’il est resté comme aveugle devant les vestiges, les plaies ouvertes laissées par ces temps de terreur et de malheur. Ici le trône d’un roi « repose sur les quatre crânes de quatre ennemis vaincus ». Dont acte ! Là-bas, sous le tertre, les généraux Kposu et Gahu : venus dans la région reconnaître les lieux en vue d’une razzia esclavagiste, mal leur en prit, reconnus, ils furent enterrés vivants, et l’on fit vodun le tertre au-dessus d’eux. Dont acte !

En 1996, quelques Béninois se dirent que ces vestiges des guerres esclavagistes d’Abomey constituaient des plaies véritables sur le flanc de la nation et un véritable handicap pour son unité. Ils entreprirent des démarches discrètes pour qu’on retourne les crânes á leur ethnie d’origine et qu’on retourne à leurs parents la poussière des généraux Kposu et Gahu. On leur répondit poliment de part et d’autre que c’était impossible, que les crânes symbolisaient la puissance du roi vainqueur, que le vodun érigé sur les généraux enterrés vivants symbolisait la vengeance de l’ethnie martyrisée. Recevable ! Logique !

Pour atténuer la logique des gardiens du temple PUISSANCE et VENGEANCE, on dira « La République du Bénin, une et indivisible… ». Et que sa devise, celle de tous les Béninois, commence par FRATERNITE. Et que les guerres terminées, les six guerriers ci-dessus ne sont plus trophées à garder mais prisonniers de guerre à libérer. Et que si les adorateurs d’Aïzan et de la Croix ont crucifié la fraternité humaine en vendant et en achetant les hommes, la République bâtie ensemble par les Béninois réparera le crime contre l’humanité en portant haut le flambeau de la fraternité humaine afin qu’à chaque célébration de l’abolition de l’esclavage, la haine recule un peu plus devant l’amour éclairant la restauration de l’homme.

Roger GBÉGNONVI

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