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Et si l’oracle FA était un frein de plus ? [Chronique Roger Gbégnonvi]

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Un frein de plus au progrès du Bénin et, au-delà, de l’Afrique, dont les fils et les filles sont en quête d’assurance pour traverser une vie souvent prise au lasso de mille et un soucis. Moult entretiens font apparaître que le FA, messager des voduns et vodun lui-même dans l’ère Aja-Tado au sud du Bénin et du Togo, est interrogé avant chaque décision importante à prendre et après chaque rêve préoccupant, interrogé par presque tous, quelles que soient la religion ou l’école philosophique dont on se réclame. Pas un pas sans le FA.
Cette propension à interroger le FA rappelle le recours que l’on peut avoir à la météorologie ou à l’horoscope. L’un et l’autre rassurent au sujet du temps qu’il fera ou de ce qui adviendra dans votre existence. De le savoir permet de prévoir et de prendre d’utiles dispositions. Mais ces deux sciences, tout en donnant de fortes indications, ne prétendent pas à une forte précision. Le mouvement des vents et des nuages, le positionnement des astres, peuvent évoluer de façon à déjouer les prédictions. Celui qui recourt à la météo ou à l’horoscope le sait et ne s’en offusque pas, convaincu que, en matière d’avenir, « rien n’est jamais acquis ». La croyance en ces deux sciences n’implique pas soumission et abandon.
Au contraire de la météorologie et de l’horoscope, le FA est donné pour une science exacte. « FA do nùgbó », le FA profère la vérité, énonce le bon sens, qui n’imagine pas que ce vodun, messager des voduns, puisse ne pas porter une vérité indépassable, le message infaillible des dieux. Interroger le FA est un acte de foi. Aussi parle-t-on plutôt de « prêtre du FA » que de « devin » pour désigner le consultant, le décodeur attitré des signes du FA et qui se trouve être toujours un homme. Les femmes n’accèdent pas à ce sacerdoce. Mais celui ou celle qui a consulté le FA s’en va-t-il rassuré et aguerri selon son vœu ? Pour tenter de répondre à la question, voici, établies pour Dame X, les prescriptions d’un prêtre du FA après consultation à Cotonou début janvier 2022 : « 1- Sacrifice aux sorciers. 2- Désenvoûtement (pour purifier l’aura). 3- Estime des sorciers. 4- Savon de chance. 5- Protection contre la sorcellerie. 6- Savon contre mari de nuit. 7- Scarification contre mari de nuit. » Le tout pour un montant de 86.000 f CFA, dont le consultant a perçu une avance de 50.000 f. L’on n’a pas affaire ici à un traditionnel, avec balluchon ou sacoche en bandoulière. Celui-ci est un moderne. Secrétariat. Heures définies de consultation. Carte de visite.
A la lecture de son ordonnance, on devine le diagnostic et quelles sont les angoisses de la dame au seuil de l’année nouvelle. Après exécution de l’ordonnance, en aura-t-elle fini avec les « blocages » pour avancer avec assurance et sérénité ? Pourquoi pas ? Interroger le FA est un acte de foi, or « c’est la foi qui sauve ». L’autosuggestion aussi. Elle aura été ravivée par le rituel du prêtre. Elle aura peut-être aussi forgé le « mari de nuit », fantasme possible d’une quadragénaire à la vie affective tourmentée ! Voire. Quant à la sorcellerie, méchanceté radicale et rance de l’espèce humaine, elle se nourrit de frustration, de jalousie, d’envie et de haine, entretenues par les hommes et les femmes. Et ce n’est pas demain que ces sentiments funestes cesseront de les transformer en loups pour leurs proches. Hélas !
Pas un pas sans le FA. Or le FA implique foi, soumission, abandon. Voilà peut-être pourquoi le Bénin et, au-delà l’Afrique, ne font pas montre d’une réelle combativité pour « changer la vie ». Il semble bien que le FA, ou semblable, interrogé, vénéré au quotidien et tous azimuts, entretienne angoisse et fatalité derrière l’illusion de l’assurance de la vérité dite par le vodun, messager des voduns. Il faudrait donc repousser tout oracle perçu comme frein à la liberté et au progrès de l’homme. Pour avancer, il est mille et un « sommeils dogmatiques » à secouer par mille et un réveils audacieux et systématiques. Se réveiller !

Roger GBÉGNONVI

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