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Covid-19 : Comment le tourisme béninois se réinvente dans l’Atacora

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Mis à terre par la pandémie de la Covid-19, le tourisme béninois reprend petitement. Entre plan B, conquête du tourisme local et appui du gouvernement, le secteur se réinvente dans l’Atacora. Découvrir la suite et la fin de notre dossier “Covid-19 : l’étonnante résilience des acteurs du tourisme dans l’Atacora”.

Des touristes contemplant des éléphants dans le parc national de la Pendjari

“Le plan B ” des artisans

« Quand on est artiste, on n’a pas une comptabilité stable d’où il faut avoir toujours un plan B. Et il faut le dérouler en temps de crise », prévient d’emblée Joseph N’jie, artiste plasticien autodidacte installé au musée régional de Natitingou. Ces quarante ans de création lui ont permis d’avoir un carnet d’adresses très fourni. Le moment était donc arrivé de s’en servir comme une mine d’or. « Pendant la période de confinement, j’ai profité pour créer de beaux tableaux que j’ai vendus grâce à mon téléphone portable. Il m’a suffi de contacter tous mes clients qui ont pris par ici et ailleurs pour leur proposer mes créations. Dès que le marché est concluant, je leur envoie par la poste les tableaux ». Voilà ainsi déroulé le plan B. « Certains de mes clients européens font la promotion de mes produits auprès de leurs amis. Et cela me rapporte bien », a-t-il ajouté. En plus de cela, il a produit des objets d’art qui répondent aux goûts et à la bourse des touristes nationaux ou locaux qui constituent désormais plus de 90% des visiteurs depuis la propagation de la maladie selon le conservateur du musée.

Joseph N’jie, alias Tonton Jo, artiste plasticien

C’est la même stratégie qu’ont adoptée les artisans tailleurs de pierre dans le village de Berecingou, situé dans la commune de Natitingou. « Comme les Blancs ne viennent plus acheter nos objets d’art faits à base de pierre, nous avons privilégié la fabrication des carreaux qui servent à la construction des maisons pour les Béninois », explique Paul Kassa, la vingtaine d’âge et tailleur de pierre, assis devant des tas de carreaux dont les prix varient entre 60 000 et 90 000 frs CFA.
Du côté des promoteurs hôteliers, certains ont par exemple ouvert l’accès de leurs piscines qui, étaient par le passé, réservées aux clients qui y passent la nuit, à tout le monde. Ainsi, l’espace au bord de la piscine peut être loué pour des cérémonies d’anniversaire, de mariage, de communion pour chrétiens. Cela leur permet de faire des rentrées d’argent, ajoutée aux locations de salles pour les séminaires de certaines institutions après la levée du cordon sanitaire le 2 juin 2020.

A la conquête du tourisme local

Sur tous les sites touristiques du département, ils ont répondu présents. Eux, ce sont les nationaux et expatriés résidants au Bénin, désormais enclins à la découverte du patrimoine touristique du pays. Et pour cause, les actions de communication médiatique et hors médias mises en place par des acteurs de l’industrie du tourisme portent leurs fruits. Tout est parti de 2016 selon Dr Yantibossi Kiansi où le gouvernement béninois a fait « une focalisation sur les réserves». Il a décidé de mieux valoriser les sites touristiques à travers les médias classiques et sociaux. Et dès 2017, avec l’arrivée d’une ONG sud-africaine, African Parks, pour gérer le parc de la Pendjari, les actions de communication se sont intensifiées. Les capsules réalisées par le service de communication sur la destination Pendjari semblent avoir eu beaucoup d’effets positifs. On note aussi une politique d’attractivité traduite par la réduction de frais de tickets d’entrée sur les sites aux Béninois.

LIRE AUSSI: “Covid-19 : l’étonnante résilience des acteurs du tourisme dans l’Atacora” (1ère partie)

Par ailleurs, les acteurs du secteur, chacun dans sa structure, a soit une page Facebook ou un site web qui montrent des lieux qui donnent envie d’être visités. Le Bureau d’accueil de l’information touristique (BAIT) dispose à titre illustratif d’un site internet, d’une page Facebook pour la cause. « Avant 2019, nous étions à plus de 5000 touristes qui partaient à la découverte des Tata somba avec à peine 1% de nationaux. Mais pendant la covid-19, la tendance s’est inversée. Sur la centaine de visiteurs, 80% sont des nationaux», fait observer Gui N’Da.
De même, certaines agences de voyages et de tourisme sont allées dans des entreprises privées comme publiques pour leur proposer leurs offres. Enfin, selon le conservateur de musée, Joseph Toumoudagou, du fait de la fermeture des frontières à l’international, certains Béninois qui auparavant prenaient leurs congés pour aller visiter des pays extérieurs ont été contraints à mieux découvrir leur pays.

L’appui du gouvernement

Selon un rapport de l’UITA (Union Internationale des Travailleurs de l’Alimentation, de l’Agriculture, de l’Hôtellerie-Restauration, du Tabac, du Catering et des Branches Connexes) du Bénin sur l’impact socio-économique de la Covid19, paru en décembre 2020, le secteur tertiaire dans lequel se trouvent le tourisme et l’hôtellerie, a contribué respectivement à hauteur de 48.0% du PIB nominal en 2019 et le gouvernement espérait un pourcentage un peu plus élevé en 2020. Face donc à la crise, le gouvernement a débloqué 63,38 milliards de FCFA au profit de l’ensemble des entreprises impactées d’après le rapport de l’Equipe-Pays des Nations- Unies. Dans le département de l’Atacora, l’Hôtel Kaba de Natitingou, appartenant à un privé, qui, faisait partie des complexes hôteliers réquisitionnés pour la mise en quarantaine des voyageurs en provenance de l’étranger a reçu environ 7 millions de FCFA pour faire face aux charges, chiffre fourni par l’hôtel. Du côté de l’Hôtel Tata somba, qui relève d’une structure étatique, une subvention de 7 millions de l’État lui a été accordée pour éponger les frais de facture d’électricité. Certains acteurs notamment des artisans ont individuellement reçu un appui financier qui tourne autour de 30 000 francs.
Si ce geste du gouvernement est apprécié par les acteurs de l’industrie du tourisme, certains le jugent insuffisant tandis que d’autres se sentent exclus. Qu’ils soient du privé ou du public,des hôtels estiment insignifiant l’accompagnement de l’État et en demandent davantage pour relancer les activités. Certains hôtels, en dépit des dossiers fournis aux structures en charge d’accompagner les entreprises n’ont encore rien reçu. L’attente devient insoutenable. Du côté des guides touristiques, c’est le mécontentement chez certains. Alors qu’ils ont été recensés, ils n’ont pas perçu les 30 000 francs CFA à eux promis. D’autres encore n’ont même pas été informés de l’opération de recensement avant qu’elle ne soit bouclée. « Qu’on soit recensé ou pas, covid-19 s’en fout ! Il a frappé tout le monde », crie l’artiste plasticien Joseph N’jie avec colère et de s’interroger : « Pourquoi nous imposer un recensement ? ».
Comme lui, la plupart des acteurs attendent de l’État non seulement la généralisation des mesures sociales mais aussi, leur prise en charge lorsqu’ils tombent malades.

Le bout du tunnel

En dépit des difficultés, les acteurs de l’industrie du tourisme de l’Atacora croient à une reprise progressive de leur activité. Réunis au sein du Collectif des opérateurs touristiques de l’Atacora 2021 (COTA 2021), ils ont organisé le 15 novembre 2021, à l’occasion du lancement officiel de la nouvelle saison touristique qui s’étend du 15 novembre au 15 août 2022, une caravane dans la ville de Natitingou. Une première dans le département. « L’idée est de casser la peur de la Covid-19 et de la supposée insécurité dans la région d’une part et préparer les différents acteurs de l’industrie du tourisme à faire des offres de qualité exceptionnelle pour attirer les touristes», a expliqué Sylvie Yeropa, guide touristique certifié et présidente de l’événement.

Désormais les bras ouverts, la guide touristique, Sylvie Yeropa attend les touristes de la nouvelle saison

A l’analyse, l’intérêt de cette action est d’amener les gens à s’habituer à la Covid-19.. S’il est évident qu’aucun Béninois ne se réveille le matin en pensant au paludisme qui tue plus que la Covid-19, il faut que cette logique s’étende à la pandémie mondiale. Dès lors que les acteurs vont respecter les mesures de protection, la pandémie deviendra à moyen et long terme, une maladie banale favorable à la reprise effective des activités.
Toutefois, la fin du tunnel ne sera pas pour demain si les produits et services ne sont pas de bonne qualité et attractifs. Les différents acteurs en sont conscients. C’est pour cela que certains ont mis à profit le temps de la crise. « Nous avons formé nos artisans sur la finition des produits. Nous avons travaillé avec les potiers et ceux qui font la vannerie, les bracelets etc. Tout est désormais aux normes pour satisfaire toutes les catégories de touristes », rassure Gui N’Da.
A côté des artisans, les guides touristiques de la région ont eux aussi bénéficié d’un renforcement de capacités.
Par ailleurs, désormais Cotonou, la capitale économique sera de façon saisonnière le lieu d’exposition des objets à valeur touristique dont regorge l’Atacora. « Bientôt les Tata somba en miniature seront exposés à Cotonou pour avoir un avant- goût des merveilles du pays des Otammari et y faire un tour », a dévoilé le responsable en charge du développement et de la promotion de la route des Tata.
Les acteurs sont très confiants en l’avenir, les opérateurs touristiques ont le regard tourné vers l’État en ce qui concerne les dispositions à prendre pour que le dispositif sécuritaire soit moins visible dans la région afin de rassurer les potentiels touristes.

Cette enquête a été réalisée grâce à l’appui du Programme Dialogue Politique en Afrique de l’Ouest de la Fondation Konrad-Adenauer-Stiftung (PDWA/ KAS)

Venance TONONGBE

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