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Dans le Bénin qui monte [Chronique Roger Gbégnonvi]

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C’est une question heureuse que celle de savoir sur quoi vous, jeunes Béninois, mettrez l’accent dans le Bénin qui monte par rapport au Bénin de nous octogénaires, dont la page se ferme. Frantz Fanon semble avoir répondu à votre question lorsqu’il écrivait en 1961 dans Les damnés de la terre : « Chaque génération doit, dans une relative opacité, affronter sa mission : la remplir ou la trahir. » En résumé : mission entraînant possibilité de démission.
L’essentiel est là, pour les jeunes Béninois dans le Bénin qui monte. La génération des 80 ans sur le départ n’a pas connu d’obstacles majeurs sur les chemins de ladite ‘‘réussite sociale’’. Le Dahomey de leur naissance ne comptait pas un million d’habitants ou à peine. On pouvait y ‘‘réussir’’ sans se spécialiser outre mesure et à partir d’une compétence quelconque. Ils n’ont donc pas développé le sentiment d’une mission spécifique qui leur eût incombé. Comme des automates, ils ont fonctionné. N’ayant pas de mission, ils ignoraient la démission. Il serait pourtant injuste de le leur reprocher. Quand tout va à peu près, la médiocrité passe pour une réussite. Pas de problèmes à résoudre. Pas de pierres à soulever.
Il en va tout autrement dans un Bénin à 12 millions d’habitants, amputé de L’Île de Léthé. Amputation qui n’empêche pas le Bénin de monter au milieu de problèmes nouveaux, multiples et divers, qui obligent les jeunes Béninois à ne pas se laisser vivre à l’instar de leurs vieux parents, mais à développer le sentiment de quelque mission à affronter, la mission de leur accomplissement personnel et de l’accomplissement du pays, l’un n’allant pas sans l’autre, et les deux n’allant pas sans une émulation forte. Pour créer cette émulation chez tous les Béninois, de sorte que tous se sentent concernés par le double accomplissement, les jeunes Béninois s’imposeront la mission primordiale d’amener tout Béninois à savoir lire et écrire une des langues du monde. Le commerce avec l’abstraction des lettres et des chiffres n’est pas facultatif puisqu’il ouvre la porte à tout progrès personnel et collectif, étant le lieu privilégié de l’introspection nimbée de solitude et de silence, lieu où le veilleur, solitaire et silencieux, élabore et purifie pour la communauté l’or de toute création. « Frappe-toi le cœur, c’est là le génie ! ». Le génie naît du silence du lire-écrire. Envisager le développement avec et pour un peuple analphabète, c’est lui promettre qu’un jour les poules auront des dents. Si ce miracle finit par se produire, ce sera grâce au miracle permanent du lire-écrire.
La religion ? Ce n’est pas Dieu, c’est l’homme qui en a besoin. Il la fabrique et s’en sert pour le meilleur et pour le pire. Hier, décrétant que Dieu avait parlé, il s’en est souvent servi pour le pire. Aujourd’hui et demain, dans le Bénin qui monte, les jeunes Béninois se donneront la mission de dépouiller toute religion de tout obscurantisme, de tout archaïsme et de tout dogmatisme. Les différences de culture et de climat empêchent que les hommes aient de Dieu une perception univoque, et les différences de sensibilité les empêchent de se regrouper dans une seule et même religion. Les jeunes Béninois rendront ces évidences accessibles à tous pour qu’aucun homme sur terre n’ait plus à souffrir d’aucune religion. Invalider à tout jamais la notion sadomasochiste de conflit des religions. Mission grandiose.
Dans le Bénin qui monte, chaque Béninois continuera de s’assoir sur une seule chaise ou dans un seul fauteuil. C’est le signe évident qu’il est petit, étroit, confiné. C’est pourquoi les jeunes Béninois se donneront pour mission de travailler à ce que plus personne n’essaye, par orgueil et égoïsme, de ramener le monde à soi, de le rapetisser, de l’amoindrir. Il faut, au contraire, s’élever et tendre vers lui, s’ouvrir aux autres, et ainsi, s’offrir réciproquement en partage le monde entier dans toute sa diversité. Mission grandiose aussi. Pourtant ni philanthropie ni homélie, mais simple leçon de chose dans le Bénin qui monte.

Roger GBÉGNONVI

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