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Malhonnêteté des Béninois en toute sincérité [Chronique Roger Gbégnonvi]

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Etrange récit de l’évangéliste Luc. Avant que d’être licencié, le gérant fraudeur se soucie de son avenir et transforme en ses obligés les débiteurs de l’entreprise qu’il a mise en faillite. Sur le dos du patron, il leur fait des remises de dette non autorisées. Il aggrave son cas. Or, paradoxe, on l’en félicite. En effet, « le maître loua cet intendant malhonnête d’avoir agi de façon avisée. Car les fils de ce monde-ci sont plus avisés […] que les fils de la lumière » (16/1-8). Les Béninois, semble-t-il, se rangent volontiers et en toute sincérité du côté de cet intendant malhonnêtement avisé. Deux situations, vécues, tendent à le corroborer.
Situation N° 1.- En fait, trois situations qui n’en font qu’une. En 1990-2000, vous présidez une ONG de lutte contre la corruption. Sans s’être concertées, trois personnes vous rendent visite à domicile, chacune de son côté, et vous font une proposition identique pour l’essentiel. Il s’agit, à chaque fois, d’aider dans une affaire louche, reconnue comme telle et cependant « juteuse ». Leur logique est d’une clarté bizarre : « Votre intégrité ne fait pas l’ombre d’un doute. Si, donc, vous prenez, sur papier, la tête de l’opération, tout le monde sera rassuré. Bien entendu, vous aurez votre part, et elle ne sera pas petite. » Timidement, vous faites observer qu’il vous paraît contrenature de mettre l’intégrité au service de la malhonnêteté. « Mais M. le Président, tout le monde fait ça ! Derrière le bel affichage, on mange. Votre intégrité doit vous enrichir en douce afin que vous ne mouriez pas pauvre ! »
Situation N° 2.- Depuis 2020, vous vous êtes retrouvé parrain d’une jeune dame. Vingt-cinq ans environ. Licence professionnelle. Employée dans le secteur privé où vous pensez qu’elle gagne sa vie de façon tout à fait acceptable. Mais un jour, fin 2021, avec une parfaite ingénuité, elle vous confie qu’elle est obligée de « voler » (sic) son patron pour ne pas crever clocharde. « Mensuellement, je garde par-devers moi le tiers au moins des recettes. » Surpris par sa sincérité dans la malhonnêteté, vous protestez : « Mais, ma fille, votre patron vous paye ! ».- « Non, Papa, c’est un salaire de misère, et Y’en a marre du pain sec ! Je dois le gruger pour m’acheter un peu de beurre et de jambon. Tout le monde fait ça, Papa !  On pique dans la caisse pour atténuer la misère. » Vous êtes secoué. Quoique…
Car, aux alentours de la situation N° 1, un dignitaire, dont chacun sait qu’il a bâti sa richesse sur une série de faux et usages de faux, vous invite chez lui et ouvre sous vos yeux son récent chéquier. De son index il dirige votre regard en s’attardant sur des noms vénérés, bénéficiaires eux aussi de ses largesses en euros et non en CFA. Satisfait, l’hôte conclut : « Vous avez vu, M. le Président, comment j’empoche les diseurs de Dieu. Ces prédicateurs fainéants ne me demandent pas d’où vient l’argent que je leur jette. Leur silence me sanctifie autant qu’il décrédibilise votre lutte contre la corruption. Je tenais à vous le dire. ».-Car aux alentours de la situation N° 2, vous avez entendu « Nous autres, commerçants, sommes obligés de trafiquer avec les douaniers », et encore « Nous autres, comptables, sommes obligés de fausser les chiffres au bénéfice des patrons et de nous-mêmes. Sinon… »
La morale des sept confessions ci-dessus, c’est l’urgence pour les éducateurs de remettre la morale au centre de leurs préoccupations, c’est l’urgence pour l’Etat de travailler à être un soleil de probité afin de pouvoir opposer à la malhonnêteté des Béninois en toute sincérité la férocité des lois béninoises en toute équité. Lesquelles lois il faut renforcer. Sous des prétextes faciles et auto satisfaits, appuyé sur la frivolité de l’argent, le vice est de plus en plus perçu et reçu comme vertu. Si les instances morales n’arrêtent pas ce processus de délitement de la société, ce processus de renversement des valeurs, c’est le chaos. Or sans cesse nous chantons : « Enfants du Bénin, debout ! » Alors résistance, et résistance encore.

Roger GBÉGNONVI

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